Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 23 mai 2022
Gouvernement

Gouvernement Borne : quels interlocuteurs pour les collectivités locales ?

La Première ministre, Élisabeth Borne, a dévoilé vendredi son premier gouvernement, qui fait la part plus belle aux hauts fonctionnaires qu'aux élus de terrain. Premières analyses sur un gouvernement où l'écologie sera traitée à plusieurs étages. 

Par Franck Lemarc

Maire-Info
© Gouvernement.fr

Comme à chaque changement de gouvernement, il faudra attendre la parution de ce qu’on appelle les « décrets d’attribution »  pour savoir précisément qui fait quoi dans la nouvelle équipe choisie par Élisabeth Borne. Mais il est d’ores et déjà possible de dégager quelques conclusions de l’architecture – originale à plus d’un titre – de ce gouvernement. En sachant qu’il est, sans doute, provisoire : tout indique que l’équipe sera modifiée après les élections législatives, d’une part parce que l’Élysée a confirmé, ce week-end, que les ministres battus ne pourraient pas rester et, d’autre part, parce que de nouveaux entrants pourraient être désignés après le renouvellement de l’Assemblée nationale. 

Un maire chargé des collectivités locales

Comme dans le tout premier gouvernement nommé en 2017 par Édouard Philippe, il n’y a pas de ministre de plein exercice chargé des collectivités territoriales – mais un ministre délégué. Il s’agit, toutefois, d’une personnalité qui connaît la question puisque le poste a été confié à Christophe Béchu, maire d’Angers et président d’Angers Loire métropole. Christophe Béchu – membre du nouveau parti Horizons d’Édouard Philippe – est un spécialiste des finances locales, sujet qu’il a enseigné au CNFPT, des questions sociales – il a présidé l’Odas (Observatoire nationale de l’action sociale) entre 2015 et 2018 – et des questions de transport – il a également été élu président de l’Agence de financement des infrastructures de transport en France (Afitf) en 2018. 

Christophe Béchu a l’expérience de tous les niveaux de collectivités locales, puisqu’il a été conseiller départemental et président du conseil départemental du Maine-et-Loire, conseiller régional, et également sénateur et député européen. 

Le maire d’Angers est le seul ministre délégué de ce nouveau gouvernement à être sous une double tutelle : celle du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et celle de la nouvelle ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Amélie de Montchalin. Ce qui n’est pas illogique dans la mesure où, depuis le remaniement ministériel de 2018, la Direction générale des collectivités locales (DGCL), auparavant sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, est passée sous la coupe du ministère de la Cohésion des territoires. 

Écologie bicéphale

Le ministère confié à Amélie de Montchalin (jusqu’à présent chargée de la Fonction publique) est une nouveauté, puisqu’elle va chapeauter à la fois la « transition écologique »  et la « cohésion des territoires ». C’est la première fois depuis bien des années qu’un ministre chargé de l’écologie est responsable d’un autre portefeuille, en même temps ; mais la chose est cohérente avec la volonté du chef de l’État de voir piloter la transition écologique à l’échelle des territoires. 

Autre nouveauté : la question de la transition écologique a été séparée de celle de la transition énergétique – ce poste de ministre de la Transition énergétique ayant été confié à Agnès Pannier-Runacher, chargée auparavant de l’industrie à Bercy. 

Reste que la question de la transition écologique sera pilotée directement par la Première ministre elle-même, là encore selon les vœux d’Emmanuel Macron. Élisabeth Borne a annoncé, dès vendredi, la nomination d’un « secrétaire général à la Planification écologique », placé directement à Matignon et « chargé de coordonner l’élaboration des stratégies nationales en matière de climat, d’énergie, de biodiversité et d’économie circulaire ». Ce poste a été confié à Antoine Pellion, jusqu’alors conseiller en matière d’environnement à Matignon. Ce poste très stratégique fera de lui une personnalité clé du nouveau gouvernement – il est déjà surnommé par certains commentateurs « le vrai ministre de l’Écologie ».

Les autres noms à retenir

Parmi les autres ministres auxquels les associations d’élus vont maintenant avoir à faire, on peut noter la montée en grade de Gabriel Attal, qui passe de porte-parole du gouvernement à ministre délégué chargé des Comptes publics (c’est-à-dire ministre du Budget). C’est donc lui qui sera chargé de porter les lois de finances. 

Nouveau ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse : Pap Ndiaye. Cet historien de 56 ans, normalien et agrégé d’histoire, spécialiste de « la condition noire en France », est déjà considéré comme « l’anti-Blanquer »  – rappelons que Jean-Michel Blanquer était directeur général de l’enseignement scolaire quand il a pris son poste, tandis que Pap Ndiaye a davantage un profil d’intellectuel et de chercheur. 

Pour gérer le dossier brûlant de l’hôpital, alors que les fermetures des services d’urgence se succèdent jour après jour, Élisabeth Borne a choisi de placer Brigitte Bourguignon à la tête d’un « ministère de la Santé et de la Prévention ». Jusqu’alors chargée de l’autonomie dans le gouvernement précédent, Brigitte Bourguignon, socialiste jusqu’à son ralliement à Emmanuel Macron en 2017, est davantage une spécialiste des affaires sociales que des purs sujets de santé : elle a été adjointe au maire de Boulogne-sur-Mer chargée de la lutte contre les exclusions et surtout présidente de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, en 2017. 

Un certain nombre de très fidèles du président de la République, sans expérience d’élus locaux, font leur entrée au gouvernement : notamment Stanislas Guerini, jusqu’à alors patron du parti La République en marche (devenu Renaissance), qui hérite du portefeuille de la Transformation et de la Fonction publiques. C’est donc lui qui va gérer la très sensible question du relèvement du point d’indice. Autre fidèle du chef de l’État : Yaël Braun-Pivet, jusqu’à présent présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, devient ministre des Outre-mer. 

Olivier Dussopt, ancien maire d’Annonay et président de l’APVF, chargé du budget dans le précédent gouvernement, hérite du poste de « ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion ». Il sera donc chargé de gérer rapidement la mutation annoncée par Emmanuel Macron de Pôle emploi en « France travail »  – réforme qui inquiète les élus car elle pourrait se traduire par une fusion de l’ancien Pôle emploi avec les missions locales. 

Notons enfin que la culture a été confiée à Rima Abdul Malak. Relativement peu connue du grand public, cette franco-libanaise de 43 ans est une véritable spécialiste des questions culturelles : elle a notamment été la conseillère culture de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris avant de devenir attachée culturelle à l’ambassade de France à New York. 

C’est également une experte qui a hérité du portefeuille des sports : après la championne de natation Roxana Maracineanu, c’est l’ex-directrice générale de la Fédération française de tennis – et par ailleurs magistrate à la Cour des comptes – Amélie Oudéa-Castéra, qui devient ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Contrairement au gouvernement précédent, il s’agit d’un ministère de plein exercice, qui n’est plus sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale. 

Les absents

Plusieurs grands portefeuilles sont totalement absents de ce gouvernement, ce qui ne laisse pas de surprendre. Le numérique, qui n’a plus ni ministre de tutelle ni même secrétaire d’État – la seule référence au « numérique »  étant dans le complexe intitulé du nouveau portefeuille de Bruno Le Maire, « ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique ». Ou encore le logement, dont on ignore s’il entrera dans les attributions d’Amélie de Montchalin à la Cohésion des territoires, de Christophe Béchu aux Collectivités territoriales ou d’Agnès Pannier-Runacher à la Transition énergétique… ou de tous à la fois. 

Aucun portefeuille non plus pour la politique de la ville, ce qui n’est guère encourageant pour ce sujet pourtant crucial. Et, plus surprenant encore, aucun ministre ou secrétaire d’État n’est chargé des transports, ce qui a fait immédiatement réagir le Gart (Groupement des autorités responsables du transport), qui a fait état dès vendredi de son « regret »  et de son « étonnement certain » : « Nous ne pouvons que déplorer que la mobilité soit ainsi passée sous silence, alors qu’il s’agit, et la crise des gilets jaunes nous l’a suffisamment prouvé, d’une des préoccupations majeures de nos concitoyens. »  Le Gart émet cependant l’hypothèse que la question des transports soit « directement traitée par la Première ministre, dont elle connaît tous les tenants et aboutissants ». 

Une autre hypothèse, sans doute plus probable, est que les corrections qui seront apportées à cette nouvelle équipe après les élections législatives donneront la place à de nouveaux membres, chargés de ces dossiers sensibles. 

Prochain épisode : la parution des décrets d’attribution, qui permettra d’y voir plus clair dans l’architecture de ce gouvernement.

En attendant, nos lecteurs peuvent télécharger ici l’organigramme de ce nouveau gouvernement, réalisé par Maire info et imprimable au format A3. 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2