Maire-info
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Édition du jeudi 7 février 2019
Gestion locale

Les pompes funèbres, un secteur « insuffisamment contrôlé » par les autorités publiques, selon la Cour des comptes

Dans leur rapport public annuel, publié hier, les magistrats de la Cour des comptes ont consacré un chapitre au secteur qu'ils jugent encore « insuffisamment contrôlé »  des pompes funèbres. Vingt-cinq ans après « l’abrogation du monopole communal »  et - par conséquent - l’ouverture du marché à des « opérateurs dûment habilités », les objectifs fixés par la loi Sueur ne sont que « partiellement »  atteints, écrit la Cour. « Cette évolution a plus bénéficié aux opérateurs qu’aux familles endeuillées », tranche encore la Cour des comptes, qui « recommande que les autorités publiques jouent pleinement et fermement le rôle qui leur revient ». Notamment en matière de contrôle.

Hausse du chiffre d’affaires et des tarifs
Rembobinons. En 1993, la loi Sueur visait trois objectifs « indissociables » : un, la libéralisation du service public et commercial (Spic) des pompes funèbres, alors dans « une situation inextricable », deux, « redéfinir la mission de service public et prendre les dispositions garantissant son respect par les opérateurs », et trois, « protéger les familles et assurer une transparence des prix ».
Résultat vingt-cinq ans plus tard : le chiffre d’affaires du secteur est quasiment passé du simple au double en quinze ans (1,28 milliard d’euros en 2000, 2,25 milliards en 2015), la concentration des opérateurs du secteur privé est « croissante »  - le leader historique, OGF, assurait 20 % des obsèques en 2015 et « nombre d’entreprises indépendantes choisissent d’adhérer à des réseaux de franchise »  - et « la place des collectivités publiques et de leurs opérateurs n’a cessé de décroître », écrivent les magistrats. « Alors qu’elles représentaient 20 % des opérateurs habilités avant la mise en œuvre de la réforme de 1993, leur part est passée à 7 % en 2016. » 
Certaines collectivités « importantes », comme la ville de Paris ou l’agglomération lyonnaise, « ont toutefois maintenu leur implication dans le domaine funéraire ». Elles représenteraient 16 % du chiffre d’affaires du secteur.

Devis-types : les maires invités à être attentifs
Autre constat : si la loi de 1993 a conduit à « un élargissement conséquent »  de l’offre de prestations proposée aux familles - développement de l’offre d’accueil en chambre funéraire (300 sites en 1993, 3000 en 2016), progression du nombre de crématoriums (d’une cinquantaine en 1993 à plus de 200 en 2016) bien qu’ils soient inégalement répartis selon les territoires - elle n’a atteint que « partiellement »  ses objectifs en matière de transparence (informations sur les opérateurs, sur les prix pratiqués). Le rapport indique en effet que l’indice de prix des prestations funéraires a augmenté deux fois plus vite que celui de l’ensemble des prix à la consommation.
Pour pallier cette carence de transparence, le législateur a contraint les opérateurs à délivrer aux familles « des devis conformes à des modèles définis par arrêté ministériel ». Ces documents doivent être déposés chaque année auprès des communes de plus de 5 000 habitants, « dans les départements où les opérateurs ont leur siège social ou un établissement secondaire ». Or, constate la Cour, « plus de 60 % des communes contrôlées n’avaient pas mis, ou de manière partielle seulement, les devis-types à disposition du public car les opérateurs ne les leur avaient pas transmis ». Sur ce point, l'institution en appelle donc à la vigilance des maires.

Contrôler davantage le délégataire
Plus globalement, les magistrats recommandent aux collectivités – comme à l’État - d’« assumer leurs responsabilités en matière de contrôle ». « Près des deux tiers n’effectuent aucune évaluation de la qualité de leurs prestations », relève-t-on rue Cambon, « alors même qu’il s’agit de s’assurer du niveau de performance du service, en termes de qualité des prestations rendues, de sécurité des équipements et de respect de l’ensemble des clauses du contrat de délégation (…) Il appartient (à la collectivité) notamment de fixer les tarifs des services publics qu’elle a institués ».
La Cour des comptes, qui demande « un renforcement de la législation », rappelle enfin que « les contrats de délégation de service public doivent prévoir, a minima, le versement par l’exploitant du crématorium ou de la chambre funéraire d’une redevance permettant de couvrir le coût des contrôles que doit réaliser la collectivité ainsi qu’une redevance d’occupation du domaine public. » 
Ludovic Galtier
Télécharger le chapitre consacré aux pompes funèbres du rapport public annuel de la Cour des comptes.

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