Maire-info
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Édition du mardi 4 février 2025
Agriculture

Gestion durable des haies : un texte voté au Sénat, des moyens supprimés dans le budget

Jeudi dernier, le Sénat a adopté la proposition de loi sur la préservation et la reconquête de la haie. Le texte prévoit notamment 50 000 kilomètres de gain net de linéaire de haies d'ici à 2030. Mais certaines dispositions sont menacées par le projet de budget pour 2025.

Par Lucile Bonnin

La proposition de loi en faveur de la préservation et de la reconquête de la haie a été déposée en 2023 par le sénateur d’Ille-et-Vilaine Daniel Salmon et a été adoptée en commission des affaires économiques du Sénat le 4 décembre dernier (lire Maire info du 10 décembre).  Le texte a été adopté en première lecture, en séance publique, ce 30 janvier par 323 voix pour et 18 abstentions. 

Pour mémoire, dans un contexte où le nombre de haies diminue chaque année en France, le gouvernement a décidé de se fixer un objectif : compter 800 000 kilomètres de haies en 2030, soit 50 000 de plus qu'aujourd'hui. Telle est l’ambition du « Pacte en faveur de la haie »  présenté en octobre 2023 par le gouvernement (lire Maire info du 2 octobre). Ce dernier prévoyait 110 millions d’euros par an pour atteindre un objectif de 50 000 km de gain net de linéaire de haies.

Cependant, « la réduction de 73 % des crédits alloués à la haie dès la deuxième année de ce Pacte, rappelle que les priorités changent », avait expliqué Bernard Buis, sénateur de la Drôme et rapporteur de la proposition de loi. Ce texte veut « ancrer certaines mesures dans la loi »  pour donner la visibilité nécessaire à cette politique pro-haies… Mais les moyens pour mettre en œuvre cette politique continuent d’être revus à la baisse.  

Une proposition de loi ambitieuse 

Au cours de cette première lecture, les sénateurs ont fixé dans le texte des objectifs de 50 000 km de gain net, pour 100 000 km de haies gérées durablement d’ici à 2030 et 500 000 km de gain net en 2050, et de 500 000 tonnes de matière sèche valorisée en énergie d’ici 2030. Une stratégie nationale devra être mise en place et actualisée tous les six ans. Les sénateurs ont aussi adopté un amendement précisant que sur le total de biomasse mobilisé en 2050, 70 % devrait provenir de matière sèche issue de haies gérées durablement.

La proposition de loi introduit également l’augmentation progressive de l’approvisionnement des chaufferies collectives en bois issus de haies gérées durablement. L’article 2 prévoit que les gestionnaires de haies peuvent faire l’objet d’une certification garantissant la gestion durable des haies sur la totalité de l’exploitation « avec plusieurs niveaux d'exigences environnementales et une obligation de progression dans l'atteinte de ces niveaux ». Les distributeurs de bois pourront également faire l'objet d'une certification garantissant que le bois distribué provient en totalité de haies certifiées.

Un principe d’adaptation aux spécificités territoriales du cahier des charges national des certifications reconnues a été introduit dans le texte. Comme l’explique le rapporteur, « les mêmes exigences ne [peuvent] être attendues dans les plaines céréalières du centre de la France (où l’enjeu est d’abord la plantation) ou dans les anciens territoires de bocage (où l’enjeu est surtout la gestion) ».

Une incitation financière qui disparaît dans le projet de budget 

L’article 4 visait à instituer un crédit d’impôt pour toutes les entreprises agricoles qui bénéficient de la certification « Label Haie – Gestion »  proposé par l’AFAC-Agroforesteries, afin de les inciter à une gestion durable de leurs haies. Ce dernier a été supprimé par les sénateurs en commission des affaires économiques notamment car ils ont jugé préférable de déposer un amendement au projet de loi de finances « qui reprend, de manière consolidée, le dispositif proposé ». 

Cet article créait un crédit d’impôt forfaitaire de 3 500 euros par an et par entreprise agricole certifiée pour la gestion durable des haies. L’amendement adopté dans le PLF, à la fin du mois d’octobre, prévoyait que 60 % des dépenses engagées pour la gestion durable des haies soient éligibles au crédit d’impôt, sous un plafond de 4 500 euros. « L’entretien d’une haie coûtant en moyenne 4,5 euros par mètre linéaire (selon Afac-Agroforesteries), cela permettrait de couvrir la gestion durable d’environ 1 km de linéaire par exploitation et par an », écrivent les sénateurs dans l'exposé des motifs de l'amendement.

Or ce crédit d’impôt a été rejeté par la commission mixte paritaire. Selon les informations du Monde, les sénateurs entendent « toutefois revenir à la charge pour réintroduire le crédit d’impôt à l’occasion d’une prochaine étape législative ». De son côté, la présidente de la commission des affaires économiques Dominique Estrosi Sassone espère que « ce crédit d'impôt sera maintenu parce que sinon, la proposition de loi pourrait devenir malheureusement une coquille vide ».

Diminution du budget pour l’entretien de la haie 

Au-delà de ce texte, les signaux envoyés par le gouvernement pour préserver les haies françaises sont loin d’être encourageants. 

D’abord, les moyens consacrés au fameux Pacte en faveur des haies ne cessent de baisser. Alors que le gouvernement prévoyait 110 millions d’euros par an sur trois ans, un premier coup de rabot est intervenu l’année dernière, de 21 millions d’euros pour l’année 2024 : 89 millions d’euros ont été engagés au lieu des 110 prévus. Pour 2025, le gouvernement enfonce le clou. Le budget subit un plongeon de 72 %, passant de 110 millions à 30 millions. « Dans un contexte de crise agricole et d’enjeu fort de planification écologique, cette baisse budgétaire apparait peu compréhensible et aura des conséquences très fortes dans les territoires », selon le réseau Haies France.

Par ailleurs, la haie risque d’être sacrifiée dans un autre texte. L'examen du projet de loi pour la souveraineté en matière alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture reprend ce jour au Sénat. Plusieurs dispositions du texte visent à « simplifier les règles applicables à la gestion des haies », aussi bien en matière de protection que d’arrachage. Le projet de loi propose notamment de réduire les sanctions en cas de destruction de haies. Un objectif qui, de prime abord, va à l’encontre de celui voté la semaine dernière par les sénateurs. 

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