Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 16 novembre 2020
Fonction publique

Jour de carence : le « niet » du gouvernement

Dans un courrier adressé aux organisations syndicales, et publié par nos confrères du site Acteurs publics, la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, oppose une fin de non-recevoir à la demande de suspension du jour de carence pendant l’épidémie. 

Le 6 novembre, toutes les organisations syndicales représentatives dans la fonction publique avaient adressé un courrier commun à la ministre (lire Maire info du 9 novembre) pour lui poser un certain nombre de questions relatives à la gestion de l’épidémie. Et également pour relayer, une fois de plus, la demande de suspension du jour de carence pendant l’état d’urgence – demande également faite par la Coordination des employeurs territoriaux et l’Association des DRH des grandes collectivités. Avec toujours le même argument : le jour de carence conduit des agents, notamment ceux qui ont les plus bas salaires, « à minorer leurs symptômes pour éviter des prélèvements sur salaire ». 

Secret médical
La réponse de la ministre est sans appel : c’est non. Certes, le jour de carence avait été suspendu, dans le public comme dans le privé, pendant le premier état d’urgence, mais aujourd’hui, plaide la ministre, « le contexte est différent ». Premièrement, parce qu’il existe « un haut niveau de déploiement des mesures de protection pour tous les agents », qui induit que, selon la ministre, le risque d’infection au virus « n’est pas supérieur en milieu professionnel que le risque encouru en population générale ». 
Étrange argument – dans la mesure où il ne répond absolument pas au risque que pointent les syndicats et les employeurs : en l’espèce, le problème n’est pas le risque d’infection au travail, mais celui de voir des agents contaminés y compris en dehors du travail ne pas déclarer leur infection pour ne pas risquer d’être pénalisés financièrement. 
Amélie de Montchalin rappelle par ailleurs que « le jour de carence ne s’applique pas à tous indistinctement ». Les agents vulnérables sont placés – lorsqu’ils ne peuvent télétravailler – en ASA, sans jour de carence donc. Et ce dernier n’est pas non plus appliqué « aux cas contact en attente de réalisation ou de résultat du test ». Certes. Mais cela n’est, là encore, pas la question. 
Le véritable argument vient ensuite – comme il avait déjà été évoqué par la ministre devant une commission parlementaire, la semaine dernière : « La suspension du jour de carence ne pourrait se limiter à un ciblage sur le covid-19 (…) pour des motifs de secret médical ». L’employeur n’a, en effet, pas à connaître le motif d’un arrêt de travail médical. La seule solution consisterait donc – comme cela a été fait au printemps – à lever le jour de carence toutes pathologies confondues, ce qui résoudrait la question du secret médical. Le gouvernement, apparemment, n’y est pas prêt, très probablement pour des raisons financières. 

Proches des personnes vulnérables
Autre précision donnée dans ce courrier, qui ne ravira pas les organisations syndicales : des placements en ASA peuvent bien être décidés pour les agents atteints de l’une des pathologies listées dans le décret du 10 novembre (lire Maire info du 12 novembre) , mais en revanche, il n’est plus question de placer en ASA les agents qui partagent le domicile d’une personne vulnérable, comme cela avait été le cas au printemps. Pour la ministre, les « protocoles sanitaires renforcés »  qui ont été mis en place par les employeurs « permettent de réduire les risques de contamination en milieu professionnel ». Le risque est donc, pour elle, suffisamment réduit pour que ces proches de personnes vulnérables puissent se rendre au travail. 

Indemnités journalières
Il y a enfin un aspect sur lequel la ministre ne s’exprime pas dans cette lettre – malgré les demandes non des syndicats, cette fois, mais de l’AMF : c’est celui de la prise en charge par l’État des IJSS (indemnités journalières de Sécurité sociale) versées aux agents vulnérables placés en ASA . Si l’on en croit la dernière FAQ de l’administration sur le sujet, il apparaît que cette prise en charge ne serait plus assurée que pour les agents de droit privé, les contractuels de droit public et les fonctionnaires travaillant moins de 28 heures par mois, alors qu’elle l’était pour tous les agents y compris les fonctionnaires à temps complet, au printemps. Ce point, qui n’est pas neutre pour les finances des employeurs territoriaux, a été confirmé oralement par la ministre lors d'une réunion avec la Coordonation des employeurs territoriaux, jeudi 12 novembre. Mais à partir de quand ? Et quand un document écrit, au moins une circulaire, va-t-il le codifier ? Pas de réponse, à cette heure, à ces questions. 

Franck Lemarc

Télécharger la lettre de la ministre publiée par Acteurs publics. 

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