Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 20 octobre 2022
Fonction publique territoriale

Télétravail : les grandes collectivités ont négocié le virage

En fort développement depuis la crise sanitaire, le télétravail modifie l'organisation du travail et les pratiques managériales au sein des structures territoriales. Une étude de l'Association des DRH des grandes collectivités passe au crible les impacts de cette révolution.

Par Emmanuelle Quémard

La crise sanitaire est passée par là. Expérimenté à dose homéopathique depuis 2015, le télétravail a connu un fort développement au sein du monde territorial avec la pandémie de covid-19. Et cette nouvelle organisation du travail semble devoir s’inscrire dans la durée. Telles sont les principales conclusions que tire l’Association des directeurs des ressources humaines des grandes collectivités (ADRHGCT) d’une enquête qu’elle a menée de mai 2021 à mars 2022 avec le concours de sept élèves de l’Institut national des études territoriales (Inet). L’étude, dont les résultats ont été publiés le 17 octobre, s’appuie sur un questionnaire quantitatif auquel ont répondu 8 DRH de collectivités de moins de 1 000 agents et 29 de plus de 1 000 agents et sur une série d’entretiens qualitatifs menés auprès d’acteurs publics, d’organisations syndicales, de responsables de la médecine du travail, d’experts, de chercheurs et d’entreprises privées.

Selon cette étude, la montée en puissance du télétravail au sein des grandes collectivités est spectaculaire puisque 83 % des DRH interrogés confirment l’avoir mis en place depuis la crise sanitaire (contre 54 % auparavant). Un choix dont se félicite une large majorité des répondants, 77 % d’entre eux considérant « l’impact du télétravail sur le collectif comme plutôt positif ». Parmi les aspects les plus favorables du télétravail pour les agents et pour la collectivité, les DRH soulignent « une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, une réduction des temps de transport et la mise en place d’une organisation du travail basée sur la confiance ».

Impact positif pour les collectifs, risques accrus sur la santé des agents

Selon le document de l’ADRHGCT, cette nouvelle manière de penser et d’organiser le travail des agents peut, cependant, engendrer des risques susceptibles d’avoir un impact sur la qualité de vie au travail au sein des équipes territoriales. Les principaux dangers observés par les répondants portent sur « l’isolement, la perte de lien social, la distanciation dans le rapport au travail ou la difficulté de déconnexion par le lien numérique permanent au travail ». Les DRH interrogés signalent également les risques accrus sur la santé des personnels liés à un mode de travail plus sédentaire et concentré sur les écrans (troubles musculosquelettiques, fatigue visuelle, risques cardiovasculaires…). Pour remédier à ces aspects négatifs du télétravail, une forte proportion des DRH interrogés (31 sur 37) déclarent avoir élaboré des mesures d’accompagnement (charte de qualité de vie au travail, guide du manager…). 26 d’entre eux indiquent, en outre, avoir mis en place un droit à la déconnexion pour préserver la vie personnelle de l’agent en télétravail. 

Une multitude de dispositifs appliqués sur le terrain

L’étude passe au crible, par ailleurs, la multitude de dispositifs mis en œuvre sur le terrain. La majorité des grandes collectivités déclarent avoir opté pour la possibilité accordée aux agents éligibles au travail à distance (1) de télétravailler deux jours par semaine, mais d’autres mécanismes plus ambitieux peuvent également être appliqués. Le document évoque notamment le choix fait par certaines structures de proposer des forfaits annuels de journées télétravaillées (entre 10 et 100 jours par an) cumulables ou non avec les jours fixes. À noter que 69 % des collectivités répondantes s’étaient engagées dans cette direction en septembre 2021, alors qu’elles étaient seulement 28 % avant la crise sanitaire. « Dans ces organisations flexibles, le choix majoritaire est de maintenir un nombre de jours de présence au bureau (3 par semaine) supérieur au nombre de jours télétravaillés (2 par semaine) »  soulignent notamment les auteurs de l’étude.

Dans ce contexte, l’ADRHGCT observe une évolution du rôle du manager. Avec le déploiement du télétravail, ce dernier s’éloigne progressivement de la posture de « contrôleur », pour devenir un véritable « organisateur et animateur du collectif »  qui doit désormais « prendre en compte des modes d’organisation individuelles, entre le tout présentiel et le mixte, et les intégrer dans un collectif de travail cohérent et soutenant ».

La notion de bureau repensée

L’étude insiste également sur un autre chantier auquel doivent désormais s’atteler les DRH. Avec la montée en charge du télétravail, les spécialistes des ressources humaines sont, en effet, confrontés à la refondation de la notion de bureau. Bousculée par les nouveaux modes d’organisation du travail, la vision traditionnelle du bureau a tendance à s’effacer au profit d’un système « hybride ». L’étude pointe cette évolution en soulignant que « le rattachement de l’agent à un bureau physique coexiste désormais avec un espace de travail plus flexible et modulable (plateaux organisés en mode « flex office », tiers lieux ...) ». Pour autant, un tel changement semble se faire à petite vitesse, puisque l’ADRHGCT souligne que 97 % des collectivités continuent à mettre à disposition de leurs agents des bureaux attitrés. Seules 32 % d’entre elles proposent une organisation en « open-space », alors que 5 % consacrent une partie de leurs locaux pour développer le « flex office ».
 

(1) Pour la plupart des collectivités certaines missions sont définies comme incompatibles avec le télétravail : missions d’accueil du public, d’accompagnement à la personne ou de terrain (voirie, espaces verts, propreté …). 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2