Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 14 décembre 2021
Fonction publique territoriale

L'indemnité inflation de 100 euros pourra finalement être versée jusqu'au 28 février 2022

Le décret détaillant les modalités de versement de « l'indemnité inflation » de 100 euros a été publié ce week-end. Les employeurs territoriaux devront verser cette indemnité à tous les agents - fonctionnaires ou contractuels - entrant dans le plafond de ressources fixé par le gouvernement, et seront remboursés aussitôt par l'État. Le dispositif ne sera toutefois pas sans coût pour les collectivités. 

Par Franck Lemarc

L’annonce avait été faite le 21 octobre par le Premier ministre : tous les Français gagnant « moins de 2000 euros net par mois »  allaient toucher une « indemnité inflation »  de 100 euros, pour les aider à faire face à la hausse des prix de l’énergie notamment. Début novembre, les premières précisions étaient données : pour les agents publics, le versement devrait être effectué en janvier 2022 au plus tard, (les employeurs publics étant encouragés à la verser avant) et les revenus pris en compte seront calculés non sur un seul mois mais sur la période allant du 1er janvier au 31 octobre 2021. 

Rappelons également (lire Maire info du 4 novembre) que pour les agents qui travaillent dans plusieurs collectivités (successivement ou en même temps), l’indemnité devra être versée par « l’employeur principal », c’est-à-dire « celui avec lequel la relation de travail est toujours en cours, ou à défaut celui pour lequel ils ont effectué le plus d’heures durant le mois d’octobre ». 

Changement de date

Le décret du 11 décembre donne davantage de précisions. Il n’est plus question à présent d’un plafond de « 2 000 euros net »  en moyenne sur 10 mois, ce qui n’était pas simple à calculer, mais de « 26 000 euros brut »  sur la période du 1er janvier au 31 octobre. Pour les salariés et agents qui n’ont pas été employés pendant la totalité de cette période, le montant du plafond « est réduit à due proportion de la période non travaillée ».

Par ailleurs, le calendrier a changé : il n’est plus question d’une date butoir en janvier 2022 pour les agents publics, mais du 28 février 2022. 

Le ministère de l’Économie, en présentant le projet de décret devant les représentants des élus au Conseil national d’évaluation des normes (Cnen), s’est montré précis : « Sont concernées [par l’indemnité] toutes les personnes ayant eu un contrat de travail, ou placées dans une situation statutaire avec un employeur public, au moins une fois au cours du mois d’octobre 2021 », et dès lors que leur rémunération brute est inférieure à 26 000 euros pour la période allant de janvier à octobre. « La rémunération prise en compte est celle que l’employeur verse et dont il a connaissance, sans nécessité de recueillir d’autres informations complémentaires », a précisé le ministère. Le dispositif, bien que le gouvernement se félicite de sa « simplicité », va inévitablement être compliqué à mettre en œuvre dans le cas d’agents ayant plusieurs employeurs publics (secrétaires de mairie, animateurs, etc.). Comment éviter par exemple que plusieurs employeurs ne versent l’indemnité au même agent ? Il revient en fait à l’agent de signaler à ses autres employeurs qu’un autre a versé l’indemnité. On ne peut que s’interroger, dans cette affaire, sur la raison pour laquelle le gouvernement n’a pas choisi de faire gérer le versement de cette prime par les services fiscaux – comme c’est le cas pour la prime de rentrée par exemple –, ce qui aurait été infiniment plus simple pour les employeurs comme pour les salariés. 

En attendant, la règle est définie dans le décret pour les agents ayant plusieurs employeurs ou ayant eu plusieurs employeurs dans les dix mois considérés. Deux cas possibles : ou bien l’agent travaille toujours pour plusieurs employeurs, auquel cas, l’indemnité est due « par l'employeur auprès duquel [l’agent] est toujours employé à la date du versement lorsqu'il est toujours employé par au moins l'un de ces employeurs, ou, lorsqu'il est toujours employé par plusieurs employeurs, par celui avec lequel la relation de travail a commencé en premier ». Deuxième cas : si l’agent ne travaille plus pour aucun employeur, l’indemnité est due par l’employeur « avec lequel il a eu, au cours du mois d'octobre 2021, le contrat de travail dont la durée était la plus importante ». Si les durées de travail, pour chacun, ont été identiques, l’indemnité est due par l’employeur avec lequel « la relation de travail s’est terminée en dernier ». Vous avez dit « simplicité » ? 

Remboursement

Le ministère indique que le versement de l’indemnité se fera « en principe »  de façon « automatique », « dès lors que l’agent aura été employé au titre d’un contrat à durée indéterminée ou d’une durée minimale d’un mois, au titre d’un ou de plusieurs contrats dont la durée cumulée atteint au moins 20 heures au cours du mois d’octobre 2021 ou, lorsque les contrats ne prévoient pas de durée horaire, d’au moins trois jours. » 

Le gouvernement a indiqué que le remboursement des employeurs sera « quasi immédiat » : les employeurs « seront remboursés dès le versement de l’indemnité lors du paiement des cotisations sociales sur les rémunérations du même mois ». Il suffira aux employeurs de déduire le montant versé des cotisations dues « à l’échéance de paiement suivante »  à l’Urssaf. 

Le cas des salariés en formation

Autre cas intéressant les employeurs territoriaux – les régions, en l’occurrence : celles-ci devront verser l’indemnité aux stagiaires de la formation professionnelle « qui ne bénéficient pas d’une indemnité de stage versée par leur employeur lors du mois de référence »  ; et aux élèves et étudiants des formations sanitaires et sociales « qui bénéficient d’une aide annuelle sous conditions de ressources ». Ces deux populations représentent un total de quelque 160 000 personnes. 

Le gouvernement précise que pour compenser le versement de ces indemnités, il va faire adopter un amendement en deuxième lecture du projet de loi de finances pour 2022 afin d’augmenter la part de TICPE (taxe sur les produits énergétiques) affectée aux régions, à hauteur de 15,6 millions d’euros. L’affectation d’une part de la taxe carburant (payée par les automobilistes) pour payer une indemnité censée compenser la hausse des prix du carburant est une idée… pour le moins originale. 

Les réserves des élus

Lors de l’examen de ce projet de décret devant le Cnen, les représentants des élus ont soulevé plusieurs problèmes. S’ils ont choisi de s’abstenir sur le texte, afin de ne pas en retarder la publication, et s’ils disent « partager la préoccupation du gouvernement de garantir le pouvoir d’achat des Français », les élus ont alerté celui-ci sur « les difficultés de mise en œuvre qui pourraient être rencontrées par les « employeurs publics territoriaux ». 

Les représentants des élus ont d’abord regretté que le Cnen ait été saisi en extrême urgence sur ce texte, sans concertation préalable et « sans calendrier de mise en œuvre partagé ». Quoi qu’il en soit, un paiement de l’indemnité dès la fin décembre, comme le gouvernement « encourage »  les employeurs à le faire, paraît aux élus « incompatible avec les réalités matérielles et comptables », dans la mesure où ce versement demande une mise à jour des logiciels de paye. Les élus remarquent d’ailleurs que l’État lui-même « ne sera pas en mesure de verser cette indemnité en décembre à ses propres agents ». 

Le coût de cette mise à jour des logiciels sera à la charge des collectivités. S’il apparaît « relativement marginal », les élus notent toutefois que la fiche d’impact transmise par les services de l’État n’en fait pas mention. 

Enfin, les élus déplorent que le dispositif choisi risque de provoquer « de nombreux doublons », ce qui compliquera les choses, dans la mesure où les sommes indûment versées devront être remboursées par les agents. 

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