Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 21 novembre 2022
Fonction publique territoriale

Anicet Le Pors : « Le statut de la fonction publique territoriale assure aux maires une sûreté juridique »

Ministre de la Fonction publique et des réformes administratives de 1981 à 1984, Anicet Le Pors a porté la création de la fonction publique territoriale au moment des lois de décentralisation. Quarante ans après, à la veille du 104e Congrès des maires, le « père du statut », rappelle, dans une interview accordée à Maires de France, tout l'intérêt pour les élus d'avoir ce cadre.

Par Bénédicte Rallu

Maires de France : Quarante ans après les premières lois de décentralisation, quel regard portez-vous sur la fonction publique territoriale d’aujourd’hui ? 

Anicet Le Pors : Rappelons le contexte historique qui a précédé. La qualité d’agent public n'a été reconnue aux employés communaux que par l’arrêt Cadot du Conseil d’État en 1889. En 1919, le gouvernement a enjoint aux municipalités de prévoir des statuts pour leurs personnels. L’injonction eut peu d’échos. Les agents publics territoriaux furent ignorés dans les statuts de 1946 et de 1959. La loi de finances du 31 décembre 1937 prévoyait qu’aucun agent territorial ne puisse se voir reconnu une situation supérieure à celle de ses homologues de la fonction publique de l’État. C’est donc la loi du 26 janvier 1984 qui consacre juridiquement la fonction publique territoriale.

 

MDF : Et depuis 1984?

A.L.P. : Depuis 1984, la fonction publique territoriale a connu l’essor le plus important des trois fonctions publiques : d’un ensemble de 1,3 million d’agents publics essentiellement communaux, aujourd’hui, ses effectifs s’élèvent à près de 2 millions. Elle a su se doter d’organismes de fonctionnement particulièrement expérimentés et de plus en plus performants : le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) - qui va prochainement fêter ses 25 ans, - les centres départementaux de gestion (CDG) et leur fédération nationale particulièrement active. La fonction publique territoriale a considérablement diversifié ses activités dans tous les domaines de la vie économique et sociale.

Malgré les multiples attaques et dénaturations dont le statut a été l’objet sur l’ensemble des trois versants, c’est une véritable mutation qu’a connue la fonction publique territoriale au cours des quatre dernières décennies.

J’y ajouterai la conquête par la fonction publique territoriale d’une dignité que tous les gouvernements lui avaient refusée au cours des huit derniers siècles en la confinant et en la maintenant dans une position humiliante, subordonnée dans l’organisation générale des pouvoirs publics. Pour la première fois, en 1984, elle est devenue une fonction publique de plein droit.

 

MDF : Quel lien faites-vous entre décentralisation et fonction publique territoriale ? 

A.L.P. : En 1981, le président François Mitterrand décida de faire de la décentralisation une priorité. Le ministre de l’Intérieur Gaston Defferre fut chargé d’élaborer un projet de loi en ce sens. Ce projet envisagea des réformes importantes, notamment des possibilités accrues pour les citoyens d’intervenir dans les affaires publiques locales, un statut de l’élu, des garanties statutaires renforcées pour les agents publics locaux.

Il apparut rapidement que l’ambition se limitait à une amélioration des dispositions statutaires déjà existantes dans le code des communes. J’ai critiqué cette insuffisance : elle était en contradiction avec la volonté politique affichée d’opérer un transfert réel de compétences de l’État vers les collectivités locales. Le déclassement statutaire des agents publics locaux était maintenu alors que le contexte invitait à une réflexion statutaire d’ensemble. Les agents décentralisés ne pouvaient être moins bien traités que les agents déconcentrés de même qualification et exerçant des activités analogues. L’existence de deux systèmes de fonctions publiques concurrentes ne pouvait avoir d’autre effet qu’une régression statutaire d’ensemble.

Le projet de loi de décentralisation - qui au bout de son parcours parlementaire aboutira à la loi du 2 mars 1982, Acte 1er de la décentralisation - fut présenté à l’Assemblée nationale le 27 juillet 1981. J’eus la possibilité de dire qu’il ne pouvait pas y avoir deux systèmes de fonction publique en France et que la situation statutaire des agents publics locaux devait être celle des fonctionnaires de l’État qui présentait les garanties les plus élevées. Le premier ministre Pierre Mauroy arbitra en ce sens.C'est ainsi qu’une relation étroite fut établie entre la politique de décentralisation et la création effective de la fonction publique territoriale... 

 

La suite de l'entretien est à retrouver ici, sur le site sur Maires de France.

 

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