Maire-info
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Édition du vendredi 24 mai 2024
Fiscalité locale

Les établissements scolaires privés seront désormais assujettis à la taxe d'habitation

Alors que nombre d'écoles privées sous contrat ont été soumises, pour la première fois, à la taxe d'habitation, le gouvernement vient de confirmer que cette évolution ne devait s'appliquer qu'à une partie de leurs locaux. Encore appliqué de manière erratique, ce revirement de doctrine pourrait avoir un impact sur les collectivités. 

Par A.W.

Les établissements scolaires privés sous contrat seront dorénavant redevables de la taxe d’habitation. C’est ce que vient de confirmer le ministère de l’Économie, dans une réponse à une série de questions sénatoriales, dans laquelle il a promis de clarifier, « dans les prochains mois », des règles qui sont encore appliquées à « géométrie variable ».

« Depuis quelques mois, certains d'entre eux reçoivent pour la première fois des avis d'imposition alors que jusqu'à présent ils n'avaient jamais été soumis à la taxe d'habitation », s’est ainsi ému, fin mars, dans une question écrite, le sénateur du Tarn-et-Garonne, François Bonhomme (LR), en s’étonnant du procédé. 

Déploiement « à bas bruit » 

Une inquiétude qui s’est propagée chez plusieurs parlementaires, puisqu’il n’était pas le premier à dénoncer cet état de fait : le député de Lozère, Pierre Morel-À-L'Huissier (Liot), et la sénatrice de l'Oise, Sylvie Valente Le Hir (LR), avaient ainsi déjà interrogé l’exécutif sur ce point délicat, en tout début d’année... sans succès.

« Cette nouvelle politique de taxation qui porte sur les locaux administratifs de ces établissements (services administratifs, locaux techniques, parkings, chapelles) […] introduit une inégalité injustifiée vis-à-vis des établissements privés à but lucratif et elle s'est en outre déployée à bas bruit, puisqu'aucun texte officiel et public n'en porte la trace », critiquait ainsi cette dernière, dans sa question écrite publiée en janvier dernier.

Insistant sur le fait que ces établissements « reposent sur des associations à but non lucratif », François Bonhomme prévenait que ceux-ci « ne peuvent absorber de telles nouvelles dépenses – en plus de la taxation foncière en forte croissance – sauf à augmenter encore les contributions des familles, ce qui n'est pas envisageable notamment dans un contexte de forte inflation ». 

D’autant que ces nouveaux avis d’imposition ont, semble-t-il, été déployés « de façon trop disparate sur l'ensemble du territoire »  et ont ainsi créé une « situation d'instabilité fiscale [qui] n'est pas satisfaisante ». Il a donc demandé au gouvernement de « clarifier la doctrine en formalisant l'usage qui prévalait jusqu'à présent, celui d'une exonération totale de l'ensemble des locaux scolaires ».

Locaux administratifs et salle des profs taxés

Las. Dans « un revirement »  de sa doctrine fiscale, le ministère de l’Économie a plutôt confirmé que les règles concernant la taxe d’habitation s'appliqueraient bien aux « locaux meublés occupés par les établissements d'enseignement privés, qu'ils soient sous ou hors contrat d'association avec l'État »  lorsqu’ils font l’objet d’une « occupation à titre privatif »  et que seuls « les locaux meublés accessibles au public sont exclus du champ de la taxe ».

Dans ce cadre, le gouvernement souligne que ces établissements ne sont pas imposables à la taxe d’habitation pour ce qui est des « locaux destinés au logement des élèves »  c'est-à-dire « les dortoirs, les installations sanitaires et les réfectoires, ce qui vaut également pour les salles de cantine », s’appuyant sur le Code général des impôts (article 1407). Une exonération, en outre, étendue aux « locaux affectés à l'instruction des élèves », tels que les salles de classe, conformément à une instruction datant de 2012.

En revanche, ils sont bien redevables de la taxe d’habitation pour ce qui est « des salles des professeurs »  et « des locaux affectés à l'administration de ces établissements ». « Définies de longue date, ces règles n'ont pas été modifiées par la réforme de la taxe d'habitation », assure le ministère. 

Dégrèvement pour 2023

Ce dernier reconnaît, toutefois, que, « à la suite de la mise en œuvre du nouveau processus de taxation des locaux imposables à la taxe d’habitation, les déclarations d'occupation des établissements scolaires n'ont pas toujours permis de distinguer correctement les surfaces imposables à la TH de celles qui sont exonérées ».

De ce fait, « la surface des locaux déclarée au titre de l'année 2023 a pu, pour certains établissements redevables, être surévaluée en ne se limitant pas à celle de leurs seuls locaux imposables à la TH ». 

En effet, « les divers cas rapportés […] font mention d'une interprétation souple [de la législation], certains assujettissements prenant en compte les salles de cantine, d'autres assujettissements portant sur les salles de professeurs », relatait ainsi, début janvier, Pierre Morel-À-L'Huissier, dans sa question écrite, en dénonçant le fait qu’un « certain nombre d'établissements d'enseignement privé sont sujets à une nouvelle imposition à géométrie variable ».

Se disant « pleinement conscient des difficultés opérationnelles de l'imposition à la TH des établissements d'enseignement », l’exécutif dit avoir demandé à la direction générale des finances publiques (DGFiP) de « procéder au dégrèvement de TH de l'ensemble des locaux occupés par des établissements d'enseignement au titre de l'année 2023 ». 

Par ailleurs, des travaux visant à « clarifier »  le droit applicable sur ce sujet devraient être menés « dans les prochains mois ».

Compensation de la part des collectivités ?

Alors qu'un amendement sénatorial au projet de loi de finances pour 2024 prévoyait de « remédier à cette injustice en gravant dans la loi le principe d'une exonération totale », celui-ci n’a pas été retenu par le gouvernement dans la version finale du texte, déplorait Sylvie Valente Le Hir.

Et la sénatrice de rappeler qu’une disposition de la loi de finances permettant aux collectivités territoriales de « décider discrétionnairement d'exonérer de taxe d'habitation certains organismes d'intérêt général (dont ceux ayant un caractère éducatif) »  a introduit « d'inutiles complications ».

D’abord, elle « soumet les établissements concernés au bon vouloir des collectivités territoriales, ce qui n'est pas de nature à sécuriser durablement leur situation financière ». « Surtout, expliquait-elle, son intérêt est inexistant du point de vue fiscal, dans la mesure où […] le Code de l'éducation prescrit aux collectivités territoriales de verser aux collèges et lycées privés sous contrat une contribution compensant les charges qui ne pèsent pas sur les établissements scolaires publics ». 

Ainsi, « les collectivités qui refuseraient d'exonérer les établissements privés de la taxe d'habitation seraient de toute façon forcées de leur en restituer le produit à travers les subventions qu'elles leur doivent légalement », déplorait la sénatrice, fustigeant l'instauration d’une « logique d'inutiles flux croisés ».

De la même manière, François Bonhomme assurait que, « si l'exonération totale ne devait pas être appliquée, ces établissements, en application […] du Code de l'éducation, seraient en droit de s'adresser aux collectivités territoriales – dont les moyens ne sont pas extensibles – pour obtenir une compensation ».
 

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