Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 3 juillet 2020
Formation

Financement de l'apprentissage dans la fonction publique territoriale : parution du décret, contre l'avis des élus

L’opposition farouche des élus n’aura pas réussi à faire fléchir le gouvernement : malgré les nombreuses prises de position de ceux-ci et le vote unanime des représentants des élus au Conseil national d’évaluation des normes, le 2 avril, le décret imposant au CNFPT de payer 50 % des frais de formation des apprentis employés par les collectivités territoriales est paru samedi dernier. 
Ce décret permet l’application d’un article de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019. Il permet de créer, selon le gouvernement, « un nouveau canal de financement pour les contrats d’apprentissage dans la fonction publique territoriale », qui ne s’appliquera qu’aux contrats « conclus après le 1er janvier 2020 ». 
Ce dispositif, qui apparaît depuis le début aux élus et aux responsables du CNFPT comme « une véritable ponction sur l’argent de la formation »  – le CNFPT n’étant doté d’aucun moyen supplémentaire – a été légèrement radouci par le gouvernement au fil des débats, puisqu’au départ, ce dernier entendait faire payer non pas 50 % mais 75 % au CNFPT. Au cours des négociations, deux autres concessions ont été faites par le gouvernement, que l’on retrouve dans le décret. D’une part, le CNFPT est en droit de négocier avec les centres de formation d’apprentis « sur un coût de formation inférieur au montant maximal de prise en charge ». D’autre part, il a été fixé un plafond au-delà duquel les dépenses annuelles du CNFPT en la matière seront prises en charge par France compétences (l’autorité nationale de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage). Ce plafond a été officiellement fixé – comme cela avait déjà été annoncé par le gouvernement – par un arrêté paru le même jour à 25 millions d’euros par an, révisable annuellement. 
« C'est évidemment mieux que ce qui était proposé au départ, estime ce matin pour Maire info le président du CNFPT et maire du Teich, François Deluga, puisque qu'initialement il n'était prévu aucun financement par France compétences. Mais ce n'est pas suffisant, et cela va conduire le CNFPT à devoir puiser dans la cotisation. C'est pourquoi je demande, et je continuerai à demander, que ce plafond soit abaissé. » 

« Paradoxe » 
Au Conseil national d’évaluation des normes du 2 avril, où ce projet de décret a été présenté pour la troisième fois, les représentants des élus ont certes estimé que ces deux concessions (possibilité de négociation et prise en charge partielle par France compétences) représentaient « une réelle avancée ». Néanmoins, ils ont une nouvelle fois critiqué l’attitude du gouvernement, qui « transfère une compétence, en l’espèce la compétence ‘’apprentissage’’ des régions aux branches professionnelles, tout en encourageant à titre facultatif les collectivités territoriales à maintenir leurs financements, au risque de détourner le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ». Par ailleurs, ils ont jugé « paradoxal »  le fait que le gouvernement incite, par ce décret, les collectivités à augmenter leurs dépenses de fonctionnement « tout en limitant strictement ces dernières dans le cadre de la contractualisation ».
Il ne faut pas perdre de vue en effet que dans le nouveau dispositif, le reste à charge, au-delà des 50 % pris en charge par le CNFPT, sera entièrement à la charge de la collectivité qui emploie un apprenti. « Alors qu'auparavant, rappelle François Deluga, les collectivités ne payaient rien. »  L'élu de la Gironde demande que l'Etat prenne en charge tout ou partie de ces coûts à la place des collectivités. « Pour les apprentis du privé, c'est bien l'Etat qui verse une aide, entre 5 000 et 8 000 euros par apprenti, ce qui revient à prendre entièrement en chrage la formation. Pourquoi ce dispositif n'est-il pas étendu aux apprentis employés par le secteur public ? » 
Les élus ont également fait valoir que la possibilité pour le CNFPT de négocier avec les CFA pour réduire les frais de formation était certes une avancée pour le CNFPT… mais un recul pour les CFA dont les besoins de financement seront « creusés », besoin que les régions seront naturellement appelées à combler. 

Creuser les difficultés financières

Et qu’en sera-t-il, enfin, des contrats d’apprentissage conclus avant le 2 janvier 2020, et donc non couverts par le décret paru samedi ? Les élus, au Cnen, ont déploré que le gouvernement n’apporte sur ce sujet « aucune solution concrète hormis le financement facultatif des régions ». Les élus s’inquiètent donc sur « le maintien du nombre d’apprentis dans la fonction publique territoriale, le cadre juridique actuel ne réglant pas les difficultés des collectivités territoriales qui assument seules les dépenses de formation des apprentis qu’elles emploient ». Même si les enveloppes promises par l’État aux régions (318 millions d’euros pour les CFA) sont bien versées, ces montants « ne seront pas suffisants pour couvrir, d’une part, le financement des dépenses de fonctionnement et d’investissement des CFA, et, d’autre part, les contrats d’apprentissage en cours signés avant le 2 janvier 2020 », jugent les représentants des élus au Cnen. Ils anticipent donc « un creusement des difficultés financières des CFA ». 
Malgré l’opposition quasi unanime des représentants des élus (11 ont voté contre le projet de décret, 2 se sont abstenus), le gouvernement a choisi de rester sur ses positions et a publié le décret. Dès sa parution, le CNFPT a mis en ligne les ressources nécessaires à connaître par les collectivités pour « accueillir un apprenti »  et faire financer sa formation à 50 % (lien ci-dessous).

F.L.

Accéder à la page ressources du CNFPT.

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