Fibre : une proposition de loi pour assurer la péréquation du financement des réseaux
Par Lucile Bonnin
Le TRIP d’automne de l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca) a réuni hier tous les acteurs du numériques : opérateurs, régulateurs, gouvernement (avec la présence de la ministre Anne le Hénanff) et surtout les collectivités territoriales.
Point d’orgue de ce grand rassemblement : la fragilité du modèle économique de financements des Réseaux d’initiative publique (Rip), portés par les collectivités. Les associations d’élus alertent depuis plusieurs années sur ce sujet sans parvenir pour autant à mettre tous les acteurs autour de la table afin de trouver des solutions à ce problème qui est devenu aujourd’hui pour certains RIP, une urgence vitale.
Selon l’Avicca, ces réseaux couvrent aujourd’hui près de 70 % du territoire et plus de 40 % de la population.
L’alerte avait été aussi lancée en avril dernier dans un rapport de la Cour des comptes. Les magistrats appelaient à renforcer l'appui aux réseaux d'initiative publique sur leur modèle économique (lire Maire info du 7 avril).
Un financement de l’exploitation qui pénalise certaines collectivités
« Les collectivités ne peuvent pas être que des pantins utilisés pour répondre aux défaillances du secteur privé, a lancé dans son discours d’ouverture Patrick Chaize, président de l’Avicca. À l’heure des investissements risqués, on a su venir les chercher. Il a fallu investir et s’investir pour réussir ce plan », a-t-il poursuivi. Aujourd’hui, il appelle à ne pas « abandonner (...) les acteurs qui ont assumé leur rôle d’aménageur du territoire ».
En effet, jusqu’ici le déploiement de la fibre était dans une phase de réalisation. « On construisait le numérique », explique le sénateur de l’Ain en conférence de presse. Désormais, « on rentre dans une phase d’exploitation ». C’est ce changement de paradigme qui a mis en lumière les failles d’un système de financement « mal calibré » et qui, de fait, pénalise les réseaux d’initiative publique. Certains Rip sont dans l’incapacité financière d’assurer l’entretien du réseau.
En cause : « les coûts d’exploitation des réseaux » qui ne sont pas les mêmes d’un territoire à un autre. Concrètement, « les opérateurs commerciaux payent un "péage" pour pouvoir utiliser le réseau et aujourd’hui ils payent le même tarif partout, résume le président de l’Avicca. Mais on se rend compte que ce péage, sur certains territoires, n’est pas suffisant. » Certains réseaux sont en effet plus accidentogènes, par exemple. Les difficultés financières des Rip sont, comme l’a rappelé Laure de la Raudière, présidente de l’Arcep, « de nature diverse » : « Sous-estimation du besoin de subvention, coûts unitaires des travaux plus chers que prévus, souscription aux abonnements fibre plus lente que prévue, coûts d’exploitation plus élevés », etc.
L’enjeu est pourtant partagé par tous : tous les Français doivent pouvoir avoir accès à une connexion au réseau FTTH de qualité et surtout avec un tarif national et non territorial. Il n’est en effet aujourd’hui pas concevable ni souhaitable qu’en fonction des territoires les prix des abonnements varient en fonction des tarifs d’exploitation territoriaux…
Une proposition de loi pour une péréquation
« Pour que ça fonctionne il faut – comme on sait que le coût d’exploitation est différent sur les territoires – avoir un outil qui récupère la ressource, là où le tarif est trop haut, pour pouvoir venir abonder les territoires où le tarif est trop bas. C’est le principe de la péréquation. C’est de la redistribution », précise Patrick Chaize.
Ainsi, dès l’ouverture du colloque, il a annoncé qu’il allait déposer « un texte de loi pour garantir, dans un premier temps, la péréquation de l’exploitation de nos réseaux fixes ». La proposition de loi sera débattue au Sénat le 22 janvier prochain lors de la prochaine journée parlementaire du groupe Les Républicains. Patrick Chaize se dit plutôt confiant sur le fait que le gouvernement puisse soutenir ce texte.
« L’idée de la proposition de loi est de mettre en place "la tringlerie" qui pourra permettre de faire fonctionner demain un fonds de péréquation », explique le sénateur qui s’inspire des systèmes qui existent déjà sur des réseaux péréqués comme l’électricité.
La balle est dans le camp de l’Arcep
Ce fonds de péréquation ne pourra se constituer sans la détermination d’un tarif moyen de ce coût d’exploitation. Et, justement, le sujet est d’actualité – tous les regards sont tournés vers l’Arcep. Le régulateur a lancé cette année des travaux pour établir les écarts de coûts constatés entre les modèles initiaux et la réalité avant d’envisager d’éventuelles révisions des modèles. L’Avicca demande clairement une révision des lignes directrices tarifaires qui ont été fixées il y a maintenant 10 ans, à l'époque où les coûts réels des Rip étaient très mal connus.
« Notre objectif est toujours – et j’espère que nous y arriverons – de publier d’ici la fin de l’année une modélisation des coûts qui aura vocation à servir de référence dans le cadre des négociations entre les opérateurs et qui renforcera la lisibilité et la prévisibilité du cadre tarifaire », a déclaré Laure de la Raudière.
Concrètement, cette modélisation doit pouvoir permettre d’arrêter les paramètres qui seront pris en compte pour pouvoir déterminer le coût d’exploitation par territoire… et éventuellement arriver à ce fameux fonds de péréquation proposé par Patrick Chaize. Mais les négociations s’annoncent musclées, notamment avec les opérateurs.
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