Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 29 novembre 2021
Numérique

Fermeture du réseau téléphonique cuivre : un sujet central du colloque de l'Avicca

Le TRIP de l'Avicca, qui a lieu chaque année, est un moment d'échange privilégié autour de l'aménagement numérique du territoire pour les élus et pour le secteur des télécoms. Vendredi dernier, la matinée était consacrée à la fermeture du cuivre. L'occasion de faire le point sur la situation.

Par Lucile Bonnin

« Le réseau FTTH (Fiber To The Home) va devenir la nouvelle infrastructure de référence, commence Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques des postes et de la distribution de la presse). Ainsi, le plan de fermeture du cuivre est un projet structurant pour la filière et l’Arcep salue cette décision prise à l’initiative d’Orange. » 

Alors que le déploiement de la fibre progresse, un autre chantier d'envergure commence : celui de la fermeture du réseau cuivre. En ce dernier jour du colloque de l’Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel), une table ronde intitulée « Comment accompagner la fermeture du cuivre ? »  a eu lieu. Patrick Chaize, président de l’Avicca, rappelle en préambule que nombreux sont ceux, élus ou opérateurs, qui se réjouissent de cette nouvelle. 

Pour rappel, le gouvernement a pour objectif de « fibrer »  la France à 100 % en 2025 et Orange a annoncé la date de l’extinction complète du réseau cuivre en 2030. 

Fermeture du cuivre : conséquence du déploiement de la fibre 

Un plaidoyer pour la fibre : voilà à quoi ressemblaient les premiers échanges de cette matinée. « La transition du cuivre vers la fibre c’est beaucoup d’opportunités, explique Liza Bellulo, secrétaire générale de Bouygues Telecom. Des opportunités pour les Français, parce qu’avec la fibre on aura 3 à 4 fois plus de débit. 60 % des foyers français ont des besoins d’usages simultanés (ordinateur, visionnage de films, tablettes connectées, etc.) et c’est important de pouvoir bénéficier d’un accès plus performant. Opportunité aussi pour les territoires car la fibre c’est la revanche des territoires par rapport à la prophétie de Jean-François Gravier sur Paris et le désert français. Opportunité pour l’emploi et la croissance. Puis, opportunité pour l’environnement car, on l’oublie souvent mais la fibre consomme trois fois moins d’énergie que le cuivre. » 

Les opérateurs présents insistent aussi sur l’importance de la réussite du chantier de la fibre qui est intrinsèquement liée à l’extinction du réseau cuivre. « Nous sommes encore loin du résultat final car, pour que l’on puisse éteindre le cuivre, il va falloir que l’on arrive à le substituer avec les infrastructures optiques et aller jusqu’ à la fin du déploiement, explique le président de l'entreprise Xpfibre, Lionel Recorbet. L’extinction du cuivre est une très bonne nouvelle mais il y a encore plein de leviers à lever pour parvenir à l’extinction du cuivre sur l’ensemble du territoire. » 

Pour Laurent Laganier, directeur de la réglementation du groupe Iliad, l’extinction du cuivre « est une évidence technique et économique. Les ménages ne vont pas vouloir payer deux abonnements sur le cuivre d’un côté et sur la fibre de l’autre et les opérateurs n’auront pas non plus les moyens d’entretenir deux réseaux. » 

Il ajoute que « parler de l’extinction du cuivre aujourd’hui souligne l’extraordinaire succès de la fibre en France. Dès qu’on passe la frontière on se rend compte à quel point la situation de la France est positivement atypique en Europe. » 

Un appel aux collectivités locales 

C’est dans le plan stratégique « Engage 2025 »  que l’opérateur historique Orange a déployé un calendrier précis de démantèlement de ce réseau cuivre. Mais ce chantier, l’entreprise ne peut pas le mener seule. 

« Il faut que les collectivités locales nous aident dans ce plan cuivre, déclare Nicolas Guérin, secrétaire général d’Orange. Le rôle des maires est essentiel pour rassurer et communiquer au sein des communes. Aidez-nous à améliorer notre plan pour migrer vers la fibre ! »  Beaucoup de particuliers, en effet, craignent de de perdre un service ou de payer plus cher. L’entreprise demande donc aux élus de faire de la pédagogie dans les territoires.

Un appel qui sera diversement apprécié par les élus, dans la mesure où depuis des années, dans certains départements, Orange ne respecte pas ses obligations en matière d’entretien du réseau cuivre. Au point qu’en janvier dernier, dans le Cantal, le secrétaire d’État chargé de la Ruralité, Joël Giraud, reconnaissait que « des secteurs entiers sont en non-maintenance » . Le constat est le même dans d’autres départements ruraux, comme la Drôme.

Le secrétaire général observe aussi que certaines « collectivités locales nous poussent à aller très vite… Mais il faut prendre le temps ! Il faut par exemple être sûr que toutes les offres de substitutions soient disponibles. Il y a des cas difficiles ou encore des endroits où le raccordement est impossible. »  Les opérateurs l’avouent ce jour, l’objectif de 100 % du territoire couvert par la fibre comportera donc des exceptions.

« Il faut se lancer vite dans la consultation et non vite dans la réalisation » , précise Nicolas Guérin. Stéphane Richard, président-directeur général d’Orange, était présent pour sans doute l'une de ses dernières prises de parole officielle en tant que PDG d'Orange. Il a déclaré : « On ne peut pas réussir sans ce lien avec les territoires et les collectivités territoriales. Nous allons mener ce plan de fermeture du cuivre grâce à un rapport dans lequel Orange viendra pour vous demander (les élus) comment il faut le faire, avec quels niveaux de priorités, comment il faut le prévoir, le planifier dans le temps… Nous ne réussirons cette opération si sensible pour les habitants que s’il y a ce lien opérationnel en amont, fort et institutionnalisé, avec les collectivités. Il faudrait mettre en place des structures de travail avec les collectivités pour mener ce chantier ensemble. » 

Des débats encore en suspens 

Mais Orange a aussi été, il faut le rappeler, l’objet de nombreuses critiques, notamment formulées par l’Arcep ces dernières années. L’entreprise avait dû annoncer une augmentation en mai dernier de ses budgets consacrés à la maintenance du réseau cuivre (500 millions d’euros en 2021). Le défi pour l’entreprise, souvent accusée par l’Arcep de ne pas « respecter ses obligations de qualité de service du service universel » , sera donc de maintenir une qualité de service du réseau pendant le délai de prévenance. Un sujet qui préoccupe d’ailleurs beaucoup les maires.

Sur ce point, le président se veut rassurant : « Le réseau cuivre doit quand même être entretenu et maintenu à un niveau de qualité de service suffisant. Je sais qu’il y a un débat et une inquiétude autour de cela. Le plan de dé-commissionnement du cuivre n’est pas un plan d’abandon du cuivre. L’entreprise est consciente de ses responsabilités sur la qualité du réseau. » 

Autre débat évoqué mais pas développé par le président d’Orange lors de son allocution : le tarif du dégroupage. Orange milite depuis longtemps pour augmenter sensiblement ses tarifs mais il se heurte jusque-là à l’opposition de l’Arcep. 

Les difficultés de ce chantier n’ont pas été évoquées dans le détail mais le président d’Orange a déclaré : « Il faut faire des expérimentations, on en a déjà fait un certain nombre » . Exemple : depuis le 31 mars, Lévis-Saint-Nom, dans les Yvelines, est la première commune de France à avoir dit au revoir au cuivre. De ces essais, l’entreprise a tiré des enseignements, sans préciser lesquels. Mais le président assure qu’Orange « va tirer profit de ces expériences pour bien finaliser notre plan car, on le voit bien, fermer un réseau de cuivre, n’est pas seulement un sujet pour un opérateur d’infrastructures comme nous, c’est un défi pour l’ensemble du pays et ses parties prenantes. » 

Un retard éventuel par rapport à ce chantier a aussi été anticipé. « Il y aura peut-être quelques mois de retard à l’arrivée, pour un chantier de cette taille c’est possible, avoue le président d’Orange. Je sais que c’est un problème mais nous allons réaliser ce chantier en un peu moins de 15 ans. Pour rappel, il a fallu 40 ans pour bâtir un réseau de téléphonie et 90 ans pour le réseau électrique. » 
La question des raccordements complexes à la fibre n’a pas été véritablement développée même si, avec ironie, Lionel Recorbet rappelle pendant cette table ronde la « découverte de raccordements complexes ». « Bizarrement ce n’était prévu nulle part, a-t-il continué. Notamment dans les réseaux d’initiatives publiques. On attend donc un financement… »  Maire info reviendra demain sur ce sujet important qu’est le chantier de la fibre en France. 

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