Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 25 juin 2025
Énergies renouvelables

Nouvel imbroglio législatif à l'Assemblée nationale, avec le rejet du texte sur la programmation énergétique

L'Assemblée nationale a largement rejeté, hier, la proposition de loi Grémillet sur la programmation énergétique, qui contenait notamment, dans sa version finale, un moratoire total sur les énergies renouvelables. Mais cet épisode ne contribuera pas à redorer le blason d'une Assemblée de plus en plus chaotique.

Par Franck Lemarc

Cette fois, l’hémicycle était plein. Alors que pendant les débats sur le texte, les députés de gauche et du centre n’ont guère participé aux séances, il ne manquait hier qu’une dizaine de députés : 566 députés sur 577 ont pris part au vote solennel pour adopter ou rejeter la proposition de loi Grémillet. Et 377, soit une large majorité, ont voté contre ce texte. 

Quand le Parlement fait le travail du gouvernement 

Déposée au Sénat par Les Républicains en avril 2024, et portant notamment la signature de l’actuel ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, cette « proposition de loi de programmation et de simplification dans le secteur économique de l’énergie »  avait à l’origine pour objectif de répondre aux obligations fixées par le législateur lui-même. En 2019 en effet, la loi Énergie climat, portée par le gouvernement, avait fixé le principe d’une loi de programmation sur l’énergie tous les cinq ans à partir du 1er juillet 2023. Cette loi de programmation devait englober cinq secteurs : la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la réduction de la consommation énergétique, le développement et le stockage des énergies renouvelables, la diversification du mix de production d'électricité, la rénovation énergétique des bâtiments et l'autonomie énergétique dans les Outre-mer. 

Mais à ce jour, cette décision de 2019 n’a eu aucune traduction législative, puisque le gouvernement n’a jamais présenté de projet de loi, deux ans après la date butoir du 1er juillet 2023. En avril 2024, il annonçait même officiellement qu’il ne comptait pas légiférer sur le sujet, et que la programmation énergétique serait finalement décidée par décret. 

Les Républicains ont donc décidé de présenter un texte d’initiative parlementaire pour répondre aux objectifs de la loi de 2019, et ont adopté au Sénat ce texte, clairement orienté dans le sens d’une relance du nucléaire et de la filiale hydroélectrique. Ses auteurs jugeaient, en effet, que ces deux secteurs sont « des atouts incomparables »  pour développer une énergie décarbonée et qu’ils sont « trop peu exploités ». Le texte des LR prévoyait aussi, néanmoins, le développement des énergies renouvelables autres que l’hydroélectrique.

Le gouvernement a fini par décider de soutenir ce texte, d’abord en l’inscrivant à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, et ensuite en faisant nommer un rapporteur Renaissance (le parti présidentiel) pour porter la proposition de loi. 

Moratoire sur les EnR

Arrivé à l’Assemblée nationale le 16 juin, le texte a profondément évolué au fil des débats, sous l’influence des députés du groupe RN, les seuls qui se soient réellement mobilisés en séance. Défenseurs farouches du nucléaire et adversaires forcenés des éoliennes en particulier, les députés RN ont introduit de nombreuses dispositions nouvelles dans le texte, dont certaines, comme la réouverture de la centrale de Fessenheim déjà plus qu’à moitié démantelée, sont tout simplement absurdes. Le RN a par ailleurs fait adopter la transformation d’EDF en Épic (établissement public industriel et commercial), et rien moins que la sortie de la France du marché européen de l’énergie. 

Le point culminant de ces débats a été l’adoption, le 19 juin, d’un amendement LR imposant un moratoire complet sur « l’instruction, l’autorisation et la mise en service de tout nouveau projet d’installation de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent éolien, terrestre ou maritime, ainsi que l’énergie solaire photovoltaïque », le temps nécessaire à la conduite d’une « étude indépendante »  sur le « mix énergétique optimal »  (lire Maire info du 20 juin). Si cet amendement a été déposé par Les Républicains, il a été adopté grâce au RN, puisque les députés LR n’étaient que quatre dans l’hémicycle au moment du vote. La gauche et le centre, massivement absents lors des débats, étaient quant à eux bien incapables de contrer ce vote. 

Vers un décret avant la rentrée ?

Il ne restait donc plus qu’une occasion de faire échec à ce texte profondément remanié : le vote solennel sur l’ensemble du texte, qui a eu lieu hier. Cette fois, la mobilisation a été massive sur tous les bancs. La gauche, sans surprise, a unanimement voté contre le texte. Le bloc central (macronistes, MoDem et Horizons) a fait de même. Les Républicains, auteurs de ce texte, se sont abstenus – à l’exception de deux députés qui ont voté pour. Au final, seuls les députés RN et ciottistes ont unanimement voté pour le texte. Le texte a été rejeté par 377 voix contre 142. Pour la énième fois dans cette législature si particulière, les auteurs d’un texte – Les Républicains – et ses soutiens – le gouvernement – ont dû voter contre leur propre texte. 

Le gouvernement, représenté par le ministre de l’Industrie Marc Ferracci, a « pris acte »  hier du rejet de ce texte, jugé « nécessaire »  tant les mesures qu’il contenait étaient « absurdes et dévastatrices ». 

Et maintenant ? Marc Ferracci a sobrement déclaré que la navette parlementaire allait maintenant « se poursuivre » , le texte devant à présent repartir au Sénat pour un nouvel examen. Mais il y a tout lieu de penser que le gouvernement va trouver le moyen de laisser cette navette parlementaire s’enliser et qu’elle n’ira pas à son terme : Marc Ferracci, avant même le vote d’hier, le 15 juin, déclarait en effet dans La Tribune Dimanche que le gouvernement « n’attendra pas la fin de la navette parlementaire »  et publiera un décret sur la programmation pluriannuelle de l’énergie « avant la fin de l’été ». Il prévoit donc de passer par-dessus la tête du Parlement… après avoir lui-même fait inscrire la proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée. 

Il reste à savoir si le gouvernement ira jusqu’au bout, alors que le RN a d’ores et déjà annoncé que la publication d’un tel décret constituerait un « casus belli », c’est-à-dire un motif de censure. Alors qu’on entrera, à la rentrée, dans une zone de fortes turbulences avec le débat budgétaire, il n’est pas certain que le gouvernement prendra le risque d’offrir au RN une occasion de le renverser.

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