Maire-info
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Édition du mardi 30 septembre 2025
Logement

Encadrement des loyers : le dispositif devrait être étendu à toutes les communes situées en zone tendue, selon un rapport

Alors que l'expérimentation de ce dispositif doit s'achever fin 2026, deux députés réclament sa pérennisation et son amélioration. Pour eux, les communes limitrophes à celles qui y sont éligibles pourraient aussi y prétendre, sous certaines conditions. Une proposition de loi basée sur leurs recommandations devrait voir le jour.

Par A.W.

« L’encadrement des loyers a rempli son objectif, alors même qu’il n’est pas toujours parfaitement respecté. »  Dans un rapport d’évaluation présenté la semaine dernière, les députés du Finistère et des Pyrénées-Atlantiques, Annaïg Le Meur (Renaissance) et Iñaki Echaniz (PS), proposent de pérenniser le dispositif d'encadrement des loyers et de le rendre accessible à toutes les communes situées en zone tendue, et dans certains cas, à leurs voisines. 

Alors que la crise du logement bat toujours son plein, cette expérimentation – qui a permis de réduire significativement les montants des baux dans certaines villes – est sur le point d’arriver à son terme, dans un an. De quoi inquiéter des milliers de Français qui vivent dans l’une des 72 collectivités qui l’ont mise en œuvre et qui sortent tout juste de la crise inflationniste. 

Effets positifs

D’autant que « l'ensemble des communes [expérimentatrices en] sont satisfaites », selon les députés, l’encadrement des loyers ayant produit « des effets positifs ». « Contrairement à certaines idées reçues », les auteurs du rapport assurent que ce dispositif « n’est pas la cause de la baisse générale de l’offre locative, qui affecte aussi les villes sans encadrement des loyers ». En outre, « il n’a pas pour but de faire baisser les loyers et de fausser le marché, mais au contraire d’établir la réalité des prix de marché et d’éviter les loyers excessifs », expliquent les deux députés, également à l’origine de la loi sur les meublés de tourisme

S’ils ne font pas le bilan économique du dispositif, on peut notamment rappeler qu’une récente étude de l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur) est venue en conforter les défenseurs puisque, selon elle, la mise en place de l’encadrement des loyers à Paris a, par exemple, permis de limiter la hausse des loyers de 5,2 % par rapport à la situation précédente, sans encadrement. Soit une économie moyenne d'environ 984 euros par an pour les locataires. 

D’autant que « l’effet s’accentue dans le temps »  – et « bénéficie davantage aux petits logements qu’aux grands »  – mais surtout son efficacité « se vérifie dans cinq autres grandes villes régulées »  (à savoir Lille, Lyon, Villeurbanne, Montpellier et Bordeaux), indique l’étude, qui estime à 4,4 % le niveau de réduction des loyers.

Les communes devraient avoir le « dernier mot » 

Parmi la vingtaine de propositions qu’ils formulent pour « améliorer le dispositif »  et « rendre possible sa pérennisation »  (en sortant du régime de l’expérimentation), Annaïg Le Meur et Iñaki Echaniz proposent donc d’étendre cette faculté d’encadrer les loyers à toutes les communes volontaires situées en zone tendue. 

Les deux députés souhaitent ainsi permettre aux communes « où s’applique déjà (sauf exception) la taxe sur les logements vacants »  (TLV) et « volontaires »  de « décider directement d’appliquer l’encadrement des loyers, sur des territoires qu’elles délimitent elles-mêmes, à l’issue d’un échange de quelques mois avec l’EPCI ».

En cas de désaccord persistant avec l’intercommunalité, « une commune dotée de TLV devrait avoir le dernier mot en ce qui concerne son territoire », défendent-ils, en proposant au passage de donner la possibilité à un EPCI d’autoriser « une commune non dotée de TLV à appliquer l’encadrement des loyers lorsque celui-ci est déjà appliqué dans toutes les communes limitrophes ».

En outre, ils recommandent de doubler les amendes et de transférer leur produit aux communes chargées du contrôle. À ce titre, la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé-Pierre) a révélé, début septembre, que près d'une annonce sur trois dépasse encore les plafonds autorisés dans les communes qui appliquent l'encadrement des loyers. Plus de 90 % des logements de 10 m² et moins sont hors des clous tout comme 39 % des studios, pénalisant principalement « les jeunes, les étudiants, les célibataires et les ménages modestes », expliquait-elle. 

Compléments de loyer : mettre fin à « l’open bar » 

Si les deux rapporteurs préconisent de rendre le calcul du loyer de référence « plus équitable »  et de « clarifier les modalités de revalorisation au renouvellement du bail », c’est aussi sur la partie « la plus floue du dispositif »  qu’ils souhaitent agir. À savoir les compléments de loyers, « la méthode la plus répandue de contournement de l’encadrement des loyers », selon eux.

Seul moyen légal de dépasser le loyer de référence au-delà de 20 %, cette « souplesse légitime »  est accordée aux logements qui présentent des caractéristiques exceptionnelles, par exemple en raison d’une vue ou d’aménagements luxueux. 

Le problème, c’est qu’il est « à la fois autorisé de façon trop large »  – en ne fixant aucune limite de prix notamment – et « parfois, interdit de façon trop rigide »  – en excluant « de nombreux logements en ville, y compris des logements exceptionnels ayant par exemple un vis-à-vis dans la cuisine, côté cour ». « Bref, la loi interdit tout complément de loyer dans certains cas et, pour le reste, c’est "open bar" », se désolent les députés.

Ces derniers recommandent ainsi de mieux l’encadrer en fixant, notamment, un prix en fonction de la taille des « surfaces annexes »  (terrasse, parking, cave, mezzanine…) qui sera ajouté au loyer de base.

« Plus dommageables »  encore, les stratégies de contournement de la loi via le coliving ou la colocation. Plusieurs élus ont déjà pointé ce nouveau phénomène du coliving, dont le développement s’accroit rapidement, avec 14 500 lits exploités en France en 2023 (d’ici fin de l’année, il pourrait y en avoir 24 000), en hausse de 70 % en deux ans. 

Or cette forme de colocation – qui consiste en des chambres privées, espaces partagés et services pour faciliter la vie en communauté sous un même toit – n’est pas soumis à l’encadrement des loyers et certains promoteurs et investisseurs en profitent pour pratiquer des montants de loyers très élevés. Les rapporteurs réclament donc leur intégration dans le droit actuel.

Une nouvelle proposition de loi

En juin dernier, des parlementaires de gauche et des maires s'étaient déjà mobilisés pour défendre le dispositif, avant de déposer une proposition de loi. Mais Annaïg Le Meur et Iñaki Echaniz prévoient de déposer un nouveau texte sur la base des recommandations de ce rapport afin d'améliorer le dispositif.

Pour rappel, le plafonnement des loyers n’est, pour l’heure, utilisé que dans 72 collectivités, notamment par les villes de Paris, Lille, Lyon, Villeurbanne, Montpellier et Bordeaux, mais aussi dans les intercommunalités franciliennes de Seine-Saint-Denis Plaine Commune et Est Ensemble, ainsi que dans certaines communes du Pays basque et de la métropole de Grenoble.

Mis en place initialement avec la loi Alur en 2014 (puis annulé par le tribunal administratif), cet outil de maîtrise du coût du logement avait été remplacé par une expérimentation dans le cadre de la loi Elan de 2018, avant d’être prolongé jusqu’en novembre 2026 dans des zones géographiques souffrant d’un grave déséquilibre entre l’offre et la demande de logements.

Alors que cette expérimentation pourrait donc prendre fin en métropole, les parlementaires viennent de l’autoriser dans les outre-mer à travers une loi adoptée et promulguée en juin dernier. Visant, en outre, à y adapter les normes des matériaux de construction aux spécificités locales, ce texte s'inscrit dans un plan de lutte contre la vie chère plus global. 

Consulter le rapport.
 

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