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Édition du lundi 18 octobre 2021
Parité

En zone rurale, les inégalités entre les hommes et les femmes sont amplifiées

Selon un rapport sénatorial, les femmes qui vivent en zone rurale connaissent des difficultés de déplacement accentuées, de moindres opportunités professionnelles et scolaires tandis que celles qui sont victimes de violences y sont « plus isolées, moins informées et moins protégées ».

Par A.W.

À la veille de la Journée internationale des femmes rurales, la délégation à l’Égalité des chances entre les hommes et les femmes au Sénat a dressé, jeudi, un état des lieux « préoccupant »  de la situation des 11 millions de femmes vivant dans les territoires ruraux, dans lequel elle brosse un large tour d’horizon des difficultés et des obstacles qu’elles rencontrent, « à tous les âges et dans tous les aspects de leurs vies ». 
Après dix mois de travaux, elle fait 70 recommandations et propose des solutions qui émergent au niveau local. Au-delà d’un panorama des obstacles et freins spécifiques rencontrés par les femmes rurales, la délégation souhaite surtout se « faire l’écho de bonnes pratiques et initiatives locales innovantes qui pourraient être dupliquées dans d’autres zones du territoire national ». 

Un féminicide sur deux

Les sénateurs sont ainsi partis du constat qu’aucune des 181 mesures de l’Agenda rural du gouvernement présenté à l’automne 2019 – « qui constitue aujourd’hui le socle de la politique gouvernementale en faveur des territoires ruraux »  - ne traite de l’égalité femmes-hommes ni des problématiques spécifiques aux femmes. 

Pourtant, « près de la moitié des féminicides ont lieu dans les territoires ruraux alors que les femmes rurales ne représentent qu’un tiers de la population féminine nationale », constatent les auteurs du rapport, qui notent « une prévalence des féminicides un peu plus élevée dans les milieux ruraux qu’en zone urbaine ».

Alors que « la gendarmerie mène toutes les heures, partout sur le territoire, près de quinze interventions pour des faits de violences intrafamiliales », les victimes de ces violences y sont « plus isolées, moins informées et moins protégées ».

Pour lutter contre ces violences, la délégation propose de pérenniser les autobus itinérants allant à la rencontre des femmes, le recueil de plaintes dans les hôpitaux et des points d'accueil pour les victimes dans les centres commerciaux ou encore le développement des lieux de permanence pour les associations d’aide aux victimes au sein des mairies ou des Maisons France Services.

Manque de mobilité, services éloignés et numérique insuffisant

Reste que « le manque de mobilité, l’éloignement des services et l’insuffisance de la couverture numérique apparaissent comme les principales difficultés des territoires ruraux, et tout particulièrement des femmes qui y résident, mais aussi comme les freins à lever afin de pouvoir mettre en œuvre des solutions adaptées et innovantes dans ces territoires », explique le rapport.
Alors que la voiture représente 80 % des déplacements en zone rurale et y constitue souvent un critère d’embauche, les femmes y ont un accès plus restreint que les hommes puisque « seules 80 % d’entre elles sont détentrices du permis B contre 90 % des hommes ».

En outre, la délégation rappelle que « 52 % des ruraux considèrent que leur commune ne bénéficie pas de l’action des pouvoirs publics et les priorités d’action, relevées par les répondants, concernent les services publics ». Or « l’éloignement des services publics renforce l’isolement des femmes rurales et entraîne une mauvaise connaissance de leurs droits et des phénomènes de non-recours aux droits », soulignent les auteurs du rapport qui ajoutent que « les difficultés d’accès à Internet accentuent cet isolement ». Pourtant, en 2021, 15 % des territoires ruraux ne bénéficient pas encore d’une couverture 4G et 30 % des locaux de ces territoires ne sont pas connectés au très haut débit.

Afin de pallier ces déficits, les sénateurs encouragent notamment les collectivités à développer des transports publics ponctuels avec des arrêts à la demande, ainsi que des plateformes de covoiturage y compris scolaire.  Ils proposent également de soutenir le développement de tiers-lieux, en envisageant des mutualisations avec des services d’accueil des jeunes enfants.

Emploi, santé et politique

Sur la question de l’emploi, si les femmes des territoires ruraux sont moins touchées par le chômage que les femmes urbaines, elles le sont davantage que les hommes des territoires ruraux. En outre, « elles sont plus souvent concernées par des emplois de moindre qualité, précaires ou à temps partiel »  et « bénéficient d’opportunités professionnelles plus limitées et moins diversifiées ».
Ainsi, « 25 % des femmes travaillent dans les secteurs de la santé et du social (contre 11 % en ville), féminisés à plus de 75 % et où les emplois sont plus souvent précaires, faiblement rémunérés et/ou à horaires atypiques », relève la délégation. Celle-ci observe également que les gynécologues manquent particulièrement en zone rurale (13 départements en sont dépourvus), entraînant un « renoncement »  au suivi gynécologique et à un moindre « dépistage des cancers féminins ».

La délégation recommande d'encourager « un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes au sein des filières à haut potentiel d’emploi dans les territoires ruraux, parmi lesquelles le secteur du numérique, les métiers verts et verdissants, la silver économie et les services à la personne, le secteur de l’économie sociale et solidaire ». Elle réclame la généralisation à tous les départements ruraux de l'itinérance pour proposer dépistage et consultations gynécologiques.

La politique n’est pas épargnée. Malgré « une nette féminisation des élus locaux »  depuis le début du siècle, « la proportion de femmes reste faible au sein des petites communes rurales, des intercommunalités et des exécutifs locaux ». Pour encourager les femmes à s'engager dans la politique, la délégation préconise notamment d’imposer le scrutin de liste paritaire aux élections municipales de toutes les communes, en supprimant le seuil des 1 000 habitants et d’appliquer le système de fléchage pour les élections intercommunales des communes de moins de 1 000 habitants « avec obligation que ces listes soient paritaires, avec une stricte alternance homme femme ».

Télécharger le rapport.

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