En commission, les députés rétablissent un financement pour l'apprentissage dans la fonction publique territoriale
Par Franck Lemarc
La commission des lois de l’Assemblée nationale a débattu, la semaine dernière, des crédits alloués à la fonction publique, et la rapporteure pour avis, Céline Thiébault-Martinez (Seine-et-Marne, PS), s’est inquiétée du poids grandissant des contractuels dans l’effectif de la fonction publique.
15 millions pour le CNFPT
Présentant les crédits de la mission, elle a jugé cette partie du budget « décevante et peu ambitieuse » , avec des crédits « en forte baisse » . Plusieurs programmes sont « en voie d’extinction » – notamment le fonds interministériel d’amélioration des conditions de travail (Fiact), « qui finançait des projets utiles, concrets et peu coûteux » . La rapporteure a également déploré que les crédits de 15 millions d’euros alloués au CNFPT pour soutenir l’embauche d’apprentis dans la fonction publique territoriale (FPT) disparaissent.
Rappelons qu’à la suite d’un accord conclu en 2021 entre l’État, le CNFPT et les associations d’élus, un nouveau mode de financement de l’apprentissage dans la FPT avait été trouvé : les employeurs territoriaux avaient accepté de payer une cotisation supplémentaire de 0,1 % de la masse salariale, reversée au CNFPT (soit 40 millions d’euros par an) ; l’État mettait au mot 15 millions d’euros, tout comme France compétences. Le CNFPT avait accepté de compléter le montage avec 10 millions d’euros prélevés sur ses fonds propres.
Mais les promesses du gouvernement n’ont qu’un temps : alors que les ministres avaient promis, la main sur le cœur, que ce dispositif était « pérenne » , à peine un an plus tard, le gouvernement annonçait que la contribution de l’État avait vocation à « s’éteindre d’ici fin 2025 au plus tard » . Cette promesse-là, en revanche, a bien été ténue : dans le projet de budget pour 2026, cette contribution de 15 millions d’euros a bel et bien disparu.
Cette suppression, a regretté la rapporteure, « va inévitablement fragiliser le développement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale » . Elle a donc présenté un amendement permettant de rétablir ces crédits de 15 millions d’euros, qui a été adopté par la commission. Reste à savoir si ce rétablissement sera également acté en séance publique.
Hausse « tendancielle » du nombre de contractuels
Céline Thiébault-Martinez a également souhaité mettre l’accent sur « l’augmentation tendancielle » du nombre de contractuels dans la fonction publique, désormais une « caractéristique majeure de l’emploi public en France ».
Pour mémoire, le dernier rapport sur l’état de la fonction publique publié en octobre par la DGAFP (sur les données de 2023) chiffre à 23 % le nombre d’agents contractuels dans la fonction publique, tous versants confondus. C’est d’ailleurs, souligne la DGAFP, presque entièrement l’augmentation du nombre de contractuels qui porte la hausse de l’emploi public entre 2022 et 2023. Dans la FPT, le nombre de contractuels a augmenté de 30 000 (+ 6,2 %).
Selon les projections, si le nombre de contractuels continue de croître à ce rythme, la part de ceux pourrait atteindre les 30 % en 2031.
Au-delà des raisons traditionnelles expliquant le recours aux contractuels (remplacement temporaire, pic d’activité ou recours à des compétences rares), cette augmentation est surtout liée, selon la rapporteure, « aux difficultés plus générales que rencontrent les employeurs publics pour recruter » , du fait de la faible attractivité de la fonction publique.
La rapporteure a également noté que l’emploi contractuel répond aussi à « une certaine appétence » des jeunes générations « pour la mobilité professionnelle ».
Mais ce recours toujours accru aux contractuels pose un certain nombre de difficultés : les contrats sont souvent de courte durée (presque 60 % des CDD sont inférieurs à un an), « ce qui peut induire une forme d’instabilité qui fragilise le maintien des compétences au sein de la fonction publique ».
Mais surtout, contrairement aux fonctionnaires qui « reçoivent une formation initiale robuste » , leur permettant « d’acquérir les fondamentaux du fonctionnement des services publics » et « les règles déontologiques » , les contractuels ne bénéficient pas d’une telle formation. Ce qui est toutefois à nuancer : tous les fonctionnaires, notamment en catégorie C, ne reçoivent pas forcément la « formation robuste » dont parle la députée.
Enfin, « l’augmentation tendancielle du nombre d’agents contractuels pose la question de la coexistence, au sein du même employeur public, d’agents affectés à des emplois identiques ou similaires et remplissant les mêmes fonctions, mais qui se verraient appliquer des règles différentes en matière de carrière et de rémunération » , a souligné la rapporteure.
Céline Thiébault-Martinez a fait plusieurs recommandations sur ce sujet, notamment celle d’une « réflexion stratégique » qui débuterait par l’élaboration d’un rapport, par le gouvernement, sur le coût du recrutement et de la gestion des contractuels. Le principe de ce rapport a été acté par la commission, via un amendement.
Par ailleurs, la rappporteure a pointé un autre problème souvent évoqué par les associations d’élus : l’augmentation continue du taux de cotisations à la CNRACL (caisse de retraite des agents des collectivités) renchérit le coût de la rémunération des fonctionnaires, ce qui, dans la situation tendue des finances locales, ne peut conduire les employeurs territoriaux qu’à se tourner davantage vers l’emploi contractuel.
La rapporteure recommande de se pencher sur cette question et « d’envisager sérieusement la création d’une ressource fiscale supplémentaire bénéficiant à la CNRACL et assise sur la masse salariale des agents contractuels ».
Gel du GVT et jours de carence
Plusieurs amendements ont été déposés, en commission des finances, sur le volet fonction publique du projet de budget, et ils seront à surveiller.
L’ancien ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, désormais député, va représenter des mesures sur lesquelles il avait dû reculer, l’an dernier : le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite, et les trois jours de carence dans la seule fonction publique territoriale… au prétexte que les agents de la FPT ont « un taux d’absence bien plus élevé » que ceux des autres versants. Sans rappeler que ce taux d’absence s’explique par une moyenne d’âge, un nombre d’agents de catégorie C et une pénibilité bien supérieure à celle des autres versants.
Un autre amendement, déposé par des députés Horizons, vise à geler le GVT (glissement vieillesse technicité) en 2026, au motif que cela permettrait d’économiser « plusieurs centaines de millions d’euros ».
En séance, la partie dépenses du projet de loi de finances sera examinée à partir du 18 novembre – à condition que la partie recettes soit adoptée. La date du vote solennel de la première partie du budget, initialement prévue le 4 novembre, a été d’abord repoussée au 12, puis maintenant au 17 novembre – ce qui rend de plus en plus improbable l’adoption finale du budget dans les délais constitutionnels.
Rappelons que si la partie recettes du PLF n’est pas adoptée par les députés, l’ensemble du texte sera transmis au Sénat, sans que l’Assemblée nationale puisse examiner le volet dépenses.
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