Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 22 septembre 2020
Emploi

De plus en plus d'inquiétudes face au déferlement des plans sociaux

L’équipementier japonais Bridgestone fait depuis vendredi la une de l’actualité, avec sa décision surprise de fermer son usine de pneus de Béthune (Pas-de-Calais) dès l’année prochaine, ce qui laisserait sur le carreau plus de 860 salariés. Mais au-delà, ce sont des dizaines de grandes entreprises qui annoncent des plans sociaux depuis le début de la crise épidémique et, derrière elles, un nombre encore bien plus grand de petites entreprises, sous-traitantes des plus grandes. Un immense motif d’inquiétude pour de nombreux élus. 

Élus révoltés
Renault, au printemps… puis Airbus, Smart, Courtepaille, Alinéa, Boiron, Tui, Sanofi, ADP, et tout récemment Auchan et Bridgestone. La liste des plans dits sociaux s’allonge de semaine en semaine, entrainant derrière elle son cortège de futurs chômeurs et, dans certains cas, de villes sinistrées. Car lorsque des usines comme Bridgestone à Béthune, Renault RCA à Maubeuge (Nord) ou Smart à Hambach (Moselle) menacent de fermer, c’est tout l’équilibre économique d’un territoire qui se trouve menacé. 
D’où les réactions extrêmement vives des élus locaux. On se souvient, en mai dernier, de celle du maire UDI de Maubeuge, Arnaud Decagny, à l’annonce d’une possible fermeture de l’usine Renault qui fait vivre, directement ou indirectement, 15 000 salariés sur le territoire : « Si c’est ça, ça va être la guerre. »  Le week-end dernier, le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, n’a pas été plus tendre vis-à-vis de la direction du groupe Bridgestone, qu’il a qualifiée de « menteurs »  et de « cyniques »  coupables « d’un assassinat prémédité de longue date ». 
Les élus sont souvent d’autant plus révoltés que beaucoup de ces entreprises qui annoncent des fermetures ou des plans sociaux ont bénéficié de nombreuses subventions de la part des collectivités locales. 

Avalanche de plans sociaux
Depuis le 1er mars, les plans sociaux qui se sont succédé représentent déjà 51 000 destructions d’emplois, estime la Banque de France. Et il ne s’agit que des « grands »  plans sociaux, ce chiffre ne tenant pas compte des licenciements dans les petites ou très petites entreprises, ni des centaines des milliers d’intérimaires dont le contrat n’a pas été renouvelé pour cause d’activité en berne. Parmi les plus spectaculaires de ces plans sociaux, outre ceux que nous avons déjà mentionné, on peut citer Air France, qui annonce 7 500 suppressions d’emplois ; ou Airbus, presque 5 000, dont 3 500 dans les usines de l’agglomération toulousaine. L’enseigne de vêtements La Halle (groupe Vivarte) prévoit 2 660 suppressions de postes, l’équipementier automobile Valeo, 2600, le groupe Auchan, 1 475. L’équipementier aéronautique Daher va supprimer 1 300 postes et fermer l’usine de Saint-Julien-de-Chédon, dans le Loir-et-Cher. Alinéa, enseigne d’ameublement, annonce un millier de postes supprimés, General Electric, 760, Boiron, 646 – avec la fermeture de la moitié de ses usines. Très affecté par la crise, le secteur du tourisme est à aussi la peine, avec presque 600 suppressions de postes prévues chez Tui, premier voyagiste mondial (qui en annonce 8 000 à l’échelle du groupe) ou encore Booking.com, qui parle de 4 000 postes supprimés dans le monde sans préciser leur répartition à ce jour. 
Et la liste est encore longue : Beneteau, Accor, Technicolor, Cargill, Jacob Delafon, Derichebourg, André, Naf-Naf, Hutchinson, Mecafi, Nokia, NextRadioTV… C’est bien à une véritable saignée sur le front du chômage qu’il faut s’attendre dans les prochains mois. 

Le pire à venir ?
On se rappelle des sombres prédictions du chef de l’État, en juillet dernier, disant s’attendre à « 800 000 à un million de chômeurs supplémentaires d’ici l’année prochaine ». Ces chiffres semblent, hélas, se confirmer : l’Insee table elle aussi sur « 800 000 destructions d’emplois »  d’ici la fin de l’année… dont 715 000 l’ont déjà été, au plus fort de la crise, c’est-à-dire au premier semestre. Et encore : les experts estiment que ce bilan est « contenu »  grâce aux aides massives que l’État a débloquées depuis le début de l’épidémie, notamment au travers du chômage partiel et des aides directes à plusieurs secteurs. Selon une étude de la Banque de France, le pire serait à venir, lorsque ces dispositifs vont disparaître et que les « perfusions »  seront retirées. Le « pic de la mortalité des entreprises »  pourrait donc être atteint au premier semestre 2021. 
Et encore… ces prévisions ne tiennent pas compte des conséquences – encore inconnues – de la deuxième vague de l’épidémie qui semble se dessiner. C’est la raison pour laquelle le gouvernement, tout comme les représentants du patronat, veulent à tout prix éviter un deuxième confinement, dont l’économie, dixit le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux, pourrait « ne pas se relever ». 
Il y a donc là un double enjeu pour les pouvoirs publics : tout faire pour stopper la nouvelle vague de propagation du virus, sans pour autant paralyser l’économie ; et se préparer à gérer les conséquences sociales de l’explosion du chômage. Un domaine dans lequel, on le sait, les élus locaux sont en première ligne… avec de bien maigres moyens. 

Franck Lemarc

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