Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 3 novembre 2021
Emploi

Contrats d'engagement jeune : les missions locales ne seront plus seules à bord

Le dispositif annoncé hier par le gouvernement en matière d'insertion des jeunes vers l'emploi va remplacer la Garantie jeunes, gérée par les Missions locales. Le nouveau dispositif sera géré à la fois par les Missions locales et Pôle emploi, ce qui pose question. 

Par Franck Lemarc

Maire-Info
© UNML

C’est à un véritable tir de barrage de l’opposition qu’a été confronté hier le gouvernement sur la question des nouveaux Contrats d’engagement jeune annoncés par le chef de l’État (lire Maire info d’hier). Entre ceux, à gauche, qui jugent le dispositif « insuffisant », et ceux, à droite, qui dénoncent de « l’assistanat », la mesure rencontre une relative unanimité contre elle. 

« Qu’est-ce qui change ? » 

Lors de la séance de questions au gouvernement de l’Assemblée nationale, hiern c’est le député Libertés et territoires du Morbihan, Paul Molac, qui a ouvert le bal : « Est-ce une promesse ou un habillage électoral ? L’été dernier, vous envisagiez 1 million de bénéficiaires ; ce matin, le président évoquait le chiffre de 500 000, et vous de 400 000. Exit les travailleurs précaires et les étudiants ! Bercy est passé par là. »  Paul Molac a relevé que le nouveau dispositif va remplacer deux dispositifs existants, la Garantie jeunes assurée par les Missions locales et l’Accompagnement intensif des jeunes, via Pôle Emploi. « À part un changement de nom, (…) qu’est-ce qui change ? »  

Le député du Morbihan a également soulevé les questions que beaucoup se posent depuis hier : « Qu’en est-il des moyens alloués aux missions locales chargées d’accompagner les jeunes concernés ? Allez-vous laisser à la charge des collectivités locales la gestion de l’ensemble des dossiers supplémentaires ? » 

Ces questions posées à l’Assemblée nationale résument assez bien les interrogations exprimées par de nombreux élus, qui se demandent, au fond, « ce qui a changé », si le changement proposé n’est pas que cosmétique, et s’interroge sur le rôle des collectivités locales dans le dispositif. 

Accompagnement intensif

À l’Assemblée nationale, Élisabeth Borne, ministre du Travail, s’est chargée de répondre – ou plutôt de ne pas répondre – à Paul Molac. Elle a certes vanté l’action du gouvernement en matière d’emploi des jeunes, notamment le dispositif « un jeune une solution », mais n’a répondu à aucune des questions précises posées par le député, qui ne s’est pas privé de lui faire remarquer. 

C’est en lisant le dossier de presse et le discours de Jean Castex, diffusés hier, que l’on peut obtenir quelques détails sur le dispositif, dont on ne savait pas grand-chose hier, à part qu’il concernerait les jeunes de moins de 26 ans « sans formation ni emploi », qui pourraient toucher jusqu’à 500 euros par mois en échange de 15 à 20 heures par semaine de formation ou d’accompagnement. 

Il s’agit, selon le dossier de presse, d’un « programme intensif d’accompagnement de 15 à 20 heures par semaine minimum, avec une mise en activité systématique et régulière du jeune du premier au dernier jour, pendant une période pouvant aller jusqu’à 12 mois (et jusqu’à 18 mois sous conditions). »  Les solutions proposées peuvent être « un formation qualifiante ou préqualifiante, une mission d’utilité sociale comme le service civique, des stages ou immersions en entreprise, une alternance… » , détaille le gouvernement. 

Quant à l’allocation, elle est plafonnée à 500 euros dans tous les cas : si un jeune dispose d’une autre source de revenus, comme l’allocation de retour à l’emploi versée par Pôle emploi, l’allocation du Contrat d’engagement jeune « pourra être diminuée, voire nulle » , afin « de limiter à 500 euros par mois le cumul des revenus » . En revanche, les jeunes rattachés fiscalement à un foyer imposable « de tranche I »  pourront percevoir une allocation de 300 euros par mois, ce qui n’était pas le cas avec la garantie jeunes. 

Le dossier de presse répond également à la question : « En quoi ce dispositif se différencie-t-il de la Garantie jeunes ? » , qui accompagne déjà 200 000 à 250 000 jeunes chaque année. Essentiellement sur la question de « l’accompagnement intensif » : alors que la Garantie jeune ne propose cet accompagnement que pendant les six premières semaines, le Contrat d’engagement jeunes le proposera « de bout en bout ». L’accompagnement sera également plus « individualisé ». 

« Nouveau cadre commun » 

Enfin, et c’est peut-être le point le plus important, le nouveau dispositif sera opéré à la fois par les Missions locales et par Pôle emploi : « Il sera basé sur une plus grande coopération entre tous les acteurs qui interviennent auprès des jeunes et favorisera une offre de proximité. Désormais, les 900 agences de Pôle emploi et les 1 400 sites et antennes des Missions locales répartis sur tout le territoire proposeront le Contrat d’engagement jeune » , peut-on lire dans le dossier de presse. Dans son discours, prononcé hier à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), Jean Castex a enfoncé le clou : « Il n’existe pas aujourd’hui d’articulation et de continuité dans le suivi des parcours des jeunes selon qu’ils sont en Garantie jeune, en formation ou en activité. C’est un maquis d’aides et de parcours aux fonctionnements différents, mêlant dispositifs d’accompagnement et solutions de formation et d’activité sans les articuler les uns aux autres. »  Le nouveau dispositif ne vient pas « s’ajouter »  aux autres, a ajouté le Premier ministre : « Il les remplace, les intègre, les harmonise, les décloisonne, au sein d’un nouveau cadre commun à tous les opérateurs » 

Ces propos raisonneront de façon particulière aux oreilles de ceux qui se rappellent le bref mais intense conflit qui a opposé, en 2018, l’Union nationale des Missions locales et l’AMF d’un côté, et le gouvernement de l’autre, sur une éventuelle fusion des Missions locales et de Pôle emploi (lire Maire info du 3 octobre 2018). Ce que l’UNML qualifiait à l’époque « d’OPA hostile ». Dans une note diffusée à l’époque par Pôle emploi, on retrouvait des éléments de langage assez similaires au propos du Premier ministre, hier : « Supprimer les démarches redondantes, mutualiser pour gagner en efficience », « supprimer les frontières administratives et techniques », « augmenter l’efficacité pour une insertion plus rapide dans l’emploi » … 

Le projet d’expérimentation de fusion Missions locales/Pôle emploi a finalement été abandonné. Le dispositif annoncé hier par le gouvernement ne serait-il pas une tentative de faire revenir par la fenêtre cette idée sortie, il y a trois ans, par la porte ? La question se pose. L’UNML ne semble pas trop inquiète, en tout cas, puisqu’elle n’a pas communiqué, depuis hier, sur ce nouveau dispositif, ni sur son site ni sur les réseaux sociaux.

Quant à Mohamed Gnabaly, maire de l'Île-Saint-Denis (93) et co-président du groupe de travail de l'AMF sur l'emploi et l'insertion, il accueille le dispositif plutôt favorablement. « Je ne vais pas me plaindre qu'il y ait un peu plus d'argent pour nos jeunes, explique-t-il ce matin à Maire info. La petite inquiétude que je peux avoir, c'est de savoir si c'est de cela qu'on a réellement besoin. Notre enjeu, c'est de créer des emplois locaux et pérennes pour les jeunes, pas les mettre sous perfusion de manière transitoire. Je pense que le dispositif est intéressant pour trouver sa place, être accompagné, trouver un métier. Mais il va falloir bien cadrer, avec une vraie politique de développement économique territorial. » 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2