Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 26 mai 2020
Elections municipales

« Faciliter les opérations de vote » pour le 28 juin : les idées se multiplient

Comment permettre que le scrutin du second tour des municipales, dimanche 28 juin, se passe dans les conditions sanitaires les plus satisfaisantes possibles ? C’est la question qui va se poser à la fois au gouvernement et aux associations d’élus – la concertation entre eux débutant cette semaine. Le législateur se pose la même question, et plusieurs propositions de loi ont déjà fleuri, au Sénat. 

Les propositions de France urbaine
C’est l’association France urbaine qui a dégainé en premier, en publiant dès le jour de l’annonce de la date du second tour, vendredi, un certain nombre de propositions. Se réjouissant de ce que le Premier ministre ait d’ores et déjà acté le fait de faciliter le vote par procuration, l’association présidée par Jean-Luc Moudenc propose tout d’abord de mettre en œuvre immédiatement l’une des mesures de la loi Engagement et proximité : l’article 112 de cette loi modifie l’article L 72 du Code électoral, qui dispose que « le ou la mandataire doit jouir de ses droits électoraux et être inscrit dans la même commune que le mandant ». La loi Engagement et proximité a supprimé ces derniers mots (« et être inscrit dans la même commune que le mandant » ). Par ailleurs, une autre disposition de la même loi modifie l’article L 71 du Code électoral, qui fixe les conditions dans lesquelles un électeur peut demander une procuration, via une déclaration sur l’honneur concernant les motifs de cette demande (obligations professionnelles, maladie, vacances, etc). Le nouvel article prévu par la loi Engagement et proximité supprime l’obligation de donner un motif et l’article L 72 devient, simplement : « Tout électeur peut, sur sa demande, exercer son droit de vote par procuration. » 
Le seul problème, c’est que la loi précise que ces mesures entreront en application nettement plus tard : « A une date fixée par décret », au plus tard le 1er janvier 2021, pour les procurations sans motif. Et même le 1er janvier 2022, pour la possibilité de donner procuration à une personne habitant une autre commune. Il faudrait donc, pour que la première mesure entre en vigueur avant le 28 juin, que le gouvernement prenne très rapidement un décret d’application. 
France urbaine fait plusieurs autres propositions pour simplifier l’exercice de la procuration : permettre la signature en ligne du formulaire de procuration, via le même service que celui qui permet de s’inscrire en ligne sur les listes électorales ; « désigner d’autres catégories d’agents publics, sous le contrôle du juge, comme cela est déjà prévu pour les directeurs d’Ehpad, afin de recueillir les demandes des personnes fragiles, malades ou isolées ; autoriser le mandataire à disposer de deux procurations établies en France (une seule est possible actuellement). Par ailleurs, France urbaine propose, pour ce scrutin, que le vote par correspondance soit « rétabli », « de façon à faciliter l’expression des personnes en situation de fragilité ou réticentes à l’idée de se rendre dans un bureau de vote », précise le maire de Toulouse. 

Vote par correspondance et procurations
Par ailleurs, depuis le 22 mai, pas moins de trois propositions de loi ont été déposées au Sénat sur le même sujet. 
La première, déposée par le socialiste Éric Kerrouche (Landes), vise également à rétablir le vote par voie postale. Composée d’un article unique, elle est simple : « Lorsque l’état d’urgence sanitaire (…) est déclaré, (…) les électeurs votent soit dans les bureaux ouverts, soit par correspondance sous pli fermé, dans des conditions permettant d’assurer le secret du vote et la sincérité du scrutin. »  Le sénateur, dans l’exposé des motifs, insiste sur le fait que cette mesure serait « dérogatoire et exceptionnelle », et qu’il ne s’agirait nullement d’un « saut dans l’inconnu », puisque les élections prudhommales et professionnelles, ainsi que l’élection des députés pour les Français vivant hors de France, se font déjà par correspondance. 
Le deuxième texte a été déposé par le sénateur LR du Territoire de Belfort Cédric Perrin. Il vise à « sécuriser l’établissement des procurations électorales ». Le sénateur propose de rétablir l’obligation d’information du mandataire par mail ou courrier postal, et de mettre en place la possibilité, dans les bureaux de vote, « de consulter le répertoire électoral unique »  afin de « mieux contrôler la régularité des procurations ».

La proposition de Philippe Bas

Le troisième texte, enfin, émane directement du président de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas, et de ses collègues LR Bruno Retailleau et Hervé Marseille. Le texte vise à « mieux protéger les électeurs et les candidats »  le 28 juin.

Plus précise et plus longue que les autres textes, la proposition de loi de Philippe Bas pourrait bien trouver un certain écho du côté du gouvernement. Elle reprend certaines des propositions de France urbaine, mais pas toutes. 
Par exemple, la proposition de permettre à chaque mandataire de disposer de deux procurations, même établies en France, figure dans le texte. En revanche, Philippe Bas ne reprend pas l’idée d’appliquer immédiatement la réforme consistant à permettre à un mandataire et un mandant de ne pas habiter la même commune. En effet, explique-t-il, cette disposition nécessitera « un travail important pour adapter le répertoire électoral unique »  et « des développements informatiques ». En guise de compromis, le sénateur de la Manche propose toutefois de permettre « une dérogation limitée aux seuls membres de la famille proche » : « Un électeur pourrait disposer d'une procuration dans une autre commune mais uniquement pour voter au nom de ses arrière-grands-parents, grands-parents, parents, enfants, frères ou sœurs. » 
Sur les procurations toujours, le sénateur propose que les personnes fragiles au regard de l’épidémie et les personnes infectées par le covid-19 ou exposées à un risque d’infection et placées en isolement, « disposent du droit à ce que les autorités compétentes se déplacent pour établir leur procuration ».
Enfin, pour les opérations de vote elles-mêmes, le sénateur propose que les équipements de protection soient « mis à la disposition des électeurs qui n’en disposent pas et des personnes participant à l’organisation ou au déroulement du scrutin ». Précision importante : le coût de cette disposition serait « à la charge de l’État »  et non des communes. 
Philippe Bas propose également que chaque président de bureau de vote dispose du droit de limiter le nombre de personnes autorisées à assister au dépouillement, en fonction notamment « de la superficie des locaux ». Chaque candidat ou liste de candidats aurait cependant le droit de « disposer d’au moins un représentant ».
Il va être intéressant, maintenant, de voir la réaction du gouvernement, et s’il va faire en sorte que ces textes soient rapidement inscrits à l’ordre du jour des deux assemblées.

Franck Lemarc

Accéder à la proposition de loi de Philippe Bas. 

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