Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 14 mars 2022
Élection présidentielle

Ville et banlieue de France appelle à une « nouvelle ambition républicaine »

Les maires de l'association ont soutenu la création d'une cour d'équité territoriale, dans une « harangue à la Nation » prononcée jeudi dernier. Le terme est à prendre au sens de sa définition littéraire : « Un discours solennel prononcé devant une assemblée, un haut personnage ». En l'occurrence, les candidats à la présidentielle. 

Par Emmanuelle Stroesser

Les maires de ces « territoires urbains, vulnérables, jeunes et populaires »  comme ils se définissent eux-mêmes se souviennent des premiers mois difficiles du quinquennat qui s'achève, marqués par un « été meurtrier », avec l'arrêt des emplois aidés et la coupe dans les APL. Cela les avait conduit à lancer l'appel dit de Grigny en 2017.

Téméraires, les maires ont repris le stylo pour la rédaction du plan Borloo, sitôt publié, sitôt négligé. Sonnés, les maires se sont remobilisés en pleine crise sanitaire, pour ne pas être « les oubliés du plan de relance ». C'est l'appel des 200 maires de novembre 2020. Cette fois, la mobilisation paye. Un peu. Le premier ministre prend l'engagement qu'un pourcentage du plan revienne aux quartiers. Le comité interministériel des villes, qui n'avait jamais été réuni depuis 2017 est convoqué en janvier 2021. 

Des territoires parmi d'autres

Pour le prochain quinquennat, les maires prennent donc les devants. Car en 2022, « beaucoup reste à faire », souffle Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes. L'exercice d'interpellation des candidats est traditionnel. La forme choisie par Ville et banlieue de France l'est un peu moins. Les messages s'adressent « à l’État ».

Il ne s'agit pas d'une liste détaillée de mesures, les maires renvoyant à la démarche engagée par l'ensemble des associations d'élus (1), mais d'un ensemble d'orientations.  Elles se résument en une phrase : « Une nouvelle ambition républicaine, une nouvelle méthode de co-production et d’animation pour des solutions locales d’intérêt national, le déploiement vital de moyens renforcés du droit commun ». 

« On ne veut pas de charité, mais le droit », précise Catherine Arenou. « Nous appelons à une nouvelle ambition républicaine », pose-t-elle. Avec l'envie de « donner une vertu nationale à nos solutions locales ». « Nous voulons changer l'ambiance », reprend l'élue, navrée d'entendre les « habitants des banlieues et des HLM vilipendés »  par certains candidats dans ce début de campagne. Alors que la crise sanitaire a « montré que la Nation a besoin de nos territoires et inversement ».

Pour une cour d'équité territoriale

Cette harangue offre aux élus l'occasion de remettre en avant le projet d'une cour d'équité territoriale. « Il est grand temps que notre pays se dote de cet outil de mesures des inégalités territoriales qui fracturent la promesse républicaine », soutient Philippe Rio, maire de Grigny.

Cette cour « pourrait être saisie lorsque les moyens sont insuffisamment déployés, lorsqu’un constat de carence est établi, ou lorsque des effets utiles ne sont pas au rendez-vous des mesures engagées », est-il écrit dans le document. Et son intérêt ne se limite pas aux seuls quartiers insiste Philippe Rio. « On pense aussi aux territoires ruraux délaissés, à l'outre-mer, aux territoires en reconversion industrielle ». 

Parce que « l'idée reçue reste que beaucoup d’argent est versée dans nos quartiers avec peu de résultats », les élus disent chiche : « Que l’on objective les choses ! », demande Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin.

Car « si on s'intéresse au parcours des habitants, on constate qu’ils vont mieux et que près d'un tiers quittent les quartiers populaires. Alors, oui, les financements de la politique de la ville sont utiles à changer la vie. Est-ce que ces mêmes financements changent structurellement les villes ? C’est une autre question. Notre constat c'est encore que trop souvent, ces financements viennent en substitution de ceux du droit commun ».

Vice président de la communauté d'agglomération d'Evreux, chargé de la Politique de la ville, Driss Ettazaoui, illustre ce décalage avec le déploiement des maisons France services, qui ne fait que « cacher le retrait d’une offre de service du droit commun ». Sur sa ville, « la CAF et la Sécu sont parties », « on finance France Services pour pallier leur départ, très bien mais ce sont des financements "politique de la ville". Cela ne remplacera jamais le droit commun ». 

(1) La Contribution commune à l’attention des candidats à l’élection présidentielle 2022 pour un pacte de confiance durable entre l’État et nos collectivités, co-produite par six associations de communes et intercommunalités dont l’Association des Maires de France (AMF).

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