Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 25 avril 2002
Élection présidentielle

Les sondages favorisent-ils l'abstention ?

Les instituts de sondages, accusés depuis dimanche de ne pas avoir prévu que Lionel Jospin serait éliminé du second tour, sont maintenant suspectés de démobiliser les électeurs en annonçant des scores trop élevés pour Jacques Chirac. Selon trois sondages publiés dimanche soir, Jacques Chirac recueillerait de 77 à 80 % des suffrages le 5 mai, contre 20 à 23 % pour Jean-Marie Le Pen. Aucun autre sondage n'a été publié depuis sur les intentions de vote des Français au second tour, mais Jean-Luc Parodi (IFOP) considérait dès dimanche soir que ces pourcentages étaient "aberrants" et surestimaient le score de Jacques Chirac. En tout cas, alertés par ces chiffres, des étudiants de Sciences-Po Paris ont demandé aux instituts de sondage de suspendre la publication de leurs enquêtes jusqu'au 5 mai, de manière à ne pas favoriser l'abstention. Ils seraient ainsi, selon leur professeur Dominique Reynié, un millier à avoir signé une pétition intitulée "Ne répétons pas l'erreur du premier tour, ne nous abstenons pas". Ils y soulignent que la "publication de résultats promettant une large victoire du candidat de la démocratie Jacques Chirac" pourrait "rassurer les électeurs" et les conduire à bouder les urnes. Cet "appel" a été diversement accueilli par les sondeurs. Jérôme Sainte-Marie (BVA) est d'accord sur ce moratoire, mais à condition que tous les instituts soient d'accord, ce qui n'est pas le cas. Dans un communiqué publié mardi, il reconnaît que "les sondages n'étant pas sans influence sur les commentaires de la vie politique comme sans doute sur le comportement des électeurs, la profession est confrontée à un sentiment réel d'insatisfaction". A la SOFRES, Philippe Méchet indique qu'il existe "un débat interne" sur le sujet, en reconnaissant qu'"on ne peut pas ignorer les effets" éventuels des sondages sur les comportements de vote des Français. Stéphane Rozès (CSA) comprend en tant que citoyen l'initiative des étudiants de Science Po, mais "ne peut pas entrer dans ces considérations en tant que professionnel". Pour lui, ce moratoire pourrait laisser croire que "nous sommes capables d'anticiper ou de maîtriser les effets des sondages sur l'électorat, ce qui est heureusement faux". Laurence Parisot et Jean-Luc Parodi, respectivement PDG et conseiller pour les études politiques de l'IFOP, sont tout à fait opposés au moratoire. "C'est comme si on voulait casser le thermomètre", lance Jean-Luc Parodi. "Il n'y a aucune raison de s'interdire de publier des sondages sur les intentions de vote", estime, quant à elle, Laurence Parisot. Pierre Giacometti (IPSOS) ne trouve "pas acceptable ce genre de pressions" et parle, à propos de la censure des sondages, de "piège absolu". Quant à François Miquet-Marty (Louis Harris), il trouve plutôt "choquante" et "mal venue" une telle demande. "Attribuer, explique-t-il, aux intentions de vote une responsabilité majeure est excessif et à la limite de l'honnêteté." <sc

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