Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 21 janvier 2025
Égalité femmes-hommes

Égalité femmes-hommes : en 2024, le sexisme persiste et divise la société

Le Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a dévoilé hier son rapport annuel sur l'état du sexisme en France. Les inégalités persistent mais surtout, les auteurs du rapport observent l'émergence d'une forte polarisation sociale autour de ce sujet.

Par Lucile Bonnin

Le caractère inégalitaire des rapports entre les femmes et les hommes est aujourd’hui largement reconnu, que cela soit dans la sphère politique, dans les médias ou encore dans le débat public. Si ce modèle est en grande partie décrié et dénoncé, des contre-discours se font entendre et deviennent de plus en plus visibles. 

En 2024, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) avait déjà mené une campagne de communication choc alertant sur le fait que les discours sexistes banalisant les violences sexuelles et conjugales prenaient de l'importance et représentaient un vrai danger du fait de leur large diffusion sur internet. 

Une année plus tard, le HCE observe que l’année qui vient de passer a marqué un tournant dans la polarisation des opinions sur « les enjeux d’égalité, les débats sur le genre et l’égalité, [et] les droits des minorités » . Une dynamique inquiétante qui participe à invisibiliser les inégalités qui persistent entre les femmes et les hommes, l’atteinte aux droits fondamentaux des femmes et les violences sexistes et sexuelles.

Une société de plus en plus « polarisée » 

Le HCE observe que les lignes de clivage sont « de plus en plus assumées quant aux enjeux d’égalité femmes / hommes ». « Il n’est évidemment pas question de "guerre des sexes" puisque de nombreuses données viennent contredire cette idée »  mais on peut observer « cependant entre 5 et 20 points d’écart de perception entre les hommes et les femmes dans beaucoup de domaines du quotidien. »  Le sexisme n'est donc pas perçu de la même manière de part et d'autre. 

Le HCE rappelle que de nombreuses affaires de violences sexistes et sexuelles ont marqué l’année 2024 notamment le procès fortement médiatisé de Dominique Pélicot, et de 50 autres hommes accusés d’avoir violé Gisèle Pelicot. Cet évènement médiatique a cristallisé cette polarisation avec d’un côté 59 % de Français qui « considèrent que les accusés sont des cas particuliers qu’il ne faut pas confondre avec la majorité des hommes »  ; de l’autre, « pour deux tiers des Français, l’affaire de Mazan illustre le fait qu’en matière de violences sexistes et sexuelles, tous les hommes portent une part de responsabilité »  (74 % de cette part sont des femmes et 56 % des hommes). Soulignons que ces désaccords préexistaient certainement et que la résurgence de la thématique de l’égalité dans le débat public a mis au jour cette réalité. 

Par ailleurs, l’année 2024 a été marquée par le fait que les discours sexistes et masculinistes ont gagné en visibilité, notamment dans les médias et les discours politiques. C’est notamment sur la montée du masculisme que le HCE alerte. Pour rappel, le masculinisme est une « idéologie prétendant que les hommes souffrent d’une crise identitaire parce que les femmes en général, et les féministes en particulier, domineraient la société et ses institutions » 

La jeunesse est particulièrement exposée à ces discours notamment sur les réseaux sociaux. Le HCE s’inquiète du fait que 94 % des femmes de 15 à 24 ans estiment qu’il est plus difficile d’être une femme aujourd’hui, soit 14 points de plus qu’en 2023, quand seulement 67 % des hommes de 15-24 ans le pensent (+ 8 %). « Pire, 13 % des hommes pensent qu’il est plus difficile d’être un homme qu’une femme », peut-on lire dans le rapport. 

Éducation, congé paternité, pouvoirs publics 

Le Haut Conseil à l’Égalité fait apparaitre dans son rapport qu’il est impératif d’adopter un programme d’éducation à l’égalité adapté à toutes les classes d’âge, « pour sensibiliser les enfants et les adolescents à la connaissance de leur corps, le respect du corps de l’autre, comprendre et nommer leurs émotions, déconstruire les stéréotypes et les normes sociales inégalitaires, prévenir les violences sexistes et sexuelles, et transmettre les connaissances sur la santé sexuelle, a fortiori dans un contexte de connaissance des chiffres des violences sexuelles faites aux enfants » . Au total, 9 Français sur 10 sont favorables à la mise en place d’un tel programme. 

Rappelons qu’un projet de programme d’éducation à la sexualité est dans les tiroirs et avait été présenté en novembre dernier par l’ex-ministre de l'Éducation nationale Anne Genetet (lire Maire info du 28 novembre). Le texte est prêt, a assuré la nouvelle ministre de l'Éducation Élisabeth Borne et sera présenté devant le Conseil supérieur de l'Éducation (CSE) d'ici à la fin du mois de janvier. Là aussi le sujet divise : le HCE dénonce la levée de boucliers d’organisations familiales conservatrices qui agitent les peurs parentales à la veille de l’adoption de ce projet. 

Le rapport met également en avant la question du congé paternité/parental. « Lorsqu’on sait à quel point la parentalité est un puissant facteur d’inégalités professionnelles, l’instauration d’un service public de la petite enfance est une piste particulièrement privilégiée par les Français, qui y sont à 79 % favorables », pointe les auteurs du rapport. « À ce titre, l’échelle locale (communes et intercommunalités) paraît particulièrement pertinente pour établir un constat sur l’offre et la demande et pour améliorer l’appariement au sein de chaque territoire. De même, un congé paternité obligatoire, allongé et concomitant au congé maternité de 16 semaines est plébiscité par 71 % des Français. » 

Il faut souligner que de plus en plus de collectivités, dont des communes, prennent des initiatives en allongeant par exemple le congé paternité qui est d’ailleurs passé de 11 jours à 25 il y a peu. C’est le cas par exemple de la mairie de Poitiers qui a décidé d’aligner le congé paternité au congé maternité pour ses agents. (lire Maire info du 8 mars 2023

Finalement, « le regard porté sur l’action des pouvoirs publics est critique »  puisque « moins d’un tiers des Français (et un quart des femmes) estiment qu’ils font ce qu’il faut pour lutter contre le sexisme. »  L’une des critiques principales réside dans le fait que les lois et sanctions existantes ne les protègent pas suffisamment (67 %). « Dans ce contexte de défiance » , les femmes se tournent davantage vers les associations spécialisées (75 %). 

Le HCE annonce qu’il s’intéressera « ces prochaines années »  au degré de confiance de l’opinion envers les collectivités territoriales « qui ont aussi un rôle à jouer », « de nombreuses politiques étant décentralisées comme le développement économique ou la cohésion sociale ».

Consulter le rapport du HCE. 

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