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Édition du vendredi 7 mai 2021
Ecole

Le ministère de l'Éducation nationale proscrit l'écriture inclusive dans l'enseignement

À l'époque où il était Premier ministre, Édouard Philippe avait demandé que l'écriture dite « inclusive » ne soit pas utilisée dans les textes officiels. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, vient de faire de même pour la sphère de l'enseignement.

Par Franck Lemarc

Tou·te·s les ministres concerné·e·s semblent d’accord : iels estiment que les enseignant·e·s et professeur·e·s des écoles ne doivent pas utiliser l’écriture inclusive.
Voilà comment débuterait cet article si l’écriture dite inclusive (ou épicène) était généralisée. C’est précisément ce que ne souhaite pas le ministère de l’Éducation nationale, comme l’a rappelé le ministre dans une circulaire publiée avant-hier. 
Déjà en novembre 2017, le Premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, avait diffusé une circulaire – publiée au Journal officiel – enjoignant « les administrations relevant de l'État [à] se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d'intelligibilité et de clarté de la norme ». Tout en exigeant que les documents officiels soient respectueux de la volonté du gouvernement d’aller vers « une égalité réelle »  entre hommes et femmes, notamment en féminisant systématiquement les noms de fonction, le Premier ministre refusait donc l’usage de l’écriture inclusive. 

De quoi parle-t-on ?

Rappelons que l’écriture inclusive consiste à faire évoluer les règles de syntaxe pour mettre fin à la supériorité orthographique du masculin. Il s’agit notamment de mentionner systématiquement les deux genres (en écrivant « les électeurs et les électrices iront voter le 20 juin »  plutôt que « les électeurs iront voter le 20 juin » ). Mais aussi de remplacer les règles d’accord, qui veulent que le masculin l’emporte toujours : la grammaire, en l’état actuel des choses, suppose en effet que l’on écrive : « 1500 femmes et un homme étaient présents ». L’écriture inclusive propose plusieurs règles de remplacement : certaines fondées sur le bon sens, qui justifierait que, dans la phrase que nous venons de citer, le féminin l’emporte ; ou encore une règle dite de « proximité »  – l’accord se ferait alors avec le sujet le plus proche, et l’on écrirait par exemple : « Les footballeurs et la ministre se sont rendues ensemble au stade ». 
Ces règles n’ont évidemment rien d’absurde, et leur but est louable. Mais le sujet qui fait le plus polémique est celui du « point médian », un signe typographique (·) que les tenants de l’écriture inclusive souhaitent rendre obligatoire pour mettre chaque mot à la fois au féminin et au masculin lorsqu’il y a pluralité des genres. On écrirait alors « spectacteur·trice·s », « électeur·e·s », « député·e·s ». C’est sur ce point que le ministre de l’Éducation nationale, comme l’ancien Premier ministre avant lui, se montre intraitable. 

Les arguments du ministère

Jean-Michel Blanquer demande aux enseignants de « se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques de rigueur ». D’abord, parce que « l'adoption de certaines règles relevant de l'écriture inclusive modifie le respect des règles d'accords usuels attendues dans le cadre des programmes d'enseignement » : autrement dit, il est difficile d’enseigner les règles – parfois complexes – de l’accord si l’on autorise l’usage d’autres règles qui les bouleversent. 
Mais surtout, pour ce qui concerne l’usage du point médian, celui-ci a pour inconvénient de fractionner les mots, ce qui « constitue un obstacle à la lecture et à la compréhension de l'écrit. L'impossibilité de transcrire à l'oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture à voix haute comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages, notamment des plus jeunes. »  Enfin, le ministre relève que « contrairement à ce que pourrait suggérer l'adjectif ‘’inclusive’’ », cette forme d’écriture serait plutôt « exlusive », puisqu’elle « constitue un obstacle pour l'accès à la langue d'enfants confrontés à certains handicaps ou troubles des apprentissages ». 

Féminiser, autant que faire se peut

Le ministre demande néanmoins que dans le cadre de l’enseignement comme dans les documents administratifs, toute sa place soit donnée au féminin. En particulier, « l'intitulé des fonctions tenues par une femme doit être systématiquement féminisé ». Dans le cadre des enseignements, « le choix des exemples ou des énoncés en situation d'enseignement doit respecter l'égalité entre les filles et les garçons, tant par la féminisation des termes que par la lutte contre les représentations stéréotypées ». 
Il est en effet d’usage, aujourd’hui, ou bien de féminiser les noms qui peuvent l’être, ou bien, pour le moins, de mettre l’article « la »  devant un nom « épicène », c’est-à-dire qui s’écrit de la même façon au masculin et au féminin (« ministre » ). C’est ainsi qu’il y a quelques mois, un député a même été sanctionné d’une amende pour avoir, en séance, obstinément refusé – y compris après avertissement du président – de dire autre chose que « madame le ministre ». 
Il convient également de dire et d’écrire « la maire », et d’éviter à tout prix les formules du type « madame le président de la communauté de… ». 
Rappelons que le gouvernement recommande, pour y voir clair dans ces questions, de se rapporter au très intéressant guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, de grades et de fonctions, édité en 1999 par une mission mandatée par Lionel Jospin, et joliment intitulé Femme, j’écris ton nom

Accéder à la circulaire du ministre de l’Éducation nationale.

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