Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 30 mars 2023
Eau et assainissement

Les pénuries d'eau potable, nouveau casse-tête des maires

À trois mois de l'été, alors que l'approvisionnement en eau potable s'annonce encore plus compliqué qu'en 2022 en raison d'une sécheresse hivernale exceptionnelle, les maires tentent d'éviter les pénuries et de prévenir les conflits d'usage, dont Sainte-Soline (Deux-Sèvres) a révélé le potentiel explosif.

Par Hélène Duvigneau (AFP)

Avec 117 communes privées d’eau potable en août dernier, 24 départements en vigilance ou faisant l’objet de restrictions fin mars, et 80 % des nappes phréatiques sous les normales, l’heure est à la mobilisation. 

Dans le Massif central, région pourtant considérée comme le château d’eau de la France, l’image de communes ravitaillées par camions-citernes a aussi particulièrement marqué les esprits cet hiver.

Compétence historique des communes, la distribution d’eau potable doit être cédée aux intercommunalités d’ici 2026.

Une « abstraction »  devenue réalité

« Jusqu’à l’été dernier, le changement climatique était une abstraction. Là, il tape à la porte et les maires sont un peu désemparés », confie Jean-Claude Pons, maire de Luc-sur-Aude (Aude), 244 habitants. Plutôt que de vouloir à tout prix mobiliser « une ressource qui n’existe pas », cet agriculteur à la retraite préconise un « changement de paradigme »  et travaille à une tarification de l’eau qui pénaliserait les usages au-delà de 150 litres par jour et par personne. « L’idée est d’inciter à une consommation responsable, notamment pour les loisirs », précise l’élu, par ailleurs opposé à la délivrance de permis de construire pour des piscines privées « qui consomment 70 % à 80 % de leur volume en évaporation ».

À horizon lointain, Jean-Claude Pons réfléchit à la meilleure façon de « ralentir l’écoulement de l’eau »  lors de précipitations torrentielles pour qu’elle « réimbibe les nappes phréatiques ». Mini-barrages, couverture des sols « pour qu’ils se comportent comme des éponges », revêtements des voiries plus perméables... Les solutions ne manquent pas, selon lui.

À l’inverse, certains élus se sentent « complètement démunis »  et ignorent encore comment « faire boire les gens cet été », rapporte Sébastien Gouttebel, maire de Murol (Puy-de-Dôme). « On travaille sur la qualité des réseaux en réparant les fuites, mais on a déjà une ressource à sec au mois de mars », constate-t-il.

« Révolution des pratiques » 

Face à la sécheresse, beaucoup de maires n’hésitent plus à laisser jaunir leurs stades et sont très demandeurs d’espèces végétales résistantes à la chaleur. Mais d’autres mesures font davantage grincer des dents, comme le gel des autorisations de permis de construire dans certaines communes du Var ou de l’Ardèche, de peur de ne pouvoir fournir les nouveaux arrivants (lire Maire info du 27 février). 

Trouver de nouveaux captages est parfois devenu indispensable pour éviter les coupures, comme en zone montagneuse. « On s’est aperçu que beaucoup de sources »  à flanc de montagne avaient « nettement diminué, voire tari », observe Bernard Montorier, hydrogéologue en Haute-Loire, qui voit croître les demandes de recherches géologiques venant de petites communes. 

Dans les zones rurales, où l’eau consommée par l’agriculture pèse fortement sur les réseaux publics, le partage de la ressource est au coeur des préoccupations, certains maires appelant de leurs voeux « une révolution des pratiques », notamment pour améliorer l’utilisation des eaux usées traitées. « Est-ce qu’on a besoin d’eau parfaitement potable pour nettoyer la voirie, arroser les champs, éteindre un feu ou alimenter les toilettes des écoles ? », demande Fanny Lacroix, maire de Châtel-en-Trièves (Isère).

Interrogée sur l’accompagnement des collectivités, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) explique travailler sur des plans d’action à court, moyen et long terme. « Avant les crises, il faut recenser les ressources les plus vulnérables, prévoir des seuils d’alerte, identifier les usagers susceptibles de réduire fortement leur consommation et dresser une liste de transporteurs disposant de camions-citernes alimentaires », résume Régis Taisne, chef du département Cycle de l’eau à la FNCCR. 

La chasse aux fuites, qui touche environ 20 % des canalisations, et l’incitation à une plus grande sobriété des usages sont des actions préconisées « en permanence ». « À moyen terme, les maires doivent absolument connaître l’état actuel et futur de leurs ressources et de leurs besoins pour pouvoir agir », souligne Régis Taisne.

Parmi les solutions souvent recherchées par les élus, l’installation de canalisations d’une commune à l’autre pour permettre aux plus riches en eau d’approvisionner leurs voisines plus démunies.

« Il y a de plus en plus de tensions qui viennent de ce qu’on a cumulé les prélèvements de chacun sans s’inquiéter de la ressource disponible », analyse Thomas Pelte, chef de service à l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse. « On peut s’équiper pour trouver plus de ressources mais si on n’est pas plus sobres dans nos usages, on restera très exposés au changement climatique », poursuit-il, en prenant l’exemple de retenues d’eau « qui ne se remplissent plus ».

C’est aujourd’hui, à Savines-le-Lac, dans les Hautes-Alpes, qu’Emmnanuel Macron va presenter le Plan eau concocté par le gouvernement pour faire face aux risques de plus en plus fréquents de sécheresse. 

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