Emmanuel Macron enterre le SNU et veut rétablir un service militaire de 10 mois au volontariat
Par Franck Lemarc

Le lieu n’était pas choisi au hasard : c’est à Varces, dans le Vercors, que le chef de l’État a fait ses annonces sur le rétablissement du service militaire – dans un lieu symbolique des combats de la Résistance contre l’occupation nazie. Emmanuel Macron, dans ce lieu, a pu évoquer « la chaîne » qui relie « les volontaires de l’An II aux maquisards des Glières et du Vercors », voulant inscrire sa décision dans « la grande tradition française de l’engagement ».
Les annonces du chef de l’État ne relèvent, évidemment, d’aucune improvisation : elles étaient mûrement préparées et tout était prêt. À peine le discours prononcé, le ministère des Armées a ouvert une page très détaillée consacrée au nouveau service national, répondant à toute question que pourraient se poser les candidats.
Pas d’opérations extérieures
La première chose à retenir du discours du chef de l’État est l’enterrement du Service national universel (SNU). Ce service à vocation plus civique que militaire était l’un des projets qui tenaient le plus au cœur d’Emmanuel Macron, et il s’est révélé être un échec. Malgré d’innombrables promesses de « généralisation », le SNU n’a jamais rencontré le succès escompté et n’est jamais devenu général ni obligatoire. Mais le président de la République s’est bien gardé d’évoquer un échec : il a expliqué, hier, que le SNU n’était plus adapté « à l’accélération des crises et au durcissement des menaces ». Ce qui le conduit à « proposer aujourd’hui un service national purement militaire ».
Le chef de l’État a insisté sur deux points : ce service national sera strictement volontaire, pour l’instant du moins – car si les menaces s’aggravent, le Parlement pourra autoriser l’intégration obligatoire d’un certain nombre de jeunes. Par ailleurs, les jeunes qui seront incorporés dans ce service ne pourront en aucun cas participer à des opérations extérieures : « Ils serviront sur le territoire national et uniquement sur le territoire national ». Une façon, pour le chef de l’État, de répondre aux inquiétudes suscitées par le discours du général Mandon au congrès de l’AMF.
10 mois et 800 euros de solde
Pour ce qui concerne les conditions matérielles, ce service national durera 10 mois, dans les conditions qui étaient celles du service militaire d’avant 1997 : vie en caserne, hébergement, alimentation et équipement pris en charge par l’armée. Le site du ministère précise également que les jeunes auront droit à la carte militaire de la SNCF qui donne droit à 75 % de réduction. La solde sera de « 800 euros brut ».
Le service commencera par un mois de classes, appelées « formation initiale » par le chef de l’État, où ils apprendront « les rudiments de la vie militaire ». Ils seront ensuite affectés pour neuf mois « au sein d'une unité militaire, où ils effectueront les mêmes missions que l’armée d’actifs sur le territoire national ». Selon le site du ministère, ils pourront être affectés dans l’une des trois armées (terre, air et marine, mais dans ce dernier cas, uniquement pour des postes à terre), ou dans l’un ou l’autre des services logistiques : service de santé des armées, direction générale de l’armement, service d’infrastructure de la défense, etc.
Il va donc falloir loger ces jeunes, qui devraient, si les plans du chef de l’État se réalisent, être au nombre de 50 000 par an à partir de 2035. Ce qui suppose, a-t-il détaillé, de commencer « dès maintenant à construire des hébergements, des infrastructures pour que les jeunes soient accueillis correctement dans les garnisons ». Depuis la suppression du service militaire par Jacques Chirac en effet, d’innombrables casernes ont été fermées, et l’armée n’est pas en mesure, aujourd’hui, d’accueillir plusieurs dizaines de milliers de jeunes à l’année.
Recrutement
Le service national devrait débuter dès la rentrée prochaine (septembre 2026), avec une cohorte de « 3 000 volontaires » qui seront sélectionnés sur candidature. Dès le mois de janvier, les jeunes pourront se porter candidats sur les sites de recrutement des armées, en se rendant dans un Cirfa (centre d'information et de recrutement des forces armées) ou en appelant un « numéro vert », pas encore diffusé.
Dès l’année suivante, les modalités évolueront : la candidature se fera à l’occasion de la journée de mobilisation, effectuée pendant l’année scolaire de première. Pendant cette journée, les jeunes « pourront exprimer leur intérêt pour le service national en complétant un questionnaire détaillé destiné à mieux identifier leurs compétences et appétences », est-il expliqué sur le site du ministère. Après avoir confirmé leur candidature, ils feront l’objet d’un processus de sélection, incluant une enquête de sécurité. Puis ils recevront, ou pas, une confirmation « avant le 31 mars de l’année d’incorporation » (le service national ne pourra être effectué avant 18 ans).
Lors de cette journée de mobilisation, certains jeunes pourront être « repérés » du fait de compétences particulières. Ce sont ces jeunes qui, « en cas de crise majeure », pourraient être appelés à participer, de façon obligatoire cette fois, au service national.
Un petit détail : la loi
Voilà pour les contours de ce nouveau service militaire, dont le chef de l’État a parlé au futur, comme si sa mise en place était déjà actée – l’ouverture du site du ministère de l’Armée consacrée à cette question allant dans le même sens.
Seul petit détail : il faudra tout de même une loi pour rendre possible ce service national. Pour l’instant, la dernière loi en vigueur à ce sujet est celle du 28 octobre 1997, qui dispose que « l'appel sous les drapeaux est suspendu pour tous les Français qui sont nés après le 31 décembre 1978 et ceux qui sont rattachés aux mêmes classes de recensement », et qu’il peut être « rétabli à tout moment par la loi dès lors que les conditions de la défense de la Nation l'exigent ».
Si l’on était dans une situation classique de la Ve République, où le chef de l’État et son gouvernement disposerait d’une majorité confortable au Parlement, les choses seraient assez simples. Voire en cas de cohabitation – à condition que le président de la République et son opposition soient d’accord. C’est ce qui s’est produit en 1997, où le président Chirac et « la gauche plurielle » menée par Lionel Jospin étaient d’accord pour supprimer le service militaire obligatoire.
Qu’en sera-t-il, dans la situation politique chaotique actuelle ? Le président fait le pari qu’il trouvera une majorité à l’Assemblée nationale sur ce sujet – ce qui ne paraît pas aberrant, dans la mesure où le Rassemblement national, les Républicains et La France insoumise sont, sur le principe, favorables à l’idée. Mais en revanche, les conditions et modalités pourraient évoluer lors de la discussion parlementaire. On sait que le RN est favorable au retour du service militaire obligatoire pour tous ; tandis que LFI, de son côté, estime déjà que la formule choisie par le chef de l’État ne sera pas suffisante, du point de vue des effectifs.
Un autre problème majeur va se poser : celui des finances. Le chef de l’État a évoqué un budget, en année pleine, qui s’élèverait à plus de 2 milliards d’euros. Bien sûr, cette somme ne sera pas nécessaire dès l’an prochain où seulement 3 000 jeunes seront recrutés. Mais cela aura quand même un coût – sans compter celui des travaux de construction qu’Emmanuel Macron souhaite débuter « dès maintenant ». Avec quel argent ? Il faut bien que ces dépenses figurent quelque part dans le projet de loi de finances pour 2026 – le gouvernement va-t-il proposer des amendements en ce sens ?
Il faut donc maintenant attendre le projet de loi qui devrait être présenté… Mais débattu quand ? Le gouvernement s’avance peut-être un peu quand il annonce que les candidatures pourront être déposées dès janvier prochain – on ne voit pas comment cela pourrait être possible en l’absence de toute loi. Et le calendrier parlementaire est, pour l’instant, bouché au moins jusqu’à la fin de l’année. Le gouvernement va devoir donner quelques précisions…
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