Collecte textile : le cri d'alarme du Relais, menacé de « mourir » avant la fin de l'année
Par Franck Lemarc
Plusieurs actions d’éclat ont été menées par Le Relais, Emmaüs et d’autres structures qui collectent et trient les textiles usagés, mardi 15 juillet, pour tenter d’alerter l’opinion publique sur la crise profonde que traverse le secteur. Des tonnes de vêtements usagés ont été déposées sur les parkings des enseignes de grande distribution, notamment Kiabi et Décathlon.
Le Relais, entreprise d’économie sociale et solidaire qui emploie quelque 3 000 salariés, a par ailleurs fait savoir qu’elle suspendait la collecte pour une durée indéterminée, ce qui a conduit de nombreux maires à communiquer pour demander aux habitants de ne plus déposer de vêtements dans les bornes.
Crise internationale
Le secteur fait face à une crise qui se déroule à l’échelle internationale, et qui découle de plusieurs facteurs. L’explosion de la « fast fashion » et de « l’ultra fast fashion » en font partie : de plus en plus de consommateurs achètent des vêtements à très bas prix et s’en débarrassent rapidement, parfois après les avoir portés une fois, ce qui provoque un afflux de textiles usagés de plus en plus difficile à gérer. Ces vêtements sont, de plus, d’une qualité médiocre, ce qui les rend plus difficiles à recycler.
Par ailleurs, le marché international de la seconde main a fortement ralenti : les pays d’Afrique, principal marché pour la revente de vêtements d’occasion, ont diminué leurs achats venus d’Europe, d’une part parce qu’ils se tournent, eux aussi, vers les produits venus d’Asie, et d’autre part parce que la crise économique mondiale conduit à une baisse de pouvoir d’achat des habitants de ces pays. Les débouchés sont donc de plus en plus réduits.
Face à ces difficultés, Le Relais et les autres opérateurs sont donc soumis à des coûts de plus en plus élevés pour la collecte et le stockage, avec moins de débouchés. D’autant, comme l’explique à Maire info Emmanuel Pilloy, président du Relais, qu’ils ne sont soutenus par l’éco-organisme « que sur le tri, mais ni sur la collecte ni sur le recyclage ».
Une « réserve » pointée du doigt
D’où la colère des opérateurs contre l’éco-organisme Re-Fashion – les metteurs en marché – et son refus de réévaluer son soutien, actuellement de 156 euros la tonne. « Depuis des mois, explique Emmanuel Pilloy, on dit qu’on ne va pas tenir. Nous avons échangé avec les ministres de la Transition écologique et de l’Économie, et les services de Bercy eux-mêmes ont calculé qu’il fallait passer à 304 euros la tonne ! » . Mais pour l’instant, les choses bougent peu : Re-Fashion a proposé à titre « d’aide d’urgence » de revaloriser son soutien à 192 euros la tonne. Insuffisant, pour les opérateurs : plusieurs d’entre eux – en Dordogne et dans le Finistère notamment – ont déjà déposé leur bilan. Quant au Relais, il craint tout simplement de « mourir » avant la fin de l’année, redoute son président.
« Et pourtant, l’argent existe ! » , tonne Emmanuel Pilloy, qui rappelle que l’éco-organisme prélève 3 centimes par article vendu, et que 3,5 milliards d’articles sont vendus chaque année, ce qui signifie que la taxe rapporte plus de 100 millions par an à l’éco-organisme. Les opérateurs en reçoivent « 33 millions », constate Emmanuel Pilloy, le reste étant « mis en banque ». « Sur les 3 centimes prélevés par Re-Fashion » au titre de la REP, celui-ci « en redistribue 0,8. Nous demandons de passer à 1,25 tout de suite » .
Le Relais estime que Re-Fashion dispose d’une trésorerie de « 200 millions d’euros » , ce qui lui permettrait d’augmenter immédiatement le prix à la tonne.
Appel « au calme »
Du côté de l’éco-organisme, on ne reconnaît pas ces chiffres : dans un communiqué de presse publié avant-hier, Re-Fashion se défend d’avoir une « trésorerie dormante ou détournée » : la trésorerie disponible, explique l’éco-organisme, est fléchée pour « sécuriser les soutiens pluriannuels, accompagner l’évolution des modèles vers plus de recyclage et mettre en œuvre les exigences du cahier des charges » . Il rappelle également que sa gestion est « encadrée, auditée et validée » par les pouvoirs publics, notamment par un censeur d'État, et que ses comptes ont été « certifiés sans réserve ».
Re-Fashion, dans son communiqué, « appelle au calme » et dénonce les actions de protestation entreprises comme « illégales » . Mais face au danger pour une structure comme Le Relais de déposer le bilan et de devoir licencier 3 000 salariés, les appels au « calme » semblent difficilement entendables.
Côté gouvernement, la ministre Agnès Pannier-Runacher a promis une « remise à plat » du cahier des charges de la filière pour 2026. « Mais si on est morts en 2026, cela sert à quoi ? », demande, sombre, Emmanuel Tilloy.
Il reste donc à espérer que le gouvernement intervienne très vite, d’une part pour imposer que soit donnée une bouffée d’oxygène aux opérateurs « asphyxiés » , et, d’autre part, parce que l’arrêt de la collecte va retomber sur les maires : les bornes étant saturées et n’étant plus collectées, il y a un risque important de voir se multiplier les dépôts sauvages au pied de celles-ci – même si certains maires demandent déjà aux habitants de garder leurs vêtements usagés chez eux.
Une intervention de l’État semble donc indispensable, pour sauver d’une façon ou d’une autre une filière « vertueuse » et qui a fait, au fil des années, la preuve de son efficacité aussi bien d’un point de vue environnemental que social.
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