Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 24 avril 2023
Énergies renouvelables

Développement des énergies renouvelables : le point sur les « zones d'accélération » créées par la loi du 10 mars 2023

Spécialisé en droit de l'environnement, le cabinet d'avocats Gossement a organisé le 19 avril un webinaire sur la notion de « zone d'accélération pour l'implantation d'installations terrestres de production d'énergies renouvelables », issue de la loi dite « EnR » du 10 mars 2023. Un ovni juridique à la procédure complexe, sans équivalent au niveau européen, mais qui garantit aux maires d'avoir leur mot à dire.

Par Caroline Reinhart

Passée de 6 à 116 articles, la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (EnR) est un texte dense et complexe, qui renvoie à de nombreux textes d’application. Comme souvent, et contrairement à l’ambition du texte, la simplification n’est pas tout à fait au rendez-vous. Pour Emma Babin, avocate en droit de l'environnement et de l'énergie, il s’agit d’abord d’une « loi de canalisation »  de la production d’EnR, mais aussi, d’une « loi de décentralisation » , qui donne un rôle prépondérant aux communes, dont l’avis conforme est toujours requis.

Six principes, sept étapes

Absente du projet de loi initial, la création des zones d’accélération du développement des EnR terrestres, fruit des débats parlementaires, est une mesure centrale du texte. Pour être mises en place, ces zones doivent respecter une série de principes, à la fois flous et très exigeants (art. 15 de la loi). Elles doivent d’abord présenter un potentiel « permettant d’accélérer la production d’EnR, et à terme, atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) » . Elles doivent aussi « contribuer à la solidarité entre les territoires, à la sécurisation de l’approvisionnement et à la réduction de la dépendance aux importations » . Par ailleurs, ces zones doivent être définies « dans l’objectif de garantir la protection des intérêts des polices de l’eau et des ICPE » , mais aussi, « en tenant compte de la nécessaire diversification des EnR en fonction des potentiels du territoire concerné et de la puissance d’EnR déjà installée » . Elles ne peuvent pas être comprises dans les parcs nationaux et les réserves naturelles, à l’exception des procédés de production en toiture. Lorsqu’elles concernent des éoliennes, elles ne peuvent pas être déployées dans les zones de protection spéciale ou les zones spéciales de conservation des chauves-souris au sein du réseau Natura 2000. Enfin, ces zones doivent contribuer à l’atteinte, à compter du 31 décembre 2027, des objectifs prévus par la PPE.

Au-delà de ces principes, la création de ces zones passe par 7 étapes. D’abord, l’État et les gestionnaires des réseaux publics d’électricité et de gaz doivent mettre à la disposition des élus locaux, dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi – soit, théoriquement, d’ici au 10 mai – certaines informations qui devront être actualisées au moins à chaque révision de la PPE.

Parmi ces informations, figurent les potentiels énergétiques, renouvelables et de récupération mobilisables ; la part déjà prise par chaque EPCI dans le déploiement des EnR ; les capacités d’accueil existantes et « planifiées »  des réseaux publics d’électricité et de gaz naturel sur le territoire ; les objectifs nationaux définis par la PPE. Par ailleurs, l’État peut mettre à disposition un cadastre solaire, identifiant les potentiels de développement de la production d’électricité et de chaleur à partir de l’énergie renouvelable du soleil. 

Deuxième étape : la concertation du public, qui doit « être organisée sur un projet d’identification, selon des modalités déterminées par les communes elles-mêmes » . Vient ensuite la phase de transmission au « référent préfectoral »  et à l’EPCI : les communes ont 6 mois pour envoyer la délibération identifiant les zones d’accélération. À l’issue du délai de 6 mois, un débat se tient au sein de l’organe délibérant de l’EPCI sur la cohérence des zones identifiées avec le projet du territoire. Puis le référent préfectoral arrête la cartographie des zones identifiées, et la transmet pour avis au comité régional de l’énergie (CRE). Il consulte également au sein d’une « conférence territoriale »  les établissements publics qui élaborent le SCoT et les EPCI.

Dernière étape : l’avis du CRE est transmis au référent préfectoral au plus tard 3 mois après la réception de la cartographie des zones. Si l’avis conclut qu’elles sont suffisantes pour l’atteinte des objectifs régionaux, la cartographie est arrêtée par le référent préfectoral – après avoir recueilli l’avis conforme des communes. Dans le cas contraire, le référent préfectoral demande aux communes l’identification de « zones d’accélération complémentaires » . Dans un délai de 3 mois, ces zones sont soumises à un nouvel avis du CRE. Puis, dans les 2 mois, le référent préfectoral arrête la cartographie des zones identifiées à l’échelle de chaque département – toujours après avis conforme des communes.

Il faut néanmoins rappeler que les maires n'ont pas leur mot à dire sur le permis de construire des éoliennes, dont la compétence revient au préfet. 

Délais raccourcis, zones d’exclusion

Si leur création peut paraître laborieuse, les zones d’accélération sont intéressantes pour les porteurs de projet à plusieurs titres. Le projet situé dans la zone peut bénéficier de réduction de délais.

La phase d’examen de la demande d’autorisation environnementale est par exemple réduite à 3 mois, de même que le délai de remise du rapport au commissaire enquêteur passe de 30 à 15 jours.

Dans le cadre de la procédure de mise en concurrence prévue par le Code de l’énergie, il est également possible de prévoir un critère supplémentaire pour les candidats retenus. La possibilité de modulation annuelle du tarif de rachat de l’électricité produite est également prévue par le texte. Par ailleurs, la loi met à la charge du porteur de projet l’obligation de créer, à ses frais, un « comité de projet »  en tant qu’outil de concertation. 

Sur l’articulation du dispositif avec les documents d’urbanisme, Me Florian Ferjoux a précisé que les zones d’accélération – tout comme des zones d’exclusion au sein de ces dernières –, peuvent être délimitées dans les Scot, PLU(i) et cartes communales. Sur proposition ou avis conforme des communes, le Scot peut également définir des secteurs où l’implantation d’installations de production d’EnR est soumise à condition dès lors qu’« elles sont jugées incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité » ; ou bien qu’« elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant. ».

Au final, la création de ces zones est « un pari à double tranchant », qui pourrait être « défavorable aux énergies renouvelables », d’après Me Florian Ferjoux. La carte des zones d’accélération reste indicative, sans être conforme aux zones dites « propices »  au déploiement des énergies renouvelables prévues à l’échelle européenne. C’est pourtant là où se décide l’essentiel en matière environnementale. 

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