Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 3 décembre 2021
Départements

Les départements demandent, à leur tour, un retour à la décentralisation 

Réunie en congrès à Bourg-en-Bresse depuis avant-hier, l'Assemblée des départements de France a publié ses 102 propositions « pour agir mieux au service des Français ». Ces propositions rejoignent en bonne partie celles exprimées par l'AMF au cours de son dernier congrès. 

Par Franck Lemarc

Les Assises des départements réunissent depuis le 1er décembre un millier de congressiste à Bourg-en-Bresse, sous la houlette du président de l’association, François Sauvadet et de Jean Deguerry, président du département hôte, l’Ain. Le congrès sera clôturé, aujourd’hui, par le Premier ministre Jean Castex.

Recentralisation « rampante » 

C’est hier que l’association a dévoilé les 102 propositions qu’elle compte remettre à chaque candidat à l’élection présidentielle. Ces propositions ont été élaborées à partir des travaux des commissions et groupes de travail de l’ADF ainsi que de débats organisés « dans les départements, en interaction avec les citoyens ». Elles s’inspirent, explique l’association, des « bonnes pratiques et des innovations développées localement ». 

Le ressenti des élus départementaux ressemble fort, à lire leurs propositions, à celui des élus de l’AMF réunis en congrès la semaine du 18 novembre : comme eux, ils dénoncent les « injonctions contradictoires de l’État », « le sentiment d’être empêchés d’agir », une forme de recentralisation « rampante ». C’est donc en très large partie autour de la question des compétences que s’articulent les propositions de l’ADF. 

Chefs de file

Premier sujet évoqué : l’environnement. L’ADF demande de nouveaux moyens d’agir pour les départements dans des domaines tels que le commerce, l’artisanat, le tourisme, l’agriculture et la pêche, la gestion des forêts. Elle souhaite qu’une nouvelle compétence soit créée pour les départements en matière d’énergies renouvelables. Sur l’alimentation, l’ADF demande que les départements deviennent « chefs de file de l’alimentation durable et de proximité »  et qu’ils soient en mesure de coordonner les circuits locaux sur leur territoire. 

Les départements demandent en outre que leur soit confiée « la coordination de la gouvernance de l’eau potable »  et de devenir « pilotes de d’interconnexion des réseaux de distribution d’eau pour éviter les pénuries ». 

Plus largement, pour assurer « une plus grande cohérence des politiques publiques », l’ADF souhaite que les départements soient reconnus comme « chefs de file »  dans plusieurs domaines : la gestion des réseaux, les grands services de prévention (avec une proposition de fusion de la PMI et de la médecine scolaire), la politique familiale, mais aussi l’électromobilité. Ils veulent aussi pouvoir agir main dans la main avec les communes et intercommunalités dans des domaines comme la rénovation énergétique des logements ou « la reconquête des centres bourgs ». 

Pour soutenir les commune et EPCI dans le monde rural, les départements proposent de structurer en leur sein « une offre d’ingénierie locale à destination du bloc communal ».  

Transports et transition numérique

En matière de transports, les départements demandent à récupérer la compétence transport scolaire, qui leur a été retirée par la LOM (loi d’orientation des mobilités). Ils demandent que la route soit « réaffirmée comme compétence socle des départements »  et souhaitent pouvoir établir « des schémas départementaux d’aires de covoiturage et de pistes cyclables ». 

Les départements entendent jouer un rôle central dans la transition numérique, en « garantissant au travers de l’itinérance, l’accès aux communications numériques, toutes technologies confondues, sur tous les territoires et pour tous les publics ». Ils veulent prendre leur part à la « lutte contre l’illectronisme »  et devenir « chefs de file d’une stratégie de territoires intelligents », incluant la question du télétravail, du stockage, de la sécurité numérique et de la valorisation des données.

Service enfance et famille unique

Sur les grandes compétences déjà confiées aux départements, notamment en matière sociale, l’ADF demande que « la pleine responsabilité »  soit enfin donnée aux départements pour faire d’eux « les animateurs d’un grand service public de l’accompagnement de la jeunesse »  et pour renforcer leur rôle de chef de file dans l’accompagnement des familles. Parmi les propositions les plus notables, on retiendra la demande de transfert des personnels de l’action sociale des CAF vers les départements, « pour créer un service territorial unique enfance et famille », ou encore « le transfert de la formation des travailleurs sociaux aux départements ». Les départements veulent aussi que leur soit transférée « l’ensemble de la compétence autonomie »  (personnes âgées et personnes handicapées) et l’ensemble du « bloc social et médico-social »  ; ils souhaitent piloter eux-mêmes les contrats locaux de santé. 

Le « grand service public de l’autonomie »  que l’ADF appelle de ses vœux pourrait être matérialisé par une nouvelle « prestation unique autonomie »  – à créer.

Autonomie financière et différenciation

Enfin, en termes de gouvernance et de finances, l’ADF demande une « révision des lois Notre et Maptam »  pour rendre aux départements « leur capacité d’agir » : l’association demande que la clause de compétence générale des départements soit rétablie « en cas de crise »  et que leur soit confiée « une compétence de principe dans la gestion des grands réseaux territoriaux ». 

Comme l’AMF l’a fait en conclusion de son congrès, l’ADF demande qu’il soit mis fin « aux appels à projets préformatés de l’État, véritables bombes à retardement budgétaire et les remplacer par une vraie contractualisation pluriannuelle »  ; la possibilité d’adapter les normes, le fait d’affirmer « le principe de différenciation et de rendre effective la subsidiarité ».

En matière financière, là encore les propositions de l’ADF sont proches de celles de l’AMF : mettre un terme « définitif »  aux contrats de Cahors, redéfinir la fiscalité locale « en garantissant aux départements une autonomie à hauteur de 50 % de leurs ressources »  au moins, « confier la gestion des fonds de péréquation nationaux aux représentants des collectivités locales ». 

Il reste à savoir ce que le Premier ministre répondra à ces demandes, dans son discours de clôture des Assises de l’ADF. Il y a, cependant, assez peu de chances que le gouvernement se montre plus ouverts aux demandes de décentralisation exprimées par les départements qu’il l’a été face à celles des communes et intercommunalités, exprimés à l’issue du congrès de l’AMF, le 21 novembre. 

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