Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 11 juin 2020
Déconfinement

L'état d'urgence sera levé le 10 juillet

Cette fois, c’est officiel : après le Conseil des ministres, hier, le gouvernement a annoncé qu’il n’entendait pas prolonger l’état d’urgence sanitaire au-delà du 10 juillet. Il se réserve cependant la possibilité, pendant quatre mois, de prendre des mesures exceptionnelles liées à l’épidémie.
   
Double impératif

« Le moment est venu d’ouvrir un nouveau cycle dans la gestion de l’épidémie de covid-19 », mais le pays « n’est pas sorti »  de cette épidémie. C’est le double message que le gouvernement a adressé hier en présentant le projet de loi « organisant la fin de l’état d’urgence sanitaire ». Dans l’exposé des motifs du texte, le Premier ministre rappelle qu’il y avait encore, hier, près de 11 700 personnes hospitalisées pour une infection par coronavirus, dont presque 1000 cas graves nécessitant « des soins lourds de réanimation ». 
Dans ces circonstances, « la reprise des activités qui restent interdites ou encadrées (…) ne peut être que graduée dans le temps ». Le gouvernement souhaite à la fois « tenir compte de l’aspiration collective au rétablissement du droit commun »  et « garder la capacité d’agir rapidement face à une éventuelle dégradation de la situation sanitaire ». 
   
Restriction des libertés
En s’appuyant sur l’avis du Conseil scientifique, le gouvernement estime « qu’une sortie de l’état d’urgence est justifiée », tout en conservant les moyens de pouvoir prendre très rapidement des mesures en cas de reprise, locale ou générale, de l’épidémie.
C’est le but de l’article premier du projet de loi, qui confirme, comme le prévoyait la loi du 11 mai 2020, que l’état d’urgence sanitaire prendra bien fin le 10 juillet. Mais à partir de cette date, et pour une durée de quatre mois, c’est-à-dire jusqu’au 10 novembre, le Premier ministre aurait la possibilité de prendre, par décret, des mesures de restriction des libertés publiques : réglementation ou interdiction « de la circulation des personnes et des véhicules », réglementation de l’accès aux moyens de transport, « fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public »  ou des lieux de réunion, « limitation ou interdiction des rassemblements sur la voie publique ainsi que des réunions de toute nature ». 
 Dans le cas où ces mesures seraient justifiées à l’échelle d’un département seulement, le Premier ministre pourrait habiliter le préfet « à les décider lui-même ». 
 Il s’agit là de mesures tout à fait inédites : une restriction des libertés publiques qui ne serait pas décidée par la loi mais par un simple décret, sans débat au Parlement mais uniquement après « information sans délai »  de celui-ci. Certes, l’état d’urgence lui-même est décidé par le gouvernement sans passer par le Parlement – comme cela a été le cas après les attentats de 2015 ou au début de l’épidémie – mais cela n’est possible que pour une durée de 12 jours. Au-delà, toute prolongation doit être votée par le Parlement. En décembre 2015 encore, le Conseil d’État a répété que la durée de l’état d’urgence ne peut être fixée que « par la loi ».
On se dirige donc certainement vers d’âpres débat au Parlement sur ce texte, qui représente une forme d’habilitation future donnée au gouvernement pour prendre, de son propre chef, des mesures d’état d’urgence… sans état d’urgence. Des constitutionnalistes, comme Dominique Rousseau, se sont déjà inquiétés, depuis plusieurs semaines, sur la prolongation éventuelle de certaines mesures de restriction des libertés, estimant, pour ce dernier, que leur seule justification serait de permettre au gouvernement « de limiter les libertés de manifestation »  dans une situation sociale qui risque de se tendre.
À ce sujet, c’est d’ailleurs aujourd’hui que le Conseil d’État va examiner des requêtes déposées par la Ligue des droits de l’homme, ainsi que plusieurs syndicats dont la CGT, la FSU, le Syndicat de la magistrature et les Syndicat des avocats de France, qui demandent la suspension de l’article 3 du décret du 31 mai. Cet article 3 interdit les rassemblements de plus de 10 personnes sur la voie publique, ce que les requérants estiment être « une atteinte manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ». 
   
Données
Dans un second article du projet de loi, le gouvernement souhaite « prolonger »  la durée de conservation de certaines données à caractère personnel, après avis de la Cnil. Il s’agit des données collectées dans le cadre de l’application Stop-Covid, qui pourraient, si le texte était adopté en l’état, être conservées « pendant une durée supérieure à trois mois ». 
Le projet de loi a été déposé hier à l’Assemblée nationale, sous le régime de la procédure accélérée. Il a aussitôt été renvoyé en commission des lois.

F.L.

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