Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 14 janvier 2022
Déchets

Lutte contre les dépôts sauvages : collaborer entre maires, gendarmes et Parquet

Une table ronde s'est tenue hier au Sénat sur la question sensible des dépôts sauvages de déchets. Une préoccupation quotidienne des maires, exposés parfois à la violence des contrevenants. Des bonnes pratiques ont émergé. 

Par Caroline Reinhart

Formation des élus, pièges photos, journées citoyennes : tous les moyens sont bons, dans le respect de la légalité, pour lutter contre le fléau des dépôts sauvages des déchets. Animée par Françoise Gatel, sénatrice UCI d’Ille-et-Vilaine et présidente de la Délégation aux collectivités et à la décentralisation, la table ronde qui s’est tenue hier a permis de mettre en avant certaines bonnes pratiques, via des témoignages d’élus et de gendarmes, représentés par le général Sylvain Noyau, chef de l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). 

Un million de tonnes de déchets par an

Doublement responsables de ce sujet explosif, les maires sont tenus d’agir au nom de leurs pouvoirs de police administrative générale, mais aussi dans le cadre de leurs pouvoirs de police spéciale en matière d’environnement. En l’absence de mesures prises pour lutter contre ces dépôts, la responsabilité de la commune peut être engagée pour faute lourde. Un fardeau incommensurable pour les maires, de plus en plus exposés à la violence de leurs administrés. 

La mort de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, (Var), à l’été 2019, dans le cadre de ses missions, a été un électrochoc pour tous les élus. Depuis, la situation ne s’est pas améliorée : augmentation exponentielle des dépôts sauvages, comme des agressions à l’égard des élus. Entre 2017 et 2021, les infractions de ce type ont augmenté de 85 %, a relevé le général Sylvain Noyau. Il y aurait ainsi 36 000 décharges à ciel ouvert sur le territoire national, selon une étude de l’Ademe. 

Pièges photos, procédures simplifiées

Premier à témoigner, Fabien Kees, maire de Dammenois (Essonne), a été touché personnellement par ce fléau. Après son agression en 2019, la commune rurale de 900 habitants, a mis en place des mesures pour lutter contre ces dépôts, qu’ils soient le fait de particuliers ou de professionnels, le plus souvent du BTP, recourant parfois au travail au noir. Formation des élus amenés à « dialoguer »  avec les auteurs des dépôts, fiches réflexe, achat de matériels pour agir vite, signalétique, pièges photos, et surtout, mise en place de procédures simplifiées avec la gendarmerie et le Parquet… Le maire de Dammenois s’est dotée d’un arsenal pour agir efficacement. En cas de découverte d’un dépôt sauvage, les étapes sont claires : remise de la photo du piège photo aux gendarmes, dépôt de plainte, convocation de l’auteur, passible d’une amende de 135 euros (4e catégorie). Par la suite, le maire peut prendre un arrêté de remise en état du lieu, et si l’auteur ne s’y conforme pas, il est passible d’une amende. Au-delà, le maire facture la remise en état aux frais réels.

Brigades d’intervention, gardes-champêtres

Philippe Vignon, vice-président chargé de la politique de la ville et de la prévention de la délinquance à la communauté d’agglomération du Saint-Quentinois (Aisne) a exposé ses bonnes pratiques. Tous les mois, l’élu organise des comités territoriaux, rassemblant tous les maires de l’interco, le sous-préfet, la compagnie de gendarmerie, et un représentant du Parquet. Dans ce cadre, sont inventoriées les difficultés rencontrées par les maires. 

L’élu constate, lui aussi, une augmentation exponentielle des dépôts sauvages sur son territoire : en 2019, il en recensait 46, contre 153 en 2020. Une croissance en partie conjoncturelle, la déchetterie ayant été fermée en 2020 en raison du confinement.

Depuis 2017, une brigade d’intervention en matière d’environnement a été mise en place à l’échelle de l’agglomération. Cette brigade pourrait à bon escient être complétée par des gardes-champêtres, qui peuvent mener l’enquête de bout en bout, du début de la procédure jusqu’au Parquet, a relevé Philippe Vignon. 

À cette occasion, le vice-président de l’agglomération de Saint-Quentin a soumis aux sénateurs ses propositions pour faire évoluer le traitement de la lutte contre ces dépôts. En tête de ses suggestions : permettre aux élus d’avoir un lien direct avec le Parquet ; mettre en place un protocole d’identification des auteurs – première difficulté expliquant le peu de sanctions – ; clarifier l’utilisation des pièges photos et des caméras de chasse ; et enfin, instaurer une amende forfaitaire. 

Plateforme nationale des atteintes à l’environnement

De son côté, le général Sylvain Noyau, chef de l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP), rattaché au ministère de l’Intérieur, est venu rappeler que cette question est la première priorité de cet organisme crée en 2004. 

Il a également pointé les causes de l’absence de sanctions, qui sont pourtant prévues par la loi : difficile identification des auteurs, procédures et réglementation complexes (200 infractions en matière de déchets) avec un risque d’erreurs procédurales rebutant. 

La loi Économie circulaire, ou Agec de 2019 a apporté certaines réponses, estime Sylvain Noyau, en alourdissant les sanctions, et en créant les « brigades vertes de l’environnement ». Mais beaucoup reste à faire, notamment sur la traçabilité des déchets. En 2020, la montée en puissance de l’OCLAESP, et son déploiement sur le territoire a démontré l’engagement de la gendarmerie dans l’éradication de ce fléau. Le chef de l’office a annoncé la présentation prochaine d’un plan environnement, comprenant 30 mesures, dont le développement d’outils innovants. Une plateforme nationale des atteintes à l’environnement sera mise en place, à l’instar des associations environnementales. D’ici là, la première réponse à ce fléau est la mise en place d’un « écosystème collaboratif »  selon les termes de Françoise Gatel, au même titre que l’arlésienne du « continuum de sécurité ». 

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