Déchets du bâtiment : les associations représentant les collectivités dénoncent le moratoire et l'attitude des éco-organismes
Par Franck Lemarc

Le torchon brûle entre, d’un côté, les associations d’élus et, de l’autre, les éco-organismes de la filière des déchets du bâtiment et l’État. Malgré le rétropédalage de l’éco-organisme Valobat sur sa décision de cesser la collecte du plâtre, confirmé par un communiqué envoyé à la presse vendredi 26 septembre en fin de journée, les associations d’élus disent aujourd’hui leur inquiétude et leur colère et demandent que les éco-organismes soient « sanctionnés ». Elles l’ont fait savoir aujourd’hui dans un communiqué signé par l’AMF, Intercommunalités de France, Régions de France, le Cercle national du recyclage et Amorce. L'AMF, après de la réunion de son Bureau, la semaine dernière, avait déjà envoyé un premier communiqué pour demander à l'État de faire respecter la loi par les éco-organismes.
Moratoire et arrêt de la collecte
Vendredi dernier, Maire info faisait le point sur ce dossier et expliquait comment certains éco-organismes « piétinaient leurs engagements contractuels ». Pour rappel, Valobat avait en effet brutalement annoncé aux collectivités, fin août, qu’il mettrait fin le 1er octobre à la collecte du plâtre, laissant les collectivités exposées à la saturation des déchèteries et à un risque d’explosion des dépôts sauvages. Sans doute peu désireux d’une mauvaise publicité, Valobat a finalement annoncé aux collectivités concernées qu’il renonçait à suspendre la collecte.
Cette attitude assez ahurissante d’un éco-organisme, qui se permet d’affirmer qu’il n’exercera pas ses obligations contractuelles, a été, d’une certaine manière, encouragée par le gouvernement lui-même, lorsque celui-ci, sans la moindre concertation avec les collectivités, a annoncé au printemps dernier un « moratoire » sur les mesures qui devaient entrer en vigueur cette année. Apparemment très sensible aux arguments des metteurs en marché, la ministre (aujourd’hui démissionnaire) Agnès Pannier-Runacher avait commencé par annoncer que ces mesures d’application de la loi Agec seraient retardées d’un an – avant que l’on découvre, lors de la mise en consultation publique d’un projet d’arrêté, que le moratoire serait de deux ans. C’est cette décision de moratoire qui a poussé les éco-organismes à se croire autorisés à ne plus remplir leurs obligations.
Fureur des communes et des syndicats de traitement
Il est intéressant de lire les contributions déposées lors de la consultation publique du projet d’arrêté organisant le moratoire . Les choses sont parfaitement claires : d’un côté, les éco-organismes et les metteurs en marché se « félicitent » du moratoire – jugeant même parfois qu’il ne va pas assez loin. De l’autre, les collectivités et syndicats de traitement des déchets, qui ont souvent des mots très durs : « Recul environnemental », pour la Ville de Paris ; organisation de « la défaillance des éco-organismes », pour le syndicat Preval (Haut-Doubs) ; « Moratoire qui déstabilise totalement » le dispositif et « situation inacceptable » pour le syndicat Sytraival, dans le Rhône… Pour le Smectom, dans l’Ariège, « les collectivités sont prises en otage par la filière » et « l’excuse du moratoire est utilisée de façon abusive par les éco-organismes ». Pour la communauté d’agglomération du Niortais, « les collectivités se trouvent dans une impasse, prises au piège d’une filière qui manque d’ambition et assume ouvertement le non-respect de ses obligations ».
Il est à noter que les metteurs en marché ne sont pas unanimes : si la puissante Fédération du bois soutient le moratoire – elle en a même, probablement, été à l’origine –, estimant que l’éco-contribution qu’elle doit payer est « un impôt de production » supplémentaire, un artisan fenêtrier a, en revanche, profité de la consultation pour dire son incompréhension : « Les metteurs sur le marché continuent eux à reverser à leur éco organisme (pour nous donc Valobat) les éco-contributions collectées. Un moratoire jusqu’en 2027 ? Et les sommes collectées pendant ce temps iront où ? Quels arguments à avancer aux professionnels et au grand public ? Alors que la filière s’était constituée efficacement et rapidement, que ce système avait rencontré une très forte adhésion (en tout cas en faisant de la pédagogie auprès de nos clients tous étaient satisfaits du fonctionnement), pourquoi saborder tout ce travail ? »
Moratoire aux conséquences « désastreuses »
Comme plusieurs collectivités l’expliquent dans leurs contributions, la filière a été handicapée dès le départ par le choix du gouvernement de créer quatre éco-organismes (Écominero, Écomaison, Valobat et Valdelia), en concurrence les uns avec les autres. Comme l’explique, dans sa contribution très argumentée, la Ville de Paris, cette concurrence a conduit les éco-organismes à « réduire leurs éco-contributions pour attirer davantage d’adhérents, au détriment des moyens nécessaires à la mise en place d’une filière robuste de prévention et de valorisation des déchets du bâtiments. Dès le lancement de la filière, les éco-organismes agréés ont privilégié une logique financière au détriment des enjeux environnementaux : les éco-contributions fixées par les éco-organismes par produit de construction sont insuffisantes pour couvrir les quantités importantes de déchets collectées » – d’autant plus que ces quantités ont été très vite bien plus importantes qu’attendu.
Il n’y a donc rien d’absurde à repenser le fonctionnement de la filière, mais certainement pas dans ces conditions, estiment les associations d’élus, c’est-à-dire avec des éco-organismes qui ne respectent pas la loi et un gouvernement qui les laisse faire. Les associations rappellent que, indépendamment de l’annonce de Valobat sur le plâtre, « les éco-organismes refusent de contractualiser avec plus de 200 collectivités qui collectent ces gisements à la charge totale du contribuable », et que celles qui ont pu contractualiser « n’ont perçu qu’une très légère avance de financements ». Quant au moratoire lui-même, « il a bloqué certains financements de la collecte de déchets du bâtiment et reporte encore l’indemnisation de la prise en charge des dépôts sauvages ». Résultat : un préjudice financier de « plusieurs centaines de millions d’euros pour les collectivités et les contribuables locaux ».
Les associations d’élus appellent clairement l’État à « mettre fin au plus vite à ce moratoire aux conséquences désastreuses et à reprendre en main fermement cette filière ». En attendant, considérant que pour l’instant, « les scénarios proposés sont tous, à des degrés divers, en défaveur des collectivités locales et de leurs habitants », les associations se retirent des négociations sur la refonte du dispositif.
Ce dossier particulièrement épineux sera certainement sur le haut de la pile de ceux qui attendront le ou la futur(e) ministre de la Transition écologique… quand un gouvernement sera enfin nommé.
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