Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 1er octobre 2020
Décentralisation

Jacqueline Gourault détaille le calendrier de « la nouvelle donne territoriale »

Jacqueline Gourault, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, a longuement présenté hier, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, les deux projets de loi à venir sur « la nouvelle donne territoriale ». Le deuxième de ces projets de loi, dit « 3D », ne devrait pas être débattu avant un an.

« Ces deux projets de loi n’en font qu’un », a affirmé la ministre. S’il y a aura bien deux textes, ils visent au même objectif : « Répondre aux besoins de proximité et d’efficacité des élus locaux ». Le premier texte est un projet de loi organique, consacré aux expérimentations, et il va, lui, être débattu très prochainement : déjà présenté en Conseil des ministres fin juillet, le texte sera débattu en séance publique au Sénat à partir du 2 novembre. Il s’agit de réformer le droit à l’expérimentation territoriale prévu par l’article 72-4 de la Constitution, d’abord en simplifiant les procédures – le démarrage d’une expérimentation ne sera plus soumis à une publication au Journal officiel et le contrôle de légalité sera « allégé ». Mais surtout en sortant « de l’alternative radicale et délicate consistant à généraliser ou abandonner la mesure d’expérimentation ». Le projet de loi organique devrait permettre à une collectivité de poursuivre son expérimentation sur son seul territoire, même si la mesure n’est pas généralisée à l’ensemble du territoire. 

Pouvoir réglementaire aux collectivités
Le deuxième texte – un projet de loi ordinaire – est maintenant connu sous le terme « 3D » : décentralisation, déconcentration, différenciation. La ministre a annoncé qu’il pourrait s’y ajouter un « quatrième D », « cher au Premier ministre » : la « décomplexification ». Il s’agit que « que ce nouveau D imprègne l’ensemble des trois autres et commande l’ensemble des mesures qui seront prises dans ce texte. Chaque fois, nous devons collectivement nous demander : est-ce que cette mesure simplifie ou non notre action et celle des élus locaux ? » 
Il est hors de question pour le gouvernement de procéder à « un nouveau big bang territorial », a répété la ministre : autrement dit, le nombre et le périmètre des collectivités ne sera pas modifié et « nous n’allons pas supprimer les départements, par exemple ». 
Il va davantage s’agir de travailler sur les compétences. D’ailleurs, ce texte ne sera pas généraliste mais concernera spécifiquement quatre compétences, a détaillé Jacqueline Gourault : la transition écologique, les transports, le logement et la santé. Il va s’agir de « donner aux collectivités les bons outils pour accélérer les transitions »  sur ces quatre sujets. Trois pistes ont été évoquées par la ministre : supprimer les doublons entre l’action de l’État et celle des collectivités ; « donner aux collectivités les moyens de mieux se répartir les compétences entre elles »  ; et transférer aux collectivités « un pouvoir réglementaire leur permettant d’avoir les mains libres pour agir »  dans leurs champs de compétence. La ministre s’est montrée plus spécifique sur ce dernier sujet : « Au lieu d’avoir une règle venue de Paris, ce sera une délibération de la collectivité qui prendra la norme ».
Jacqueline Gourault a ensuite fait une assez longue digression sur ce sujet, sortant du discours qu’elle avait préparé et qui a été publié par son ministère, répondant à sa manière aux réactions des élus de la région de Marseille face aux décisions sanitaires prises, la semaine dernière, par le gouvernement. « Quand [en mars] on a dit ‘’on ferme tout partout’’, le vieux fond français était là », c’est-à-dire « le souci d’une égalité de traitement, partout pareil, sur le territoire entier ». « Mais quand on dit que l’on ferme les bars et les restaurants à Marseille, immédiatement c’est considéré comme un territoire qui est montré du doigt. »  Il y a pourtant, a développé la ministre, un « besoin de répondre aux différentes situations qui existent. » « Je veux bien qu’il faille faire partout pareil, mais dans ce cas, a insisté la ministre sur un ton manifestement agacé, pourquoi a-t-on des zonages ZFU et ZRR, pourquoi a-t-on une loi Montagne ? ». C’est cela que le gouvernement veut « transcrire dans la loi : pour être plus efficace il faut répondre aux différences ». 

Un calendrier totalement flou
Concernant le calendrier de ce deuxième texte, la situation est particulièrement floue. Seule certitude, le texte devrait être présenté en Conseil des ministres « avant la fin de l’année ». Après, il est compliqué de s'y retrouver. Dans le texte écrit transmis hier soir à la presse, il est indiqué que le texte devrait être examiné « au second semestre 2021 ». Sauf que dans la vidéo de l'audition, Jacqueline Gourault dit : « Je ne sais pas quand on passera ce texte. Ce que je peux vous assurer, c'est que ce sera au premier semestre 2021 ». Ce qui a provoqué un certain émoi chez les parlementaires présents, conscients de l'embouteillage législatif. Par la suite, la ministre a reconnu qu'elle n'était pas sûre que « l'embouteillage nous laisse beaucoup le choix. » 

Le cabinet de la ministre, et en particulier Pauline Malet, directrice adjointe de cabinet et présentée hier comme « la cheffe du projet de loi 3D », recevra « du 6 au 14 octobre »  l’ensemble des associations d’élus pour « étudier leurs propositions ». Mais en même temps, la ministre ira discuter avec les élus « sur le terrain », émettant au passage quelques doutes sur la « représentativité »  des associations d’élus.

Il reste que ce calendrier interroge. Si le texte ne commence, finalement, à être examiné qu'au second semestre de l'année prochaine, et connaissant le temps que peut prendre la navette parlementaire, a-t-il la moindre chance de voir le jour... avant la fin du quinquennat ? 

Franck Lemarc

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