Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 4 décembre 2025
Décentralisation

Décentralisation : la concertation avec les associations d'élus officiellement lancée

Une réunion de travail dédiée à la restitution des contributions des associations d'élus au nouvel acte de décentralisation s'est tenue hier à l'hôtel de Roquelaure. Une première pierre à l'édifice de cette réforme très attendue mais dont les fondations sont encore fragiles et les contours parfois trop flous.

Par Lucile Bonnin

La journée d’hier constitue une nouvelle étape dans le cadre de cet acte de décentralisation et de clarification promis par le Premier ministre Sébastien Lecornu dès sa nomination à la tête du gouvernement.

La ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation a en effet reçu les représentants des associations d’élus locaux aux côtés d’autres membres du gouvernement – le ministre des Transports, la ministre de la Santé, la ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, le ministre de la Ville et du logement et le ministre délégué chargé de la Ruralité.

Dans un contexte où, comme l’a reconnu le Premier ministre lui-même lors de son discours en clôture du 107e congrès des maires, depuis « vingt ou trente ans la décentralisation est en train de se défaire », le gouvernement entend engager une réforme de l’État et un nouvel acte de Décentralisation avec un projet de loi dont l’examen débutera avant les élections municipales.

Dans cette perspective, Sébastien Lecornu avait demandé leurs contributions aux associations d’élus et aux parlementaires. Ils ont rendu leurs copies à la fin du mois d’octobre. C’est sur cette base que de premières discussions se sont tenues hier à l'hôtel de Roquelaure. Si ce n’est qu’une première étape, il se dégage cependant de ces concertations des lignes directrices mais aussi des inquiétudes de la part des associations d’élus sur les moyens attribués aux collectivités pour agir.

Des « points de consensus » 

Le ministère souligne que les propositions formulées par chacune des associations d’élus « portaient notamment sur le logement, la mobilité, la santé, l’orientation, la différenciation, l’aménagement du territoire, le développement économique, le sport, le tourisme, la culture ou encore la sécurité ». En réalité, les associations d’élus ont davantage pris la parole sur des sujets de fond que sur ces cas très concrets. Les associations demandent notamment un renforcement du pouvoir d’agir, plaident pour qu’il n’y ait pas d’énième transferts de charges à travers les transferts de compétences, et demandent à changer l’état d’esprit de l’État central…

La ministre Françoise Gatel a indiqué hier à la presse que s’étaient dégagés de ces échanges des « points de consensus » . L’idée de la clarification des compétences et du « qui fait quoi ? »  a été centrale aussi bien dans la répartition des rôles entre collectivités qu’entre les collectivités et l’État. Les élus ont tous souligné, comme cela a pu être fait au congrès des maires, que le renforcement de la norme et du contrôle doit être un chantier prioritaire. Françoise Gatel a de son côté indiqué que le gouvernement était favorable à l’amélioration des modalités de la déconcentration des décisions de l’État, ce qui passera notamment par le renforcement de l’action des préfets de départements.

Le sujet de la confiance a également tenu une place particulière au sein de cette réunion. Les associations d’élus estiment que l’État n’a pas tenu ses engagements financiers et que la confiance est aujourd’hui à reconstruire. « Les gouvernements ont confiance mais l’État dans sa structure a-t-il confiance en nous ? C’est la question centrale » , résume Guy Geoffroy maire de Combs-la-Ville et coprésident du groupe de travail législatif et règlementaire de l’AMF interrogé ce matin par Maire info.

Si des consensus se dégagent, des divergences ont aussi pu se faire sentir lors des discussions. L’association Régions de France est par exemple demandeuse d’un transfert de compétences de l’État vers les régions et demandent des pouvoirs supplémentaires. Les autres associations d’élus ont exprimé leur refus de passer d’un centralisme national à un centralisme régional. Un désaccord s’est aussi clairement dessiné entre les intercommunalités et les régions concernant les compétences liées au développement économique. 

Manque de clarté et d’ambition 

À l’issue de ces travaux, les associations d’élus – et notamment l’AMF – se sont interrogées sur la méthode du gouvernement qui a présenté hier ce projet de texte sur la décentralisation comme prenant place dans un ensemble d’autres textes notamment le projet de loi relatif à l’extension des compétences des polices municipales, le projet de loi-cadre sur les transports et le projet de loi relatif à l’allocation sociale unique. La concentration de ces différents textes ne constitue pas un projet homogène de poursuite de la décentralisation, selon les associations d’élus. L’AMF demande plus de clarté sur ce point. 

Guy Geoffroy estime que « les intentions du gouvernement sont là mais l’ambition est limitée ». Il explique avoir observé hier un « décalage qui est une différence d’approche du même sujet » . Les associations d’élus ont « mis en avant les préalables qui s’imposent : rétablir la confiance, travailler de manière sérieuse sur une autonomie fiscale et financière, mettre à plat la question des normes et mettre en place un pouvoir règlementaire local qui permet d’adapter à la réalité du terrain » . Mais en face le gouvernement « annonce une ambition limitée »  en ayant « conscience de la difficulté du contexte politique actuel pour faire aboutir des lois de grande ampleur ». 

La question des finances locales évitée 

Le gouvernement a refusé d’aborder la question financière, ce qui, selon Guy Geoffroy « limite forcément la portée de la réunion ».

L’AMF, dans sa contribution adressée au Premier ministre le 2 octobre dernier, mettait déjà en garde sur la question des ressources attribuées aux collectivités et notamment aux communes (lire Maire info du 2 octobre). Pour que cet acte de décentralisation ne soit pas l’arbre qui cache la forêt, l’AMF – tout comme les autres associations d’élus – demande au gouvernement de mettre fin aux « ponctions sur les budgets locaux ».

Sans surprise, cette réunion n’a pas été l’occasion pour le gouvernement de formuler une annonce tonitruante concernant la très fragile situation des finances locales. Interrogée par Le Monde, la ministre Françoise Gatel a reconnu qu’il « faudra vraiment faire un travail de fond et sérieux sur les finances et ressources locales »  mais qu’« il faut d’abord définir qui fait quoi ». 

« Sans moyens adaptés, la décentralisation est une vue de l’esprit : la première décentralisation, c’est la reconquête de nos capacités fiscales et financières », estime de son côté l’association France urbaine dans un communiqué de presse. L’AMF partage cette idée qu’il est illusoire de penser que ce nouvel élan de décentralisation pourrait se faire sans évoquer la question des moyens. Une chose est sûre : les associations d’élus suivent de près les débats budgétaires en cours dont les conclusions entraîneront forcément des conséquences sur la capacité d’agir des collectivités. En attendant, il semble que le chantier qui doit être mené sur l’autonomie financière et fiscale des collectivités devra attendre et que ce nouvel acte de décentralisation devra se faire sans lui. 

Concertation et projet de loi : les prochaines étapes 

Plusieurs éléments de calendrier importants sont à retenir. D’abord, « la prochaine étape de ce nouvel acte de Décentralisation aura lieu lors du second Roquelaure de la simplification le 9 décembre prochain, indique le communiqué de presse du ministère. En parallèle, les ministères recevront les parlementaires et les associations d’élus pour avancer sur la rédaction des propositions législatives issues de ces échanges. »  Rappelons qu’un premier Roquelaure de la simplification avait eu lieu en avril dernier (lire Maire info du 29 avril). 

Ensuite, concernant le projet de loi, la ministre Françoise Gatel a indiqué que les grands axes du texte sur la décentralisation seraient dévoilés tout prochainement, soit le 17 décembre, à l’occasion d’une communication en conseil des ministres. Cette communication du gouvernement permettra d’éclaircir le sujet quant aux différents projets de lois qui ont été mis en avant pendant la réunion. « Ce projet de loi va-t-il être un texte visant à chapeauter et à mettre du liant à ces éléments mosaïques ? » , s’interroge Guy Geoffroy. Espérons qu'une réponse soit apportée le 17 décembre prochain. Par la suite, cet acte devrait être présenté en début d’année 2026 pour débuter son parcours législatif en mars prochain. « Un calendrier très court »  pour un sujet très important, regrette le vice-président de l’AMF. 

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