Les écarts d'espérance de vie entre les catégories sociales se creusent
Par Franck Lemarc
« Plus on est aisé, plus l’espérance de vie est élevée. » Ce constat est hélas presque banal tant il est connu – mais ce qui l’est moins, c’est que l’écart se creuse au lieu de se résorber.
C’est pourtant la conclusion d’une étude de l’Insee publiée hier et baptisée De 2012-2016 à 2020-2024, l’écart d’espérance de vie entre les personnes modestes et aisées s’est accru.
Des causes connues
L’écart d’espérance de vie entre les personnes les plus pauvres et les plus aisées s’élève aujourd’hui à 13 ans chez les hommes et 9 ans chez les femmes : un homme bénéficiant d’un revenu mensuel de moins de 1 000 euros a une espérance de vie de 72 ans, contre 85 ans pour un homme ayant 6 000 euros et plus de revenu mensuel. Chez les femmes, l’écart va de 80,1 ans à 88,7 ans.
Les causes de ces écarts sont connues : les difficultés financières peuvent limiter l’accès aux soins et le suivi médical. Les ménages les plus modestes ont souvent des métiers qui les exposent à des risques professionnels (accidents, maladie) qui n’existent pas chez les « CSP+ ». Par ailleurs, de faibles revenus sont souvent synonymes d’une alimentation de moindre qualité, et les personnes les plus modestes fument davantage que les autres (21 % des adultes sans diplôme sont fumeurs, contre 13 % des diplômés du supérieur, indique l’Insee).
Les graphiques de l’Insee sont clairs : c’est dans les tranches de revenus les plus faibles que l’espérance de vie est la plus basse et, passé un certain seuil (autour de 2 000 euros par mois), l’espérance de vie se stabilise : elle continue de croître en fonction des revenus, mais de façon bien plus modérée.
Les différences provoquées par le milieu social se creusent avec l’âge : si, à 20 ans, un homme aux très faibles revenus a déjà trois fois plus de chances de mourir dans l’année, ce rapport monte à sept à 50 ans (sept fois plus de chance de mourir dans l’année).
Inégalité hommes-femmes
L’étude de l’Insee montre l’important décalage entre les hommes et les femmes en termes d’espérance de vie, une inégalité pour une fois au bénéfice des femmes. Couplée au critère socio-économique, cela donne des différences vertigineuses : « Les femmes les plus aisées vivent en moyenne 17 ans de plus que les hommes les plus modestes », détaille l’Insee.
Les différences d’espérance de vie entre hommes et femmes s’expliquent par des faits bien documentés : les femmes sont deux fois moins nombreuses à boire de l’alcool quotidiennement que les hommes, et elles bénéficient d’un meilleur suivi médical du fait des grossesses. Leur durée de travail est en moyenne inférieure à celle des hommes, « ce qui, à poste égal, réduit leur exposition à des risques professionnels ».
Diminution de l’espérance de vie chez les plus pauvres
L’Insee constate enfin que ces écarts se creusent. D’un point de vue général, l’espérance de vie n’a que très faiblement augmenté dans la période 2020-2024, notamment du fait de l’épidémie de covid-19 et de « l’arrivée à des âges de forte mortalité des générations nées de 1941 à 1945 ».
Si l’on compare la période 2012-2016 et 2020-2024, on constate que l’espérance de vie a un peu augmenté dans les catégories sociales des 70 % les plus aisés. En revanche, chez les 30 % les plus pauvres, elle a diminué. Ce phénomène est constaté dans les mêmes proportions chez les hommes comme chez les femmes. Globalement, l’écart d’espérance de vie entre les 5 % les plus modestes et les 5 % les plus aisés s’est accru de 0,4 an chez les femmes et 0,3 an chez les hommes.
Cet accroissement « signifie que la part des causes de décès les plus inégalitaires socialement a augmenté entre 2012-2016 et 2020-2024 et/ou que certaines causes de décès sont devenues davantage marquées socialement. Cela pourrait s’expliquer par l’épidémie de covid-19 ou par d’autres maladies, sans que l’on puisse déterminer lesquelles », conclut l’Insee.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2






