Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 20 avril 2022
Culture

Festivals : une nouvelle circulaire sur l'indemnisation des forces de l'ordre qui ne règle pas les problèmes

Le ministre de l'Intérieur a publié une circulaire redéfinissant, à la marge, les règles d'indemnisation des services d'ordre dans les manifestations sportives, culturelles ou les festivals. Les nouvelles conditions sont un peu plus souples que les précédentes, sans que le gouvernement revienne sur les points les plus problématiques. 

Par Franck Lemarc

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© Pixabay

La circulaire Collomb du 15 mai 2018 relative « à l’indemnisation des services d’ordre », qui avait fait couler beaucoup d’encre à l’époque, est abrogée et désormais remplacée par une circulaire Darmanin du 8 avril 2022. Mais que les organisateurs de festivals et les maires les accueillant ne se réjouissent pas trop vite : la nouvelle circulaire reprend les neuf dixièmes du contenu de l’ancienne, les modifications n’étant faites qu’à la marge. 

« But lucratif » 

De quoi s’agit-il ? En 2018, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb fixait, dans une circulaire, les règles d’indemnisation de la présence de policiers ou de gendarmes nationaux pour assurer les tâches de service d’ordre des manifestations (festivals, événements sportifs, etc.). Principal point ayant à l’époque soulevé la polémique : des réductions importantes (« bouclier tarifaire » ) étaient consenties lorsque le festival était considéré « à but non lucratif », alors que les organisateurs devaient payer plein tarif dans le cas inverse. Problème : la décision de déclarer un événement « à but lucratif »  ou non est à la main du préfet, et les critères semblaient assez flous. 

Ainsi, comme le relatait Maire info le 24 janvier 2019, le sénateur du Territoire de Belfort Cédric Perrin avait-il alerté le gouvernement que le préfet du département, après la parution de la circulaire, avait décidé de manière « unilatérale »  que les Eurockéennes de Belfort devenaient, « comme par enchantement », un festival à but lucratif « après 29 ans d’existence en tant que festival à but non lucratif ». 

Les conséquences financières de cette décision, pour de nombreux festivals, ont été lourdes – au point que certains ont menacé de mettre la clé sous la porte. L’AMF, auditionnée dans le cadre d’une mission parlementaire sur ce sujet, avait fait part de sa crainte de voir, d’une part, certains festivals menacés dans leur existence même, avec les conséquences que l’on sait sur l’attractivité du territoire ; et, d’autre part, de voir les communes et intercommunalités encore plus sollicitées financièrement par les organisateurs, pour faire face à ces dépenses nouvelles. 

Rapport parlementaire

Quelques semaines plus tard, les députés Bertrand Bouyx et Brigitte Kuster rendaient le rapport de leur mission « flash »  sur cette question. Sans remettre en cause le principe d’une participation financière des organisateurs au paiement du service d’ordre, ils soulignaient la « disparité »  des pratiques d’un département à l’autre. Alors que la facture de défraiement du service d’ordre pour les Eurockéennes de Belfort est passée « de 30 000 à 250 000 euros », certains festivals ont « continué de bénéficer de la gratuité ». Et ajoutaient : « La notion de but lucratif est source d’une grande confusion. Le ministère de l’Intérieur en fait un critère de modulation des montants réclamés alors que ce n’est pas exactement ce que dit la loi. Les préfets semblent l’appliquer selon les critères de l’administration fiscale (qui ne sont pas liés au fait de faire des bénéfices). Certains festivals contestent cependant le fait d’être considérés comme lucratifs. » 

Consolidation du rôle du préfet

L’épidémie de covid-19 et l’annulation de tous les événements qu’elle a engendrée a mis en suspens le débat. Aujourd’hui, alors que la saison 2022 semble devoir se dérouler normalement, le ministre de l’Intérieur a signé une nouvelle circulaire. Celle-ci reprend, pour l’essentiel, le contenu de la circulaire Collomb, mais une lecture attentive permet de repérer, toutefois, quelques points d’évolution. 

Sur la question essentielle soulevée par les élus et la mission parlementaire, à savoir la définition du caractère lucratif ou pas de l’événement, pas de changement : aucune définition précise n’est donnée de ce terme dans la nouvelle circulaire, et la décision restera unilatéralement à la main des préfets – avec à la clé une « disparité »  qui risque de perdurer d’un territoire à l’autre.

C’est essentiellement sur la question des réunions préparatoires que les choses évoluent. Dans la circulaire Collomb, il était demandé que les « échanges préalables »  à la tenue de l’événement fassent l’objet, obligatoirement, « d’au moins une réunion préparatoire ». La nouvelle circulaire est plus précise : elle dispose que cette réunion doit associer, le cas échéant, « les services de police municipale ainsi que les services de sécurité privés auxquels l’organisateur aura recours ». Les services de la Drac (direction régionale des affaires culturelles) pourront être appelés à participer à cette réunion. 

En dehors de cela, le rôle du préfet est confirmé : en plus de cette réunion avec les organisateurs, il est désormais obligatoire que soit organisée « une réunion associant les seuls services de l’État »  afin de définir le plus précisément possible le périmètre de la mission des policiers et gendarmes (« périmètre missionnel » ). Ceci afin de « garantir le plus possible la prévisibilité de la facturation ». Comme dans la circulaire précédente, il est rappelé que « seul le préfet ou son représentant est (…) compétent in fine pour décider des mesures de sûreté complémentaires et des moyens à mobiliser. (…) Le préfet ou son représentant est ainsi en droit d'adapter le service d'ordre et de décider de l'engagement des forces de sécurité intérieure mobilisées. »  Voire de « réévaluer »  le volume de cet engagement au regard des circonstances. Il est toutefois demandé aux préfets, dans la mesure du possible, de communiquer ces éléments aux organisateurs au plus tard 48 h avant la manifestation. 

Acompte : plus de souplesse

Autre changement à noter : ces échanges préalables doivent donner lieu à la signature d’une convention entre les organisateurs et les services de l’État. Mais alors que dans la première circulaire, il était précisé que « en l’absence de convention signée, le service d’ordre ne peut être déployé », cette précision a disparu de la nouvelle circulaire. 

Un assouplissement important a également été consenti : jusqu’à présent, les organisateurs devaient s’acquitter d’un « acompte de 60 % à 80 % du montant total »  avant la manifestation, le solde étant versé au plus tard un mois après l’événement. La nouvelle circulaire donne plus de liberté : « Les modalités de versement de l'acompte et des échelonnements et délais de paiement sont précisées lors des échanges préalables entre responsables des forces de sécurité et organisateurs. » 

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