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Édition du jeudi 16 mars 2023
Culture

Festivals : la Cour des comptes critique leur gouvernance et veut conditionner les aides de l'État

La Cour des comptes recommande de réformer la gouvernance des structures organisatrices et de cibler les aides de l'Etat afin de favoriser une démocratisation culturelle qui est « en panne » dans certains événements majeurs. Plus de 7 000 festivals ont été recensés en France, essentiellement soutenus par les collectivités.

Par A.W.

Alors que le nombre de festivals n’a cessé de croître depuis une quarantaine d’années, la Cour des comptes pointe les insuffisances de leur gouvernance et l’échec de leur « démocratisation »  dans un chapitre dédié au sujet, intégré au sein de son dernier rapport annuel. Celle-ci souligne d'ailleurs que « la pandémie de la covid-19 a révélé et amplifié une certaine fragilité structurelle des festivals ».

Si l’on recense autour de 2 000 festivals en Italie, un millier en Allemagne et autant au Royaume-Uni, la France a, elle, su développer ce que la Cour appelle « un fait culturel »  sans commune mesure avec ses pays voisins puisque l’Hexagone comptabilise près de 7 300 festivals sur son territoire. « Soit près de quatre fois plus que 20 ans auparavant », a calculé la Cour.

Un essor porté d’abord par les communes

Et bien que l’État ait réinvesti dans ce secteur, ces dernières années, à cause de la crise sanitaire, son soutien financier reste « mineur »  par rapport à celui apporté les collectivités territoriales, à l’origine du développement des festivals. 

Estimé à 50 millions d’euros, l’effort budgétaire de l’État reste donc considéré comme « limité »  puisqu'il portait sur 593 festivals en 2021, soit 8 % de l’ensemble des événements. D’autant que les aides qu’il consent sont très concentrées, les festivals d’Aix-en-Provence et Avignon ayant, à eux seuls, bénéficié de « plus du quart du financement du ministère de la Culture », notent les magistrats financiers.

À l’inverse, le soutien des collectivités territoriales est « prépondérant »  et est estimé à plus de 300 millions d’euros. En se basant sur d’anciens travaux, l’institution de la rue Cambon a pu estimer que l’écart est ainsi « de 1 à 10 entre les recettes apportées par l’État et celles qui proviennent des collectivités territoriales ». Dans le détail, il serait même « de 1 à 10 s’agissant des musiques actuelles, [de] 1 à 20 pour la musique classique et [de] 1 à 9 pour le spectacle vivant ».

Qu’il soit sous forme de subventions ou de contributions en nature (mise à disposition de locaux et de lieux de représentation), ce soutien « conditionne parfois l’existence même des festivals qui en bénéficient ». 

Les premiers financeurs étant les communes, devant les régions. Un effort des communes d’ailleurs « sous-estimé »  du fait de « l’absence de prise en compte des dépenses en nature, en particulier s’agissant de mises à disposition de locaux, de moyens techniques et de ressources humaines au bénéfice d’associations qui sont souvent animées par des bénévoles ».

Dans ce cadre, les magistrats financiers demandent au ministère de la Culture de « poursuivre la connaissance des moyens, financiers et en nature, du fait festivalier afin d’appréhender le réel effort des collectivités territoriales et leurs retombées économiques ». Ces dernières demeurant encore « insuffisamment mesurées pour en apprécier l’importance »  sur chaque territoire.

Les auteurs du rapport reconnaissent, toutefois, que « l’important appui des collectivités territoriales aux festivals, qui a conduit l’État à intervenir de façon plus sélective pour soutenir les festivals à rayonnement national et international, a permis de rééquilibrer l’accès à l’offre culturelle sur le territoire national ». Ils rappellent ainsi que « c’est au dynamisme persistant dont ont fait preuve les collectivités locales depuis les années 1980 que le fait festivalier doit de s’être fortement diffusé »  puisque « 62 % des festivals existants ont été créés après 2000, 33 % après 2011 ».

La gouvernance partagée, un « enjeu clef » 

Reste que la Cour estime qu’il est nécessaire de moderniser et « réformer la gouvernance des structures organisatrices », l’objectif étant de la rendre « plus exigeante en matière de démocratisation des publics »  et « mieux concertée entre les services de l’État et les collectivités territoriales concernées ».

Car, selon la Cour, le principe de compétence partagée qui régit la politique culturelle – et qui est un « enjeu clef »  pour les magistrats financiers – « ne trouve pas toujours à s’appliquer de façon harmonieuse dans la constitution et le fonctionnement de leurs structures de gouvernance ». « Les statuts qui régissent certains festivals, les modalités d’exercice partagé de la gouvernance ne semblent pas toujours clairement arbitrées », observe-t-elle.

Un grief qui se fonde, toutefois, sur l’étude de seulement huit festivals, dont la représentativité doit permettre de « prendre la mesure de problématiques structurantes auxquelles leur secteur d’activité est aujourd’hui confronté », mais dont les budgets ne descendent pas en dessous des 580 000 euros (pour Les Furies de Châlons-en-Champagne) et montent jusqu’à 13 millions d’euros (festival d’Avignon), voire 22 millions d’euros (festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence). 

La Cour pointe également « la multiplicité d’objectifs stratégiques insuffisamment formalisés »  et préconise au ministère de la Culture et aux collectivités de « mieux formaliser les objectifs attendus de chaque festival bénéficiant de concours publics, en particulier à travers les outils de pilotage et de contractualisation pluriannuelle ».

Elle recommande ainsi de recourir de « manière systématique »  aux lettres de mission, conventions pluriannuelles et contrats de performance devant « prévoir de justes contreparties aux soutiens publics », « sans aller jusqu’à une clause de conditionnalité liant rigoureusement les financements à l’atteinte des cibles retenues ».

Démocratisation culturelle « en panne » 

Afin également de pallier le « suivi insuffisant des objectifs poursuivis »  comme c’est le cas avec la « démocratisation des publics »  qui reste « en panne », les magistrats financiers invitent le ministère de la Culture et les collectivités à « mesurer les effets des mesures prises par les festivals en matière de démocratisation des publics ».

Car les festivals qui mettent en place un dispositif permettant de suivre l’évolution de leurs publics dans la durée restent « rares »  et « la plupart se trouvent dans l’incapacité de vérifier s’ils contribuent par leurs activités à la démocratisation de l’accès à la culture ».

Seule exception : le festival d’Avignon, qui démontre que le profil sociologique de ses spectateurs est resté très stable depuis 2013 malgré « une politique volontaire pour rajeunir et diversifier son public ». « Les festivaliers appartiennent ainsi à des catégories sociales élevées et fortement diplômées (73 % sont au-dessus de bac + 3 et 38 % au-dessus de bac + 4) », les ouvriers ne représentant que 2,4 % des festivaliers et les employés 7 %. La part des moins de 35 ans y a même diminué de moitié entre 2014 et 2021 (passant de 32 % à 16 %).

Dans ce contexte, la Cour demande au ministère de la Culture de « s’employer à focaliser ses aides sur les festivals contribuant fortement »  aux « objectifs de création artistique et de démocratisation culturelle »  ou qui « s’engagent à développer des initiatives allant dans ce sens ».

Télécharger le chapitre dédié aux festivals.
 

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