Maire-info
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Édition du vendredi 11 juin 2021
Culture

Bibliothèques territoriales : le Sénat inscrit dans la loi le pluralisme et la gratuité 

Le Sénat a adopté en première lecture, avant-hier, une proposition de loi sur les bibliothèques, à laquelle le gouvernement a apporté son soutien. Ce texte vise notamment à mieux définir les bibliothèques dans le droit et crée la possibilité, pour les intercommunalités, de mettre en place des schémas de développement de la lecture publique. 

Par Franck Lemarc

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C’est bien une séquence « livre »  qui a eu lieu cette semaine au Sénat : après la proposition de loi sur les librairies, mardi (lire Maire info d’hier), c’est un texte sur les bibliothèques qui a été adopté unanimement et « dans l’enthousiasme »  par les sénateurs. Le texte élaboré par la socialiste Sylvie Robert (Ille-et-Vilaine) a, comme celui de sa collègue LR Laure Darcos sur les bibliothèques, reçu le soutien du gouvernement et bénéfice de la procédure accélérée.

Définitions

Les bibliothèques territoriales (municipales, intercommunales, départementales) ne font l’objet, en tout et pour tout, que de cinq articles dans le corpus législatif français. Et, en particulier, elles ne sont nulle part clairement définies – ce qui est tout de même paradoxal pour des établissements qui sont au nombre de 16 500 et auxquels les collectivités territoriales consacrent 1,7 milliard d’euros par an. 
La première partie du texte pallie cet étrange vide juridique en donnant une définition des bibliothèques et de leurs missions : « Les bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements ont pour missions de garantir l’accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs. »  L’article 1er du texte inscrit dans la loi le fait que les bibliothèques doivent respecter le principe de « pluralisme des courants d’idées et d’opinion, d’égalité d’accès au service public et de neutralité du service public ». Il pose également un principe de gratuité : « L’accès aux bibliothèques municipales et intercommunales est libre. »  Les collections des bibliothèques des collectivités et de leurs groupements doivent être « rendues accessibles à tout public, sur place ou à distance ». 
Le texte dispose également que les bibliothèques doivent « élaborer les orientations générales de leur politique documentaire »  et les « présenter »  devant l’organe délibérant de la collectivité ou du groupement. Par amendement, les sénateurs ont ajouté la possibilité que cette présentation soit suivie d’un vote – possibilité seulement car ils ont estimé qu’il n’était pas utile de « contraindre le maire à faire voter sa politique ». 

Intercommunalités 

La seconde partie du texte concerne notamment les bibliothèques départementales et intercommunales. L’article 9 définit clairement le rôle et les missions des bibliothèques départementales, dont le rôle est jugé par la sénatrice « essentiel en matière de structuration du réseau de lecture publique à l'échelle de leur territoire ». Dans le texte, il est écrit que ces bibliothèques ont pour mission de « renforcer la couverture territoriale en bibliothèques, afin d’offrir un égal accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ; et de favoriser la mise en réseau des bibliothèques des collectivités territoriales ou de leurs groupements ». 
Alors que la loi, aujourd’hui, limite l’accès aux crédits « bibliothèques »  de la dotation générale de décentralisation (DGD) aux seules communes, EPCI et départements, le texte étend le bénéfice de ces crédits à « tous les groupements de collectivités territoriales », ainsi qu’aux établissements publics de coopération culturelle et aux groupements d’intérêt public (GIP) comprenant des collectivités territoriales ou leurs groupements. Toute la question sera maintenant de savoir si cette évolution se fera à enveloppe fermée, ce qui ne serait pas qu’une bonne nouvelle, puisque, dans ce cas, cette extension des bénéficiaires signifierait des crédits en baisse pour les autres. 
L’article 11 donne la possibilité aux EPCI, lorsqu’ils décident que « la lecture publique est d’intérêt intercommunal », d’élaborer et mettre en place « un schéma intercommunal de développement de la lecture publique ». 
Enfin, un bref débat a eu lieu au Sénat à propos de la possibilité – inscrite dans le texte – pour les bibliothèques de « céder gratuitement »  une partie de leur fonds à des fondations ou des associations, à partir du moment où ces derniers ont l’interdiction formelle de revendre les ouvrages. Des sénateurs ont proposé qu’il soit permis aux collectivités de céder certains ouvrages à des entreprises de l’économie sociale et solidaire, qui pourraient les revendre « à des prix solidaires ». La proposition a été rejetée : comme l’a expliqué Sylvie Robert, « les collectivités territoriales ne peuvent faire don de leur propriété ». Une « exception »  est faite ici, précisément dans la mesure où ces dons ne feront pas, par la suite l’objet de revente. Les sénateurs ont refusé que les livres cédés puissent être revendus, même à bas prix, afin de ne pas perturber le marché de la vente d’occasion. 
Le texte a été adopté à l’unanimité. Entre l’adoption du texte sur les librairies et de celui-ci, les sénateurs ont salué « une belle semaine pour la culture ». 

Télécharger le texte adopté. 

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