Maire-info
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Édition du mardi 12 octobre 2021
Crise sanitaire

Quatre millions de Français restent fragilisés par la crise sanitaire

Selon le Crédoc, près de 8 % des Français de plus de 15 ans ont basculé dans une situation préoccupante. Ce sont souvent des jeunes actifs au revenus modestes.

Par A.W.

Malgré le reflux de l'épidémie et l’économie qui repart, une partie des Français reste toujours fragilisée par la crise sanitaire. Et ce, malgré les multiples mesures mises en oeuvre pour contenir l’épidémie.

8 % des Français dans une situation préoccupante

C’est la conclusion du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) qui a cherché à établir un premier bilan des conséquences sociales de la crise, dans une enquête, menée en mai dernier – « alors que l’atmosphère était alors plutôt encourageante sur le front sanitaire »  – auprès d’un échantillon national représentatif de 3 000 personnes.

Parmi celles-ci, près d’un tiers (31 %) déclare se sentir en situation de vulnérabilité, soit dix points de plus qu’en 2018, et un quart de ces personnes s’estimant vulnérables expliquent que la crise du Covid-19 a « beaucoup joué »  dans leur situation. Ramené à l’ensemble de la population, cela représente tout de même 8 % des Français de 15 ans et plus qui ont basculé dans une situation préoccupante. Soit quatre millions de personnes.

Les trois quarts d’entre elles sont même confrontées à un cumul de fragilités, que ce soit en termes de logement, d’emploi, de santé, d’isolement ou de relégation territoriale.

Jeunes actifs peu diplômés et aux revenus modestes

Qui sont ces « nouveaux vulnérables » ? La grande majorité sont des actifs occupant très souvent des emplois précaires, dans le secteur privé, avec des revenus modestes. Ils sont âgés de moins de 40 ans, avec souvent une charge de famille et sont aux prises avec des difficultés d’accès ou de maintien en emploi. Ceux-ci habitent également plus souvent en Île-de-France, région constituant le principal bataillon de salariés en activité partielle.

« Peu diplômés (un « nouveau vulnérable »  sur deux n’a pas le baccalauréat contre 35 % des actifs non vulnérables), ils travaillent souvent dans des secteurs qui ont dû recourir au chômage partiel (commerces, hébergement-restauration, activités culturelles et de services aux ménages) : 31% ont connu le chômage technique sur les trois derniers mois contre 18 % des non vulnérables », soulignent les auteurs de l’enquête, qui constatent que c’est bien « la fragilisation de leur situation professionnelle qui distingue les nouveaux vulnérables ». 

Difficultés professionnelles et impayés 

D'ailleurs, ceux-ci évoquent des obstacles pour accéder à l’emploi ou s’y maintenir (42 %). Conséquence directe, près des deux tiers des personnes concernées (61 %) déclarent que leur situation financière s’est dégradée en raison de la crise sanitaire.

De plus, ils ont dû « reporter »  ou « renoncer »  à des dépenses essentielles de logement, de santé, de voiture, d’alimentation face à leur perte de revenus. 

Cela apparaît dans l’impossibilité de payer les factures d’électricité (22 % contre 7 % pour les « non-vulnérables » ), d’abonnements téléphoniques ou d’internet (20 % contre 5 %), mais aussi de régler le loyer ou le crédit immobilier (18 % contre 5 %), les impôts (18 % contre 4 %), les assurances (17 % contre 5 %) ou encore les frais de scolarité (17 % contre 3 %).

« Au total 40 % des actifs modestes fragilisés par la crise sanitaire ont été en défaut de paiement sur l’une ou l’autre de ces charges, contre 13 % des non vulnérables », indiquent les auteurs de l’enquête.

Pessimisme et radicalité

Quand 73 % des « non vulnérables »  se sentent heureux dans leur vie actuelle, les vulnérables ne sont plus que 32 %. « La multiplication des difficultés et le sentiment d’impasse lié aux bouleversements de l’activité économique se traduisent [ainsi] par un bien-être individuel dégradé », explique le Crédoc. 

D’ailleurs, environ 15 % de ces personnes ne voient pas vraiment d’issue positive à leur situation et pensent même qu’elle va continuer à se détériorer (49 % contre 33 % des non vulnérables). D’autant que « beaucoup se sentent entravés, sans réelle maîtrise de leur vie : 29 % indiquent une impossibilité à « vivre leur vie comme ils l’entendent », contre 15 % des non vulnérables ».

De quoi être inquiet pour la cohésion sociale car cette fragilisation a également des conséquences collectives, puisqu’elle génère « des formes de radicalité, une méfiance dans les institutions et le gouvernement ». 

Malgré des « trous dans la raquette », l’étude montre « l’impact positif des soutiens apportés pendant la crise par les associations ou les pouvoirs publics sur la capacité de ces personnes à aller de l’avant, et au-delà sur la cohésion sociale ».

Plus d’un tiers des « nouveaux vulnérables »  a ainsi bénéficié d'aides durant la crise sanitaire. « Lorsqu’elles ont été aidées par ces dispositifs exceptionnels, les personnes vulnérables sont 83 % à se sentir libres de vivre leur vie comme elles l’entendent, soit la même proportion que les non vulnérables », souligne le Crédoc, qui note qu’elles retrouvent également « un niveau de confiance similaire dans la protection sociale ou les entreprises privées, et appellent beaucoup moins souvent de leurs vœux un changement radical de société ».


 

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