Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 28 octobre 2021
Crise sanitaire

L'obligation vaccinale s'applique bien à tous les personnels travaillant dans les crèches

La décision du Conseil d'État est tombée : après des mois d'interrogations et d'injonctions contradictoires, la décision de la plus haute juridiction administrative est, au sens propre du terme, sans appel : tous les personnels travaillant en crèche entrent dans le champ de l'obligation vaccinale. 

Par Franck Lemarc

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C’est la fin d’un imbroglio qui dure depuis le mois de juillet, et ce n’est une bonne nouvelle ni pour les collectivités ni pour les structures privées : le Conseil d’État a confirmé la décision prise en septembre par le tribunal administratif de Nanterre (lire Maire info du 22 septembre), donnant raison au maire de Nanterre qui a considéré que la vaccination obligatoire devait s’appliquer dans les EAJE (établissements d’accueil du jeune enfant).

Faux espoirs

Pour comprendre le sujet, il faut remonter quelques mois en arrière. Dès l’annonce, le 12 juillet, de la mise en place de l’obligation vaccinale pour les personnels de santé, la question s’est posée de savoir si les personnels de crèches seraient, ou non, concernés. Le 21 juillet, l’AMF, dans un courrier co-signé  avec d’autres associations d’élus et plusieurs fédérations de professionnels de la petite enfance, y compris les acteurs du service privé non lucratif et lucratif, demandait au gouvernement d’exclure le secteur de la petite enfance de l’obligation vaccinale : le secteur étant « en très grave pénurie de main-d’œuvre », les signataires craignaient, en cas d’application de l’obligation, de se trouver « contraints de refuser d’accueillir des enfants par manque de personnel ».

Élus et structures ont été rassurés, mi-août, lorsqu’après la publication de la loi et une nouvelle interpellation de l’État par l’AMF, l’administration centrale a annoncé que les EAJE ne seraient pas concernés par l’obligation vaccinale. Dès le 11 août, la DGCS (direction générale de la cohésion sociale) et la DGCL (direction générale des collectivités locales) prenaient position dans divers documents officiels pour affirmer sans ambiguïté : « Ne sont pas concernés par l’obligation vaccinale les professionnels de crèche, d’établissements ou de services de soutien à la parentalité ou d’établissements et services de protection de l’enfance ». Dont acte : les collectivités et les professionnels se sont estimés, à bon droit, rassurés. 

Sauf que, comme l’a rappelé sèchement le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, ce ne sont pas les administrations centrales qui font la loi, c’est le Parlement. Et en l’espèce, le juge estime que les administrations centrales ont mal interprété la loi. 

La décision du Conseil d’État 

Lorsque le maire de Nanterre a décidé d’appliquer l’obligation vaccinale dans les crèches de sa commune, la CFDT a saisi le tribunal administratif pour contester cette décision, en s’appuyant notamment sur les prises de position de la DGCL et de la DGCS. Dans une première décision, le tribunal administratif a estimé que le maire de Nanterre avait raison. L’affaire a été portée devant le Conseil d’État, qui a à son tour donné raison au maire de Nanterre. Cette fois, la décision fera définitivement jurisprudence, et l’obligation vaccinale va devoir s’appliquer non seulement aux personnels de santé travaillant dans les EAJE, mais également aux autres personnels y compris non médicaux travaillant à leur côté. 

En effet, le Conseil d’État rappelle que la loi définit le champ de l’obligation vaccinale par deux critères : un critère « géographique »  (le fait de travailler dans un établissement de santé) ; et un critère professionnel (les personnels de santé). La CFDT, pour contester la décision du maire de Nanterre, avait plaidé que les EAJE ne sont pas des établissements de santé. Certes, a répondu le Conseil d’État, mais les infirmiers et auxiliaires de puériculture qui y exercent sont bien des personnels de santé. « Il s’ensuit que même lorsqu’ils exercent leur profession non pas dans un établissement de santé mais dans un établissement de la petite enfance, ils entrent dans le champ de l’obligation vaccinale », écrit le Conseil d’État. Et d’ajouter : « Sont dès lors aussi inclues les autres personnes travaillant dans ces établissements. »  Les personnels administratifs et autres personnels non soignants travaillant dans les EAJE sont donc bien soumis à l’obligation vaccinale, « quelles que soient les positions exprimées par les représentants du ministère de la Santé », appuie encore le Conseil d’État. 

Des problèmes en cascade

Les conséquences de cette décision sont claires : les gestionnaires d’EAJE doivent dès maintenant s’assurer du respect de l’obligation vaccinale parmi le personnel, sous peine de se trouver en faute : en effet, comme en dispose la loi du 5 août 2021, « les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l'obligation [vaccinale] par les personnes placées sous leur responsabilité. »  Il n’y aura, de plus, pas de délai de grâce pour ces personnels : alors que la mesure s’est appliquée par étapes, depuis le mois d’août, les tolérances sont terminées depuis le 16 octobre, et toute personne soumise à l’obligation vaccinale ne peut, selon la loi, plus travailler si elle n’a pas son schéma vaccinal complet (sauf contre-indication médicale).

Mais en l’espèce, cela est plus facile à dire qu’à faire. Comment faire lorsque, en toute bonne foi et en s’appuyant sur les textes officiels de l’administration centrale, on n’a pas imposé l’obligation dans un EAJE… et que le couperet tombe deux mois plus tard sous forme d’une décision de justice ? Il faut plusieurs semaines pour justifier d’un schéma vaccinal complet. En conséquence, un agent à qui son employeur annoncerait aujourd’hui qu’il doit se vacciner sous peine de suspension, et qui l’accepterait, ne pourra être en règle avec la loi que dans plusieurs semaines. Que faire en attendant ? Faut-il le suspendre ? Est-on en faute si on ne le fait pas ? Y aura-t-il une tolérance, dans la mesure où l’erreur vient des services de l’État ?

Il serait utile que la DGCL s’exprime rapidement sur ce sujet, car il y a là un vide juridique. La DGCL pourrait d’ailleurs commencer par mettre à jour sa Foire aux questions, toujours en ligne ce matin, qui indique page 12 que les professionnels travaillant dans les crèches « ne sont pas concernés par l’obligation vaccinale ». 

Pas de limitation dans le temps

Reste enfin la question de la durée de cette obligation. On entend souvent dire que l’obligation vaccinale s’arrêterait le 15 novembre. Dans ce cas, il n’y aurait pas lieu de s’affoler pour 15 jours... Sauf que rien de tel n’est prévu. 

Il ne faut pas confondre en effet le pass sanitaire et l’obligation vaccinale : si la loi prévoit très clairement que le pass sanitaire prendra fin le 15 novembre (avec peut-être une possibilité de le « réactiver »  par la suite, quand le texte préparé en ce sens par le gouvernement sera voté), aucune date de fin n’est prévue, en revanche, pour l’obligation vaccinale. La loi dispose simplement (article 12) que ces dispositions peuvent être à tout moment et en fonction de l’évolution de l’épidémie, « suspendues par décret ». 

Pour ceux qui en douteraient encore, il suffit d’aller regarder sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé, à la page dédiée à l’obligation vaccinale. La question est clairement posée : « Est-ce que l’obligation vaccinale prendra fin en même temps que la loi relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire, à savoir le 15 novembre 2021 ? »  Et la réponse est tout aussi claire : « L’obligation vaccinale des personnes concernées ne cessera pas à la date du 15 novembre 2021, elle n’est pas liée à cette échéance ».

Télécharger la décision du Conseil d’État.  
 

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