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Édition du vendredi 20 mai 2022
Crise sanitaire

L'Insee dresse un premier bilan de la surmortalité liée au covid-19 de mars 2020 à décembre 2021

L'Insee a publié hier des chiffres précis sur l'impact de l'épidémie de covid-19 sur la mortalité en France. De mars 2020 à décembre 2021, l'épidémie a fait, directement ou indirectement, entre 130 000 et 146 000 morts. 

Par F.L.

Comment comptabiliser précisément le nombre de décès dus au covid-19 et l’impact de la maladie sur la mortalité ? La question se pose depuis le début de l’épidémie, et elle n’est pas simple à résoudre : parce que certains décès peuvent être dus au covid-19 sans que l’Insee en soit informé – cela a été le cas dans certains Ehpad par exemple ou dans le cas de décès à domicile – ou parce que, à l’inverse, des personnes très âgées ou malades ont pu décéder du covid-19 mais seraient probablement décédées pendant la même période, même sans l’épidémie. 

Se pose aussi la problématique des morts « indirectement liées »  à l’épidémie, qui se mesureront peut-être sur une période assez longue : la saturation des services de santé et le report, pendant des mois, de très nombreuses opérations, auront – et ont déjà – des conséquences sur la mortalité de patients atteints d’autres pathologies. Il faut enfin, explique l’Insee, ne pas négliger la mortalité « évitée »  du fait de l’épidémie : le confinement total du printemps 2020 a mécaniquement fait diminuer le nombre d’accidents de la route et d’accidents du travail, par exemple. 

Décès attendus et décès constatés

Le critère le plus objectif sur lequel l’Insee peut s’appuyer est la comparaison entre le nombre de décès « attendus »  et le nombre de décès effectivement constatés. 

Chaque année, l’Insee est en effet capable de prévoir assez précisément, sauf événement inattendus, le nombre de décès qui vont se produire pendant l’année. Elle s’appuie pour cela sur les grandes tendances comme l’évolution de l’espérance de vie, du taux de mortalité, voire du nombre de jours dans l’année. 

En 2019, l’Insee prévoyait pour 2020 environ 622 300 décès, soit 9 000 de plus qu’en 2019 : ce chiffre est obtenu en posant que 14 000 décès supplémentaires étaient à prévoir du fait du vieillissement de la population, qui « accroît mécaniquement le nombre de décès »  chaque année ; que 1 900 décès supplémentaires allaient survenir du fait que 2020 est une année bissextile, comptant donc un jour de plus ; et que, à l’inverse, 6 900 de moins seraient constatés du fait de la diminution du taux de mortalité. 14 000 plus 1 900 moins 6 900 : on aboutit bien à une projection de 9 000 décès supplémentaires en 2020, soit 622 300 décès prévus. 

Or il y en a eu 668 900, en 2020, soit 46 700 de plus que les prévisions. En ne considérant que la période « covid », c’est-à-dire de mars à décembre 2020, le nombre de décès « en excès »  par rapport aux précisions atteint les 55 600. 

Les mêmes prévisions, effectuées sur l’année 2021, prévoyaient 622 500 décès. Il y en a eu 661 600 (39 100 de plus qu’attendu). 

Au total, entre mars 2020 et décembre 2021, ce sont donc 95 000 décès supplémentaires qui ont été constatés par rapport aux prévisions. 

2021 : double évolution

Attention, cela ne signifie pas qu’il n’y aurait eu « que »  95 000 morts du covid-19 : on parle ici de décès supplémentaires au regard des prévisions. Le bilan du covid-19, en cause directe, est estimé entre 130 000 (Santé publique France) et 146 000 (Centre d’épidémiologie sur les causes médicales du décès). 

A l’inverse, on l’a dit, des décès ont été évités du fait de l’épidémie : baisse des accidents de la route ou du travail, mais aussi de la propagation de certaines maladies contagieuses du fait du port du masque et des mesures de distanciation sociale. 

Sur l’année 2021, on peut s’étonner d’une hausse aussi importante de la mortalité alors que la vaccination a été pratiquée en masse. En réalité, explique l’Insee, « la mortalité a été influencée à la fois à la baisse et à la hausse »  en 2021. À la baisse, parce que le taux de mortalité chez les personnes vaccinées a été mesuré, en octobre 2021, comme « neuf fois inférieur »  à celui des personnes non vaccinées. Et également parce que les personnes les plus fragiles avaient déjà été emportées par le covid en 2020. 

Mais à l’inverse, l’absence de confinement strict en 2021, le retour des personnes dans les transports en commun, et surtout l’émergence de variants beaucoup plus contagieux (Delta puis Omicron), ont contrebalancé cette baisse, et abouti à une surmortalité qui est restée importante. 

Écarts hommes-femmes

L’Insee rappelle, une fois encore, que la surmortalité n’a pas frappé que les personnes les plus âgées, en particulier en 2021 – année qui a connu une surmortalité chez les 35-54 ans de 7 %. 

L’Institut note enfin que le covid-19 a tué davantage d’hommes que de femmes, plus encore en 2021 qu’en 2020. L’écart était de deux points en 2020 (surmortalité de 8,6 % pour les hommes et de 6,4 % pour les femmes) ; il est passé à 4 points en 2021 (8,3 % pour les hommes et 4,3 % pour les femmes). Ce creusement de l’écart s’explique, selon l’Insee, par le fait que chez les plus de 85 ans, les femmes sont nettement plus nombreuses. La première vague, en 2020, ayant frappé très durement cette tranche d’âge, le nombre de personnes de plus de 85 ans à mourir du covid-19 a été bien plus faible en 2021 (ce que l’Insee appelle « l’effet moisson » ). « Comme les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans cette tranche d’âge, l’impact de cette baisse est plus fort pour l’ensemble des femmes. » 

Le bilan complet de l’épidémie, en comptant les « décès indirects », ne sera probablement pas établi de façon définitive avant plusieurs années. Et il faudra de toute façon ajouter à ces chiffres livrés hier par l’Insee les décès de 2022, puisqu’il faut rappeler que le covid-19 tue toujours, en moyenne, une centaine de personnes chaque jour depuis le début de l’année. 

Il dépassera, de toute façon, les 130 000 morts. De quoi faire tristement résonner les propos de certains « covido-sceptiques »  qui expliquaient en février 2020 – comme ce fut le cas d’un célèbre scientifique de Marseille – que cette « grippette »  ferait « moins de morts que les accidents de trottinette ». 

Selon les chiffres de la Sécurité routière, en 2021, les accidents de trottinette ont fait 22 morts. 

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