Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 1er septembre 2022
Crise énergétique

Climat, inflation, énergie : une rentrée sous haute tension

Canicule, sécheresse, incendies, explosion des prix, inquiétudes sur l'approvisionnement énergétique et la production agricole... L'été qui s'achève a été, à plus d'un titre, inquiétant, et semble annoncer une période de fortes turbulences.  

Par Franck Lemarc

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Entre dérèglement climatique maintenant parfaitement tangible, crise économique et tensions géopolitiques, cette rentrée de septembre se déroule sous de bien sombres auspices. La situation est d’autant plus complexe que chaque crise alimente les autres. 

Côté climat, cet été caniculaire marqué par des images de cours d’eau asséchés et de forêts en feu marquera, peut-être, le début d’une nouvelle prise de conscience des conséquences du réchauffement climatique et de la nécessité d’agir – et d’agir vite. Si globalement cet été n’a été « que »  le deuxième le plus chaud après celui de 2003, bien d’autres tristes records ont été battus : celui du nombre de jours de canicule consécutifs, par exemple : dans certaines régions, comme le littoral des Alpes-Maritimes par exemple, il a fait plus de 20 ° C la nuit pendant… 61 jours d’affilée ! Des records de températures ont été enregistrés dans des régions très tempérées comme la Bretagne (40,2 ° C enregistrés dans le Finistère). La saison estivale a été, de surcroît, particulièrement sèche, avec un déficit de pluviométrie par rapport à la norme de 25 %. On retiendra les images marquantes de la Loire traversable à pieds, à certains endroits, et des lacs dont le niveau a baissé de plusieurs mètres en quelques mois. La canicule a également eu pour conséquence un réchauffement jamais vu de la Méditerranée, dont la température a, pour la première fois depuis qu’existent les relevés, dépassé les 30 ° C en Corse. Ce qui, alertent les experts, va accentuer le risque d’épisodes méditerranéens cet automne ou de très fortes précipitations – du type de celles de 2020 dont les vallées de la Roya et de la Vésubie portent encore les lourdes cicatrices. 

Agriculture en difficulté

Outre des incendies exceptionnellement violents, cette canicule aura forcément eu un coût humain – même si aucun bilan n’est encore disponible –, et ses conséquences se font déjà sentir en cascades. Sur le plan agricole d’abord : c’est en particulier la récolte du maïs qui inquiète les professionnels – elle devrait être « catastrophique », selon un cabinet d’experts, et atteindre son plus bas niveau depuis plus de vingt ans. Ce qui aura entre autres des conséquences sur l’élevage, le maïs étant en partie utilisé pour nourrir le bétail. 

La canicule et la sécheresse ont également grillé les pâturages, et de nombreux éleveurs ont déjà dû piocher dans leurs réserves de fourrage, habituellement réservées à l’hiver, pour nourrir leurs bêtes. La production de lait a déjà diminué dans de nombreuses exploitations, du fait d’une nourriture insuffisante pour les vaches, et les éleveurs font face, en plus, au renchérissement des plantes fourragères, dont la récolte a été divisée par deux. La diminution de la production et la hausse du coût de production va, mécaniquement, conduire à une augmentation du prix du lait et des produits lactés. Autre conséquence : les experts constatent que, faute d’être nourries à l’herbe, les vaches produisent un lait moins riche en graisse, ce qui se répercute sur la production de crème et de beurre. Selon un porte-parole du groupe Lactalis, les stocks de beurre sont historiquement faibles et l’on s’attend à « une très forte pénurie », qui conduira à une envolée des prix massive. 

À la croisée des questions climatiques et géopolitiques, on peut également citer le tournesol. De nombreux agriculteurs avaient, au printemps dernier, choisi de planter davantage de tournesol, anticipant une pénurie du fait de la guerre en Ukraine – gros producteur de cet oléagineux. Sauf que la canicule et la sécheresse ont, là encore, grillé une partie des récoltes – certains agriculteurs estiment que 50 % de la récolte sera perdue. Une « double peine », donc, selon la FNSEA. 

Énergie : problèmes en cascade

Si la question de l’énergie est au cœur de l’actualité depuis bientôt un an que les prix s’envolent, la situation s’est encore dégradée cet été, là encore du fait du télescopage de toutes les crises : la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie ont les conséquences que l’on connaît sur l’approvisionnement en gaz ; la sécheresse a des conséquences directes sur la production d’électricité – du fait notamment du réchauffement et de la baisse du débit des cours d’eau censés refroidir les centrales nucléaires ; et c’était sans compter le fait que la moitié des réacteurs nucléaires français sont aujourd’hui à l’arrêt – conséquence, notamment, de choix discutables des pouvoirs publics en matière de maintenance des centrales.

Ces difficultés additionnées ont pour double conséquence la hausse faramineuse des prix de l’énergie, d’une part – le MWh d’électricité, sur le marché de gros, se négociait en début de semaine au prix stratosphérique de 1000 euros, contre environ 85 euros un an plus tôt ; et, d’autre part, un risque réel de pénurie pour l’hiver prochain. Le gouvernement n’a pas caché que, si l’hiver est rigoureux, des coupures de courant pourraient intervenir. 

C’est donc le retour de la « chasse au gaspi »  qui est programmé. Le gouvernement travaille à la mise en place d’un « plan de sobriété », et plusieurs mesures devraient être annoncées dans les semaines à venir, allant du durcissement des mesures concernant l’éclairage des vitrines la nuit, à l’obligation de fermer les portes des commerces climatisés et à de potentielles fermetures temporaires d’équipements. Les collectivités, qui ne bénéficient actuellement d’aucun bouclier tarifaire, subissent cette situation de plein fouet – ce que l’AMF ne cesse de dénoncer depuis des mois, sans réponse réelle, pour l’instant, du gouvernement. 

L’inflation frappe les collectivités

Mais l’inflation ne concerne pas que l’énergie. Pour les particuliers comme pour les collectivités, elle atteint des niveaux plus qu’inquiétants en cette rentrée. Côté particuliers, de nombreuses associations tirent le signal d’alarme sur l’impossibilité de certains ménages à faire face à la fois à la hausse des prix des carburants, de l’énergie, des denrées alimentaires et des produits du quotidien. Du côté des collectivités, il n’y a pas un secteur qui échappe à l’inflation : outre l’explosion des prix de l’énergie, qui a conduit un certain nombre de communes à réduire ou fermer certains services, les prix s’envolent aussi bien pour les denrées alimentaires (avec de lourdes conséquences pour les cantines) que pour les matériaux nécessaires aux travaux publics ou que pour le papier, le bois, les fournitures de bureau. 

Cette hausse des prix ne pourra avoir que de lourdes répercussions tant sur les budgets de fonctionnement que sur les investissements… précisément au moment où le gouvernement a choisi de réduire les marges financières des collectivités locales en s’attaquant de nouveau aux impôts économiques locaux.

Dans ce contexte, il n’y a rien de surprenant à ce qu’un certain nombre de communes, comme la presse le relève ces derniers jours, soient contraintes d’augmenter les impôts locaux davantage que prévu. Si le gouvernement n’accepte pas, comme l’AMF le demande instamment depuis des mois, d’indexer le montant de la DGF sur l’inflation, on ne voit guère quel autre choix pourraient avoir les collectivités pour tenter de garder la tête hors de l’eau. 

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