Maire-info
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Édition du lundi 30 octobre 2023
Logement

Crise du logement : le nombre de permis de construire continue de chuter

En un an, les autorisations de logement ont reculé de plus de 28 %. Ce qui représente près de 150 000 nouveaux logements autorisés de moins que lors des douze mois précédents, selon les chiffres publiés par le ministère de la Transition écologique.

Par A.W.

La crise de l’immobilier, et notamment du logement neuf, continue de se détériorer. Le nombre de permis de construire a une nouvelle fois reculé, entre octobre 2022 et septembre 2023, avec 371 300 nouveaux logements autorisés. Soit une baisse annuelle de 28,3 %.

Concrètement, cela représente 146 700 logements de moins que lors des douze mois précédents, selon les nouvelles données provisoires publiées, en fin de semaine dernière, par le ministère de la Transition écologique. Si l’on prend comme point de comparaison les 12 mois précédant la crise sanitaire (mars 2019 à février 2020), le nombre de logements autorisés au cours des 12 derniers mois y est ainsi inférieur de 19,3 %. 

Le nombre de permis délivrés chaque mois se stabilise ainsi à un niveau particulièrement faible. Des estimations que le ministère juge d’ailleurs « solides ».

Tous les types d’habitat concernés

La chute du nombre de permis concerne tous les types d'habitat, que ce soit les logements individuels purs (- 31,8 %), les individuels groupés comprenant les lotissements (- 27,6 %), ou encore le collectif (-28,3 %). Les résidences (étudiantes ou séniors), quant à elles, plongent un peu moins fortement (-19,7 %).

Toutes les régions métropolitaines sont également concernées, seules la Martinique et la Guyane connaissent un taux de progression d’à peine 1 %. 

Dans le même temps, le nombre estimé de chantiers commencés, qui suit habituellement de quelques mois celui des permis, s’affaisse lui aussi de 16,6 %, avec 315 800 mises en chantier en un an. Ce qui représente 62 800 de moins que sur la période précédente et même 17,3 % de moins qu’au cours des douze mois précédant la crise sanitaire. 

Là aussi, exception faite des outre-mer, tout le pays connaît un fort recul.

Les ouvertures de chantiers de maisons individuelles ont atteint ainsi leur niveau « le plus bas enregistré depuis 2000 », constate le ministère. Contrairement aux autorisations, ces estimations sur les logements commencés comportent, toutefois, « une part d’incertitude non négligeable du fait des perturbations des délais d’ouverture de chantier depuis la crise sanitaire » , celles-ci sont donc « susceptibles de donner lieu à des révisions significatives », prévient le ministère.

S’agissant des enregistrements d’autorisation à la construction de locaux non résidentiels, ils ont également reculé (- 6 %), tout comme les mises en chantier (- 11,8 %), au troisième trimestre 2023 par rapport à l’an passé. Si, pour les premiers, la situation reste très variable d’une région à l’autre, pour les secondes, c’est tout le pays qui se retrouve dans le rouge.

Alors que l’industrie (+ 14,5 %) et les services publics ou d’intérêt collectif (+ 3 %) sont en progression, le commerce (- 3 %), les bureaux (- 26 %) et les entrepôts (- 30,9 %) sont en retrait. « Les secteurs des exploitations agricoles ou forestières (- 3,4 %), de l’artisanat (- 17,8 %) et de l’hébergement hôtelier (- 18,3 %) apparaissent en baisse, mais seraient en progression (respectivement + 18,0 %, + 1,9 % et + 5,1 %) sans les collectes tardives », souligne le ministère dans une seconde publication.

« La crise nourrit la crise » 

« Il ne se passe rien, rien, rien. On a touché le fond », a réagi, vendredi, Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), qui explique que « la crise nourrit la crise ».

Ce n’est pas vraiment une surprise, tant les différents acteurs du secteur ont mis en garde, ces dernières semaines, sur la dégradation de la situation dans le neuf qui subit à la fois la forte baisse de pouvoir d’achat des acquéreurs et un renchérissement des coûts de construction. 

Les promoteurs, les bailleurs sociaux, les entrepreneurs du bâtiment, les notaires, les architectes ou encore les agents immobiliers se sont même regroupés pour la première fois, en septembre dernier, dans une « alliance »  afin de peser davantage et « défendre, ensemble, la politique du logement mise à mal par l’actuel gouvernement ».

Dans le logement neuf, « l’effondrement des permis se répercute sur les mises en chantier »  qui se rapprochent « du niveau relevé en 1991, à peine supérieur à 300 000 logements », s’inquiétait déjà, le mois dernier, la Fédération française du bâtiment (FFB). Une année qui a précédé « les points bas historiques de 1992 et 1993 (environ 275 000 unités) ». Et « les perspectives restent très mauvaises »  avec la chute des ventes observées, assurait la FFB. 

« Aujourd’hui la construction neuve est en décroissance complète […] et si rien n’est fait le bâtiment va s’écrouler d’ici deux ans » , s'alarmait le président de la fédération, Olivier Salleron, prédisant « près de 150 000 destructions de postes, salariés et intérimaires confondus »  à l’horizon 2025, si rien n’est fait. « Ça y est, depuis trois mois, il n'y a plus un promoteur qui embauche, on ne remplace pas les démissions et les départs en retraite, et même chez les promoteurs les plus gros, c'est parti », déplore désormais Pascal Boulanger.

Premières mesures

A la recherche de solutions face à cette « bombe sociale »  qu’est la crise du logement, le gouvernement a adopté quelques mesures fiscales dans son projet de loi de finances pour 2024, jugés largement insuffisants pour beaucoup.

Bercy a ainsi décidé de l’élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) aux classes moyennes supérieures et à 200 communes supplémentaires en le prolongeant jusqu'en 2027, mais a maintenu le « recentrage »  du dispositif.

Le PTZ sera donc recentré sur les achats d'appartements neufs en zone tendue (ou d'un logement ancien avec travaux en zone non tendue). Une mesure critiquée par le secteur du bâtiment puisqu’elle « exclut à peu près 90 % du territoire », même en intégrant les nouvelles communes, selon le président de la FFB.

Le gouvernement a, par ailleurs, annoncé un projet de loi contre l'habitat indigne et un autre sur la décentralisation de la politique du logement, dans les premiers mois de 2024. 

A noter, dans ce cadre, la signature « dans les prochaines semaines »  de contrats territoriaux associant exclusivement les intercommunalités, ceux-ci devant notamment permettre de « définir localement des objectifs de production ». Des déclinaisons territoriales, annoncées lors du congrès HLM, qui écartent les communes. Ce que dénonce l'AMF qui juge « très inquiétante »  cette « première démarche »  du ministre du Logement « dans ce qu’elle présage des contours des discussions à venir sur la décentralisation annoncée du logement ».
 

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