Maire-info
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Édition du jeudi 11 septembre 2025
Logement

Crise du logement : deux nouveaux rapports préconisent d'accélérer la transformation de bureaux

Les auteurs proposent de faire sauter les verrous financiers et réglementaires qui n'incitent pas - au contraire - à la transformation des bureaux en habitations, alors que celle-ci constitue une solution à la crise du logement. D'autant que « la vacance des bureaux est désormais structurelle et ne fera qu'augmenter ».

Par A.W.

Alors que des tours de bureaux vidées de leurs travailleurs depuis la crise sanitaire côtoient des Français qui ont de plus en plus de difficultés à se loger correctement, l’idée de faciliter la transformation de bureaux inoccupés en habitations est une nouvelle fois mise sur la table. 

Après un premier rapport sur le sujet l’an passé, deux nouveaux, publiés vendredi dernier, incitent – via une série de recommandations – à recourir à ce gisement encore largement inexploité en pleine crise du logement. 

Une réponse aux « besoins des territoires les plus tendus » 

Car, avec plus de 9 millions de m² de bureaux inoccupés en France, dont plus de 5 millions en Île-de-France, la transformation de bureaux en logements représente un levier majeur et pourrait constituer une solution rapide à la pénurie de logements.

Elle permettrait notamment « d’apporter une réponse adaptée aux besoins des territoires les plus tendus, en particulier pour les étudiants et les jeunes actifs », mais aussi de « réduire l’empreinte carbone du secteur du bâtiment »  et de lutter contre l'artificialisation des sols, a rappelé la ministre désormais démissionnaire du Logement, Valérie Létard, lors de la présentation de ces deux rapports qu’elle avait commandés au printemps.

En juin déjà, une loi visant à lever certains freins juridiques pour faciliter ces conversions a été adoptée. Grâce à ce texte, les maires peuvent désormais déroger à certaines règles d'urbanisme – pour gagner « entre six et douze mois »  – et instaurer un permis de construire « réversible »  permettant aux surfaces d’un bâtiment d’évoluer entre plusieurs destinations. In fine, « un million de logements »  pourraient être créés, avait estimé la rapporteure du texte au Sénat.

Encore insuffisant puisque de nouvelles « mesures concrètes »  viennent donc d’être dévoilées pour accélérer cette transformation, s’est félicitée Valérie Létard en annonçant que « certaines propositions pourront être étudiées dans le cadre des discussions sur le projet de loi de finances 2026 »  quand d’autres pourront « faire l’objet de décrets ou de mesures législatives dans les prochains mois ». Sans préciser lesquelles.

La transformation, un « rocher de Sisyphe » 

Reste que si cette solution semble apparemment « incontournable »  et simple « sur le papier », « la réalité opérationnelle est toute autre », rappellent d’emblée les auteurs du premier rapport sur la simplification de la réglementation, qu’ils ont eux-mêmes nommé « rapport Sisyphe »  en référence au personnage de la mythologie grecque faisant rouler une pierre gigantesque vers le sommet d’une montagne, d'où elle finit toujours par retomber. 

« Cette pierre, c'est le projet de transformation », assurent ainsi Roland Cubin, Philippe Vereecke et Laurent Girometti (respectivement directeurs généraux délégués de Groupama Immobilier et de Bouygues Bâtiment Ile-de-France et directeur général des Établissements publics d'aménagement de Marne-la-Vallée), qu’ils définissent comme  « une masse complexe, où s’accumulent les interdictions, autorisations, obligations, dont une partie provient d’un ensemble de réglementations héritées d'une ère de la construction neuve, créant un labyrinthe administratif et juridique et des délais anormalement longs ». 

« Chaque pas en avant est un combat : interpréter des textes, chercher la brèche juridique pour avancer, obtenir des dérogations », expliquent-ils en regrettant que « cette énergie colossale déployée pour adapter l'existant ne bénéficie paradoxalement d'aucune incitation particulière, exonérations ou dispositifs facilitateurs ». 

Instaurer un « permis de démolir suspensif » 

Pour y remédier, ils proposent donc de faire sauter les verrous réglementaires des projets en préconisant de s’affranchir d’une réglementation basée sur la construction neuve au profit d’une logique de « reconditionnement d’immobilier d’entreprise ». « Bien que des dispositions existent pour la réhabilitation, elles ne ciblent pas spécifiquement les changements d'usage et tendent, au-delà de certains seuils, à exiger le respect des caractéristiques du neuf. En l'absence de précisions claires, les acteurs ont naturellement tendance à se référer aux règles du neuf, qui sont les mieux définies », constatent-ils. 

Ils insistent donc sur « la nécessité »  de « donner un statut clair à l’immeuble reconditionné », « d’adapter les normes (sécurité incendie, accessibilité, stationnement, RE2020) »  et créer un « permis de démolir suspensif »  permettant « d’éviter les démolitions irréversibles sans stratégie ». En outre, ils proposent de créer « une commission centrale du reconditionnement pour sécuriser les opérations »  et « traiter l’essentiel des problématiques de réglementation ». 

« Si nous voulons réellement transformer l'essai et faire du reconditionnement d’actifs un pilier d’une nouvelle industrie […], il est impératif de […] mettre en place un accompagnement institutionnel permettant de créer des synergies entre toutes les parties prenantes, y compris les collectivités locales », précisent les trois auteurs du rapport.

Créer un modèle plus incitatif et adapter les ORT

Dans la même veine, le second rapport porte, lui, sur le modèle économique et le financement. Rédigé par la directrice générale d'Action Logement, Nadia Bouyer, et le président de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière, Xavier Lépine, le document préconise une vingtaine de mesures fiscales et financières pour rendre ces opérations viables et attractives.

Assurant que « la vacance des bureaux est désormais structurelle et ne fera qu’augmenter », ils souhaitent éviter l’apparition « d’importantes friches tertiaires »  alors que « quatre millions de personnes sont confrontées au mal-logement ». Pour cela, ils proposent notamment de créer des Foncières de transformation de bureaux (FTB) et d’inscrire ces opérations dans une « approche partenariale au service d’un projet de territoire ».

« Il s’agit de conférer un vrai statut aux opérations de transformation (la "vente d’immeuble à transformer") y compris sur les normes environnementales, de donner des outils aux élus locaux à travers une adaptation des Opérations de revitalisation de territoire (ORT), et d’inciter les investisseurs à se réorienter vers le logement grâce à la création de véhicules dédiés aux transformations et en révélant la valeur de transformation », expliquent-ils.

Pointant « une fiscalité désincitative et complexe », les auteurs rappellent notamment qu’il est fiscalement plus avantageux de lancer des projets de démolition-reconstruction que de transformation, incitant à privilégier les premiers « pourtant bien moins vertueux sur le plan environnemental ».

À noter que, au-delà de la conversion en logements, ils envisagent « une autre piste à explorer » : celle de la transformation en établissements scolaires. « Au sein d’un secteur de bureaux obsolètes à transformer, il pourrait être envisagé d’en convertir une partie en écoles publiques. Cela permettrait ainsi de répondre aux besoins scolaires issus de l’arrivée de nouveaux ménages dans les logements transformés. » 
 

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