Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 31 mars 2021
Coronavirus

Covid-19 : vers une fermeture des écoles ?

Le président de la République va prendre la parole ce soir à 20h, pour expliquer aux Français les mesures prises ce matin en Conseil de défense. Il semble que la fermeture des écoles dès vendredi soit devenue la piste privilégiée par l'exécutif. 

Par Franck Lemarc

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Les semaines passent et se ressemblent étrangement, selon un scénario devenu presque routinier. Chaque week-end, le gouvernement annonce attendre les chiffres du mardi pour prendre une décision avant le Conseil de défense du mercredi. Les premières fuites sortent dans la presse avant même le Conseil de défense mais le gouvernement attend le jeudi soir pour faire ses annonces. Emmanuel Macron va déroger ce soir à cette routine en prenant la parole dès le mercredi, à 20 heures. Et il est peu probable que ce ne soit pas pour annoncer des mesures difficiles. 

60 % des départements du pays au-delà du seuil d’alerte

La situation épidémique de la troisième vague ne fait, en effet, que s’aggraver, sans qu’aucune embellie n’apparaisse pour l’instant. Pire : l’épidémie est de moins en moins cantonnée à l’Île-de-France et aux Hauts-de-France, et le nombre de départements dans lesquels les taux d’incidence s’envolent est en hausse. Un quart des départements (25) connaît maintenant un taux d’incidence supérieur à 400 pour 100 000 habitants (essentiellement dans le nord et le sud-est du pays). 34 autres départements ont dépassé la cote d’alerte des 250 cas pour 100 000 habitants. Soit presque 60 % des départements du pays dépassant le seuil d’alerte renforcée. Et la liste devrait hélas s’allonger, plusieurs départements s’approchant de la cote d’alerte, comme la Côte-d’Or (223), la Saône-et-Loire (230), la Corrèze (248), la Loire-Atlantique (237). 
Selon le site CovidTracker, il n’y a que six départements dans lesquels, sur une semaine, le nombre de cas a diminué.
Un élément qui inquiète particulièrement les autorités sanitaires est la flambée des taux d’incidence chez les jeunes et très jeunes : entre le 27 février et le 27 mars, le taux d’incidence à l’échelle nationale des 0 à 19 ans est passé de 180 à 360. Dans les départements les plus touchés, cette classe d’âge voit les taux d’incidence dépasser les 700 ou 800 pour 100 000 habitants. À Paris, il est par exemple de 850 chez les 15-19 ans, a annoncé ce matin Anne Hidalgo, la maire de la capitale. En Seine-Saint-Denis, il était hier de 954 chez les 10-19 ans ; dans le Val-d’Oise, désormais le département le plus touché de France, de 994 dans la même classe d’âge. 
L’autre motif d’inquiétude reste évidemment la tension hospitalière. 5072 personnes étaient hospitalisées en réanimation hier pour covid-19, soit 9,5 % de plus que la semaine précédente. L’occupation des lits de réanimation à l’échelle nationale était hier de 98,4 %. 
L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, ces derniers jours, a établi des prévisions très inquiétantes, affirmant que sans « confinement strict »  et rapide, le nombre de patients en réanimation dépasserait sous quinze jours celui de la première vague en Île-de-France.
La seule (et très ténue) note d’espoir à court terme vient de la possibilité, dans les départements semi-confinés le 19 mars, d’assister en ce moment à une « stabilisation »  des cas. Le spécialiste Guillaume Rozier notait hier sur twitter « une légère stabilisation des cas huit jours après la mise en place de la mesure », la jugeant « non significative pour le moment mais à suivre ».

850 classes fermées à Paris

Dans les écoles, la mesure consistant à fermer les classes dès l’apparition du premier cas, mise en œuvre lundi, a fait comme prévu exploser le nombre de classes fermées. Les chiffres nationaux ne seront donnés que vendredi, mais à l’échelle locale, l’évolution est patente. Selon Anne Hidalgo, ce matin sur BFM-TV, 850 classes seraient fermées dans la seule capitale. Un chiffre considérable si on le compare aux 473 classes annoncées fermées, lundi soir, par la mairie de Paris. Le chiffre n’était encore, hier soir, que 722. 
Au moins 630 classes étaient fermées hier dans le Nord et le Pas-de-Calais, selon les calculs de la Voix du Nord. Même en Bretagne, région relativement épargnée par le virus, le nombre de classes fermées aurait triplé depuis le début de la semaine. Et sur twitter, les messages des enseignants défilent en cascade pour annoncer ici 6, 8, 15 classes fermées dans leur établissement depuis hier. Comme le notait ce matin avec amertume sur twitter la journaliste spécialiste santé Margaux de Frouville, « on ne va même pas avoir besoin du dernier recours, les écoles vont s’autofermer ». 
Dans ce contexte, même des élus qui étaient opposés à cette mesure il y a encore quelques jours, comme la maire de Paris elle-même, demandent à présent la fermeture des écoles. Au vu de la situation « très grave »  et de la « désorganisation très grande »  dans les établissements (20 000 élèves ne sont plus en classe à Paris « soit parce qu’ils sont malades soit parce que leurs classes sont fermées », Anne Hidalgo demande à son tour la fermeture immédiate des écoles. 

Le gouvernement « ne laissera pas trier les malades » 

Le gouvernement va-t-il s’y résoudre ? C’est en tout cas les informations que font filtrer hier dans la presse les conseillers de l’Élysée. Sans que l’on sache à cette heure si la mesure serait nationale ou réduite aux départements les plus touchés – ni même si elle sera réellement prise, l’exécutif ayant habitué le pays, depuis un an, à des arbitrages de dernière minute. 
La question n’est plus « taboue », en tout cas, pour reprendre le mot utilisé la semaine dernière par François Baroin. Elle a été au centre de la séance de questions au gouvernement, hier, à l’Assemblée nationale, lors de laquelle de nombreux députés ont interpellé les ministres sur cette question de la fermeture des écoles. Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, a défendu les choix du gouvernement, notamment celui de garder les écoles ouvertes « le plus longtemps possible ». Mais il a également affirmé que le gouvernement « ne laissera pas saturer les hôpitaux, ne laissera pas un seul médecin devoir, au moment d’opérer, trier les malades ». C’est pourtant, de fait, déjà le cas – répondent de nombreux médecins, avec la déprogrammation d’un nombre toujours croissant d’opérations qui revient à un tri « de fait ». 
Le ministre de la Santé a reconnu que devant la situation qui se dégrade, le gouvernement pourrait rapidement « prendre d’autres mesures pour protéger nos concitoyens ». Mais il semblait alors tenir fermement sur l’idée qu’il ne saurait être question de fermer les écoles. 
La position de l’exécutif a-t-elle évolué depuis ? Il faudra attendre ce soir pour en être sûr. En fin de matinée, aujourd'hui, Matignon a annoncé que la situation sanitaire ferait, jeudi, l'objet d'un débat et d'un vote au Parlement, ce qui confirme que des décisions importantes risquent d'être annoncées ce soir.
La fermeture des écoles vendredi, qui correspondrait, de fait, à une avancée de la date des vacances scolaires, pourrait être l'ultime solution brandie par le gouvernement pour ne pas décider d’un nouveau confinement strict, qu’il continue à vouloir éviter à tout prix. Il est pourtant réclamé, aujourd’hui, par un nombre croissant de voix parmi les médecins et les scientifiques. Le Conseil de l’ordre des médecins lui-même, ce matin, dans Libération, demande « un vrai reconfinement »  dans une situation où le contrôle de l’épidémie a été « perdu ». « Le virus est en train de gagner, alerte le président de l’Ordre, Patrick Bouet ! « Les patients de plus en plus jeunes, la contamination dans les écoles sont autant d’indicateurs marquants de cette dégradation continue de la situation depuis plusieurs semaines. (…) D’ici quelques jours, des médecins pourraient devoir choisir entre les patients sur des critères non médicaux, simplement par manque de moyens ou d’équipements disponibles. C’est à court terme que cette question sera face à nous, dans toute sa violence. » 

En fin de matinée, ce mercredi, le Conseil d'adminsitration de la Fédération hospitalière de France (FHF) a également appelé, dans une motion adoptée à l'unanimité, à un confinement strict. 

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