Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 6 janvier 2022
Crise sanitaire

Covid-19 : situation gravissime dans les territoires d'outre-mer et décision surprise pour les écoles

Après la Martinique et La Réunion, ce sont les territoires de la Guadeloupe, de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy, de Guyane et de Mayotte qui ont été replacés, par un décret paru ce matin, en état d'urgence sanitaire. La situation se dégrade de façon très inquiétante dans ces territoires où la population est bien moins vaccinée qu'en métropole. Par ailleurs, le gouvernement vient de décider de mettre en place un accueil pour les personnels de santé dans les écoles fermées. 

Par Franck Lemarc

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© Outremer360

C’est en Conseil des ministres, hier, que le Premier ministre a présenté la décision de placer cinq nouveaux territoires ultramarins en état d’urgence sanitaire, le décret l’officialisant étant paru ce matin au Journal officiel

L’explosion épidémique

La situation épidémique se dégrade en effet « considérablement »  dans ces territoires, a expliqué le Premier ministre hier, sous l’effet du variant Omicron. La hausse du nombre de cas est affolante notamment en Guadeloupe, où le nombre de cas a crû de 549 % en une semaine, et plus encore à Saint-Martin, où la hausse a été de 720 % sur sept jours. À Saint-Barthélemy, le taux d’incidence atteint le chiffre inouï de 4 498 cas pour 100 000 habitants – inouï car jamais atteint dans aucun département français depuis le début de l’épidémie. À Mayotte, le Premier ministre a évoqué une hausse de 635 % du taux d’incidence en une semaine, avec 720 cas pour 100 000 habitants. Mais le site Covidtracker, devenu quasiment un site officiel de données sur l’évolution du covid-19, évoque, lui, ce matin, un taux d’incidence de 4 285 à Mayotte. 

Les services de réanimation se remplissent à grande vitesse dans ces territoires, la situation étant particulièrement préoccupante en Guyane, où le taux d’occupation des lits de réanimation atteint déjà 190 % de la capacité du territoire. Entre la sous-dotation chronique de ce département d’Amérique du sud, et un taux d’absentéisme considérable des soignants dû à l’épidémie elle-même, la Guyane est en grande difficulté pour faire face à l’explosion du nombre de cas. 

Vaccination insuffisante

D’autant que ces territoires ne sont pas à égalité avec la métropole face au variant Omicron : il semble avéré aujourd’hui que les personnes ayant reçu trois doses de vaccin, si elles ne sont pas protégées de l’infection par le variant Omicron – témoin les quelque 300 000 personnes infectées sur la seule journée d’hier – sont en grande partie immunisées contre les formes les plus graves. C’est ce qui permet, pour l’instant, d’éviter une complète saturation des services de réanimation malgré des taux d’incidence astronomiques. 

Mais outre-mer, la couverture vaccinale est bien plus faible. En Guyane, seulement 31 % de la population est vaccinée, et on ne parle pas ici de schéma vaccinal complet mais seulement d’une première dose. La situation n’est guère meilleure en Guadeloupe (40 % de la population a reçu une première injection) et à Saint-Martin (42 %). Seule l’île de Saint-Barthélemy dépasse les 70 % de primo-vaccinés. 

Cette situation laisse craindre « une catastrophe sanitaire », a déclaré hier le Premier ministre, aggravée par le fait qu’elle se déclenche partout en même temps, avec à la fois une explosion des cas en métropole et dans tous les territoires ultramarins en dehors de ceux du Pacifique. La situation en métropole rend très difficile, voire impossible, l’envoi de renforts médicaux outre-mer. Et la concomitance de l’explosion épidémique sur différents territoires ultramarins complique les possibilités d’évacuation d’un territoire à l’autre. Par exemple, les hôpitaux de Guadeloupe servent normalement de « réserve de deuxième niveau »  à ceux de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Mais avec un taux d’occupation des lits de réanimation déjà proche de 80 % en Guadeloupe, l’accueil de patients venus d’autres territoires sera très compliqué. 

La déclaration de l’état d’urgence sanitaire dans ces départements et collectivités va permettre aux préfets « de prendre des mesures d’interdiction de déplacement hors du domicile », a précisé hier le Premier ministre. Des mesures qui risquent d’être particulièrement difficiles à mettre en œuvre en Guadeloupe, en pleine ébullition sociale. 

Le projet de loi sur le pass vaccinal, qui a été adopté cette nuit en première lecture par l’Assemblée nationale, prévoit que l’état d’urgence prononcé dans un des territoires d’outre-mer soit automatiquement prorogé jusqu’au 31 mars. 

Écoles : une mesure surprise difficile à mettre en oeuvre

Il faut retenir aussi ce matin, indépendamment de la situation dans les outre-mer, que le gouvernement a décidé in extremis, comme on le découvre dans un décret paru ce matin, d’organiser un accueil des enfants des personnels de santé dans les écoles en cas de fermeture de classes ou d’établissements. « Dans les écoles maternelles, élémentaires et primaires et les collèges, en cas de fermeture temporaire de classe ou d'établissement, un accueil est assuré, dans des conditions de nature à prévenir le risque de propagation du virus, pour les enfants âgés de trois à seize ans des personnels de santé indispensables à la gestion de la crise sanitaire », apprend-on en marge du décret prononçant l’état d’urgence dans les cinq territoires ultramarins. 

Cette mesure, qui n’a aucunement été concertée avec les associations d’élus, risque d’être particulièrement compliquée à mettre en œuvre, dans la mesure où les personnes des écoles comme ceux des communes sont, comme partout, fortement touchés par l’absentéisme dû à l’épidémie. Dans de plusieurs communes, selon les remontées de terrain qui parviennent à l’AMF, des taux d’absentéisme de 30 à 40 % sont constatés, ce qui rend de plus en plus complexe le maintien des structures. 

Interrogée ce matin par Maire info à ce sujet, Delphine Labails, maire de Périgueux et co-présidente de la commission éducation de l’AMF, estime que cette mesure « ne tient pas compte de la réalité vécue par les communes ». Étonnée que l’AMF n’ait pas été consultée – la prochaine réunion de ses représentants avec le cabinet du ministre de l’Éducation nationale n’est prévue que la semaine prochaine –, la maire de Périgueux estime que les communes sont « dans la même incapacité que l’Éducation nationale a assurer l’accueil », du fait de l’absentéisme considérable. « Depuis la rentrée, toutes les communes sont déjà confrontées à une sérieuse pénurie d’animateurs », due notamment au fait que l’épidémie a retardé les formations pour les Bafa et les BAFD, « ce qui implique que nous avons beaucoup de mal à faire fonctionner les accueils périscolaires ». À cela s’ajoute maintenant la vague Omicron et les très nombreuses absences qu’elle implique, qu’il s’agisse de malades ou de cas contacts. « Dans les écoles maternelles, si nous n’avons pas d’Atsem, nous ne pouvons organiser ni le déjeuner ni la surveillance de la sieste, autrement dit, nous ne pouvons pas accueillir les enfants. » 

Delphine Labails estime que la situation devra être réglée, cas par cas, dans les territoires, « avec les préfets et sous-préfets », mais s’attend à des difficultés majeures dans l’ensemble du pays. 

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