Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 12 juillet 2021
Coronavirus

Épidémie : le Conseil scientifique appelle à des mesures urgentes

Le président de la République va annoncer ce soir les choix du gouvernement face à la reprise de l'épidémie. Le Conseil scientifique, de son côté, préconise une stratégie alliant obligation et pédagogie, mais enjoint le gouvernement à « agir maintenant ». 

Par Franck Lemarc

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Lentement mais sûrement, l’épidémie progresse à nouveau en France. À preuve : en milieu de semaine dernière, seul un département métropolitain (Paris) était repassé au-dessus du seuil d’alerte de 50 cas pour 100 000 habitants. Vendredi, ils étaient deux avec le dépassement de ce seuil par les Pyrénées-Orientales. Hier, ils étaient déjà sept (en plus des deux précédents, les Hauts-de-Seine, les Pyrénées-Atlantiques, la Haute-Garonne, l’Hérault et les Alpes-Maritimes). Le nombre de cas a augmenté de 56 % en une semaine, et ce qui se passe dans certains pays voisins a de quoi inquiéter : aux Pays-Bas, par exemple, le nombre de cas positifs a été multiplié par six en une semaine. 

Guillaume Rozier, le créateur du site CovidTracker, résumait hier la situation en quelques mots sur twitter : « Une grosse vague épidémique commence à nous atteindre. À taux de croissance constant, on aurait 14 800 cas par jour le 1er août et 63 000 le 24 août. »  La barre des 5 000 cas par jour, considérée par le gouvernement comme symbolique de la maîtrise de l’épidémie, devrait être dépassée en France d’ici la fin de la semaine. 

Conseil scientifique : un peu d’obligation, beaucoup de persuasion

Dans un avis rendu le 6 juillet et mis à jour le 8 juillet, le Conseil scientifique fait état de son « inquiétude grandissante »  concernant le variant Delta, « beaucoup plus transmissible que le variant Alpha »  (celui qu’on appelait naguère le « variant anglais », responsable de la troisième vague). Il importe donc « d’anticiper »  cette nouvelle vague : « Des mesures prises maintenant peuvent limiter cette nouvelle vague et ses effets », écrivent les scientifiques. 

Le Conseil remarque que la France est en retard sur la vaccination des personnes âgées par rapport à de nombreux autres États : 80 % des personnes de plus 60 ans ont reçu au moins une dose, alors que ce taux atteint ou approche les 100 % en Irlande, en Norvège, au Portugal, en Espagne… Il est donc d’abord nécessaire, selon le Conseil scientifique, de « fortement renforcer et accélérer »  la campagne de vaccination vers ce public. 

Par ailleurs, les scientifiques notent le rôle joué par les « inégalités sociales »  non seulement dans l’infection par le virus elle-même mais aussi face à la vaccination : les populations les plus pauvres ont été les plus touchées par le virus « durant les trois vagues »  ; et « l’hésitation vaccinale est également plus importante dans ces populations ». Face à cette situation, le Conseil ne prône surtout pas une stratégie d’obligation, mais une intensification de la stratégie « aller vers » : il faut « expliquer sans imposer ni juger »  (position qui se rapproche de celle de l’AMF, lire ci-dessous). Cette stratégie doit être menée, poursuivent les scientifiques, « avec les différents acteurs locaux et associatifs ».

Le Conseil s’inquiète également de la situation outre-mer, où la vaccination est beaucoup plus faible qu’en métropole (16 à 17 % de la population primo-vaccinée en Guyane, Martinique, Guadeloupe et Mayotte). L’arrivée du variant Delta sur ces territoires pourrait donc avoir des conséquences très graves. 

Dans l’état actuel des choses, le Conseil craint que des mesures de restriction soient à nouveau nécessaires à l’automne : avec un taux de vaccination des adolescents de 30 %, de 70 % des 18-59 ans et de 90 % des plus de 60 ans, la virulence du variant Delta pourrait conduire à un pic d’hospitalisations « similaire au pic de l’automne 2020 ». 

La recommandation « majeure »  du Conseil scientifique est donc « l’accélération du programme vaccinal ». Les scientifiques recommandent – et l’on verra ce soir si cet argument a convaincu le chef de l’État – de « maintenir pendant l’été l’accès gratuit aux tests de dépistage afin de permettre un nombre élevé de tests ». Il faudrait également remettre à l’ordre du jour le respect des gestes barrières, car on constate « un relâchement massif »  de ceux-ci « depuis deux semaines ». Les scientifiques recommandent également de « revoir à la baisse »  la jauge de 1000 personnes rendant obligatoire le recours au pass sanitaire. 

Sur la vaccination, le Conseil demande une « priorisation »  de celle des personnes jeunes à risque et en particulier des personnes obèses. « Les personnes migrantes et personnes en situation de grande précarité doivent également être la cible de cette priorité vaccinale. »  Enfin, le Conseil recommande l’obligation vaccinale des soignants et « des personnels médicosociaux ». Tout en se disant « conscient des enjeux éthiques, sanitaires, légaux et humains »  d’une telle mesure, il estime « que le choix d’un métier de santé s’accompagne d’une responsabilité professionnelle vis-à-vis des patients que l’on accompagne ». 

L’AMF, peu favorable à l’obligation vaccinale, plaide pour l’incitation

On saura donc ce soir si le chef de l’État choisit cette option. Le suspens n’est pas très intense, tant le gouvernement, par la voix de nombreux ministres, a déjà insisté ces derniers jours sur la nécessité d’une telle décision. Un relatif consensus règne sur cette question, les fédérations de personnels de santé elles-mêmes se disant favorables à l’obligation vaccinale. 

Il faut noter, dans ce contexte, la position tout en nuances prise par l’AMF – consultée comme les autres associations d’élus – sur ce sujet. Dans un courrier adressé au Premier ministre, vendredi, le président de l’association développe la position défendue, la veille, par l’AMF à Matignon, et fait part de ses « réserves »  face à l’obligation vaccinale pour les soignants. Tout en rappelant que ces décisions reviennent, de toute façon, à l’État, François Baroin tient à rappeler que les soignants ont été « entièrement mobilisés »  depuis le début de l’épidémie et « ont fait preuve d’une très grande adaptabilité (…) prouvant que leur investissement dans la lutte contre le virus est total ». Dans ces conditions, l’AMF juge que l’obligation vaccinale pourrait être vécue comme « un signal méconnaissant cet engagement voire une forme de sanction ». L’association plaide donc, plutôt, pour « le renforcement des mesures incitatives »  et « le développement d’une vaccination de proximité et sans rendez-vous ». Elle est favorable au « transfert progressif »  de la vaccination vers la médecine de ville – d’autant qu’il va bien falloir, à un moment ou un autre, que les nombreux locaux et les agents mobilisés par les collectivités pour installer et faire tourner les centres de vaccination « retrouvent leur usage »  et leurs fonctions. 

Sur le pass sanitaire enfin, l’AMF n’est pas opposée à une modification des jauges ; elle l’est, en revanche, à une application du pass sanitaire pour l’accès aux « équipements du quotidien »  comme les bibliothèques ou les gymnases.

Sur l’obligation vaccinale comme sur l’usage du pass sanitaire, tout comme sur la question de la gratuité des tests, on saura ce soir, à 20 h, ce que le chef de l’État a finalement décidé.  

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