Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 24 juin 2020
Coronavirus

StopCovid : trois semaines après son lancement, bilan peu flatteur pour l'application de traçage numérique

L’application StopCovid a, pour l’heure, démontré une efficacité toute relative : depuis le 2 juin, date de son lancement (lire Maire info du 2 juin), seules 14 notifications ont été envoyées à des utilisateurs qui auraient été en contact, jugé à risque, avec une personne diagnostiquée positive au covid-19. Dans le même temps, 68 Français se sont déclarés malades via l’application et le serveur central, source de bien des critiques (lire Maire info du 28 mai), a dénombré 205 contacts de proximité. 

1,9 million de téléchargements
Ce bilan peu flatteur, objectivé prochainement avec la réalisation « d’enquêtes de terrain »  et un contrôle « dans les prochains jours »  de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), est la démonstration que cet outil de lutte contre l’épidémie « n’est pas magique », a assuré, hier à l’occasion d’un point d’étape réalisé avec des pointures dans les domaines de la santé, de la recherche ou de la sécurité informatique (direction générale de la Santé, Inserm, Institut Pasteur, Anssi, Inria), Cédric O, secrétaire d’État au Numérique. Celui qui est aussi le premier défenseur de l’application depuis la présentation du projet le 8 avril (lire Maire info du 14 avril), continue néanmoins de « promouvoir » cette application, qui si elle « fonctionne »  souffre d’un cruel manque de popularité.
Le nombre de téléchargements n’est, en effet, pas plus reluisant. En trois semaines, 1,9 million de Français ont installé l’application sur leur smartphone quand 1,816 million l’ont réellement activée. « Nous ne savons pas si la diffusion dont nous parlons est essentiellement dans les grandes villes ou plus répartie sur tout le territoire », précise Cédric O. Qui l’assure à nouveau : « L’État n’a pas accès à l’historique de proximité des uns et des autres ».

460 000 désinstallations
Le mauvais signal pour le gouvernement est à voir dans le « phénomène de désinstallation », reconnaît Cédric O. « Plusieurs dizaines de milliers »  de Français retirent l’application de leur téléphone « chaque jour »  (460 000 désinstallations et 23 953 désactivations au total). « Ce que nous expliquons par la baisse de l’inquiétude relative à l’épidémie »  et par le fait que certains utilisateurs ne téléchargeraient l’application seulement s’ils étaient diagnostiqués positifs, justifie le secrétaire d’État, pas peu fier de contrecarrer ceux qui doutaient de la fiabilité d’un tel outil. « Il n’y a pas eu de problème de confidentialité ni de vie privée. Toutes les craintes qui avaient pu se faire jour au cours du développement de l’application, des craintes de fuites de données, de réidentification de personnes malades ou de leurs contacts, n’ont pas été avérées à ce jour (…) Je touche du bois, en tout cas jusqu’ici, nous n’avons pas eu de tels problèmes », a-t-il déclaré.

Davantage de données utilisées ?
Interrogé sur l’envoi par l’application sur le serveur central de données personnelles, dont le nombre a été jugé plus important que prévu par un chercheur interrogé par Médiapart, Cédric O a répliqué que « la manière dont fonctionne StopCovid n’est en aucun cas une révélation : on remonte les données des contacts croisés et le calcul d’exposition s’effectue sur le serveur (protocole Robert) ». Cette procédure n’était, jusque-là, pas si limpide à tel point que la Cnil semblait la découvrir le 18 juin, selon les informations de Numérama
Il faut donc retenir que l’appareil utilisateur de l’application enregistre tous les téléphones à proximité, qu’importe la durée et la distance. Toutes ces données remontent ensuite jusqu’au serveur central, qui se charge de les trier et de ne conserver que celles comprises dans les téléphones près desquels l’utilisateur de l’application est resté en contact à moins d’un mètre de distance et pendant plus de quinze minutes.

Une mise à jour et deux changements le 25 juin
Cédric O a conclu la question en parlant « d’incompréhension »  et en expliquant qu’un « filtre prévu dès l’origine »  mais « qui n’était pas prêt jusqu’ici »  permettra dès jeudi, date de la mise à jour de l'application, de ne pas remonter « les contacts dont les incidences sont trop faibles », c’est-à-dire ceux dont la durée de proximité est inférieure à « une ou deux minutes ». Développé par Orange, un captcha « autonome » qui permet à l'application de comprendre qu'elle a bien affaire à un être humain, et non à un robot, prendra le relais, le même jour, du captcha fourni par Google.
Précision technique supplémentaire : le traçage des contacts d'une personne diagnostiquée positive avec symptôme(s) sera réalisé sur les deux jours qui précèdent l'apparition des symptômes. En revanche, le traçage des contacts d'une personne positive sans symptôme se fera sur les 14 derniers jours. 

Interopérabilité européenne
Autres ambitions de l’application dans un futur proche : « améliorer la réponse sanitaire autour de StopCovid »  ; « agir spécifiquement sur les clusters et les zones oranges et rouges », notamment à Mayotte ou en Guyane, particulièrement touchés par le virus en ce moment. Une opération de promotion par SMS a ainsi été réalisée à Mayotte pour vanter les mérites de l'application. Le secrétaire d’État réfléchit aussi à « la possibilité de se déclarer positif via le médecin traitant en Guyane », département où l’application StopCovid pourrait être « mise à disposition dans six langues différentes ».
« L’interopérabilité européenne », dont Cédric O déplore l'absence - la France a fait le pari d'une « solution souveraine avec une approche centralisée »  -, a, enfin, été identifiée comme le dernier chantier des semaines à venir. « Nous travaillons avec des équipes espagnoles et allemandes sur la construction d’un prototype de l'implémentation de ce nouveau protocole (DESIRE) pour être disponible dans la première quinzaine du mois de juillet », a annoncé Bruno Sportisse, P-DG de l’Inria, institut de recherche qui pilote le développement de l'application.

200 000 euros par mois
Des pays européens dans lesquels ni le coût, qui a fait l'objet, le 12 juin, d'une saisie du parquet national financier par l'association Anticor en France (près de 200 000 euros par mois en France contre 20 millions d'euros en Allemagne) ni le taux de pénétration de l'application (10 millions d'Allemands l'ont téléchargée) ne sont les mêmes. « Ce que je pense, c’est que cela ne dit rien de l’application, mais cela dit tout de nos différences culturelles, et éventuellement de la différence d’appréciation du comportement du gouvernement », a conclu Cédric O.

Ludovic Galtier

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