Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 20 mars 2020
Coronavirus

Report des conseils municipaux, EPCI, dépôt des listes... Ce que contient le projet de loi d'urgence adopté au Sénat

Tout va si vite en temps de crise que ce qui est vrai à midi peut ne plus l’être à 18 heures. Hier encore, à l’heure où nous mettions Maire info en ligne, le gouvernement était favorable à une installation immédiate des conseils municipaux et à l’élection des maires et des adjoints entre aujourd’hui et dimanche. Mais à 18 heures, devant le Sénat, le Premier ministre annonçait un report de ces installations à la mi-mai – au moins. Cette disposition figure bien dans le projet de loi adopté cette nuit par les sénateurs. Avant de revenir, dès lundi, sur les dispositions de ce texte concernant l’état d’urgence sanitaire, tour d’horizon des décisions qui concernent directement les communes et les EPCI. 

Report des installations de conseils municipaux
« Ce soir, les conditions ne sont pas réunies pour procéder [à l’élection des maires] d’ici dimanche. »  Cette déclaration d’Édouard Philippe, dans son discours de présentation du projet de loi « Urgence covid-19 », a mis fin aux débats et aux inquiétudes remontant du terrain. Il n’y aura pas de réunions des conseils municipaux élus dans les 30 000 communes où le premier tour a été décisif, et le mandat de tous les conseillers municipaux et communautaires sera prorogé jusqu’au mois de mai, au moins. C’est en examinant le rapport qui doit être rendu par le Conseil scientifique d’ici là que le gouvernement, le 10 mai, viendra débattre devant le Parlement de la date possible d’organisation du second tour en juin et du moment auquel les nouveaux conseils municipaux pourront s’installer. 
Ce changement de cap a été décidé dans la journée sur les préconisations du Conseil scientifique. « C’est une décision politique, a détaillé plus tard dans la nuit Philippe Bas, président de la commission des lois au Sénat, prise à l'issue d'une réunion présidée par le président du Sénat et le Premier ministre, en présence du ministre de l'Intérieur et du ministre des relations avec le Parlement, à laquelle participaient tous les présidents de groupe. »  Cette décision a fait la quasi-unanimité au Sénat. 
Dès ce matin, une instruction a été envoyée aux préfets par le directeur de cabinet du ministre Sébastien Lecornu. Elle précise que tous les conseils municipaux programmés à partir d’aujourd’hui doivent impérativement être « ajournés ». Dans un message publié sur son site,  l’AMF demande également à tous ses adhérents « d’annuler au plus vite la réunion d’installation du conseil municipal par mail envoyé à tous les participants ou par tout moyen permettant une information des participants dans les meilleurs délais ». 

Conseils municipaux : les nouvelles règles
Le texte adopté fixe, dès son article 1er, les nouvelles règles pour les conseils municipaux : 
• Le second tour, dans les quelque 4 000 communes où il sera nécessaire, aura lieu « au plus tard au mois de juin », avec une date fixée par décret « au moins un mois avant le scrutin ».
• Un rapport remis au Parlement au plus tard le 10 mai permettra de décider de la possibilité de réunir, ou non, les conseils municipaux complets qui ont été élus le 15 mars. 
• Les conseillers municipaux et communautaires élus le 15 mars n’entreront en fonction que « lorsque la situation sanitaire le permettra », et au plus tard au moins de juin. Cette date sera fixée par décret. Dans les communes de moins de 1000 habitants où le conseil municipal est incomplet, les conseillers municipaux élus le 15 mars n’entreront en fonction qu’après le second tour.
• Dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet le 15 mars, l’ancienne équipe reste en fonction, et les conseillers communautaires conservent leur mandat. 
Le texte contient également les dispositions proposées par Philippe Bas (lire Maire info d’hier) pour faciliter, dans des conditions sanitaires satisfaisantes, l’élection du maire par les conseils municipaux – eu égard au fait que même en mai ou en juin, l’épidémie ne sera sans doute pas totalement éteinte. Il a été adopté que, dans ce contexte, la réunion pourrait se tenir en dehors de la commune ; que le quorum serait fixé à un tiers des membres et non la moitié ; que chaque conseiller municipal pourra être porteur de deux procurations. Une dérogation extrêmement nouvelle est également mise en place : la possibilité – qui reste à définir par décret – d’une réunion à distance, avec vote électronique ou par correspondance papier.

Et pour les EPCI ?
Le texte fixe aussi des règles (un peu) simplifiées sur les conseils communautaires. 
• Dans les EPCI dans lesquels toutes les communes ont élu un conseil municipal complet, le nouveau conseil communautaire ne se réunira pas avant que la situation sanitaire le permette. Dès que le décret permettant l’installation des conseils municipaux sera publié, ces conseils auront trois semaines pour se réunir.
• Dans les autres EPCI (ceux qui comptent des communes n’ayant pas encore élu la totalité de leur conseil municipal), la situation est plus compliquée. Ils se réuniront « au plus tard le troisième vendredi suivant le second tour ». 
• Pour ce qui concerne les présidents et vice-présidents des EPCI, ils sont « maintenus dans leur fonction »  jusqu’à l’installation des nouveaux conseils communautaires. Sauf – précision d’importance – s’ils n’ont plus de mandat de conseiller communautaire (cas d’un président qui ne se serait pas présenté à l’élection municipale, par exemple). Dans ce cas, le président est remplacé par « un vice-président dans l’ordre des nominations ». Pour résumer : un président d’EPCI qui n’a pas été élu le 15 mars est remplacé à sa fonction par le premier vice-président (s’il est toujours conseiller communautaire bien sûr). 
Enfin, le mandat de tous les représentants des communes, des EPCI ou des syndicats mixtes fermés dans les organismes de droit public ou privé sont prorogés jusqu’à la désignation de leurs remplaçants par les futurs organes délibérants. 

Date de dépôt des listes
Un débat a eu lieu au Sénat sur les conditions de dépôt des listes pour le second tour (initialement prévu mardi dernier, le 17 mars). Après de longs débats, il a été voté que la date de dépôt serait fixée au mardi 31 mars à 18 h. Certains sénateurs auraient voulu que ce soit plus tôt (24 mars), d’autres plus tard. Le gouvernement, quant à lui, est favorable à ce que les listes soient déposées le plus tard possible, au contraire, « cinq jours avant le second tour »  comme le veulent les textes. Ce point sera donc certainement appelé à évoluer à l’Assemblée nationale – c’est d’ailleurs un des seuls, la presque totalité des autres dispositions faisant l’objet d’une grande unanimité entre les sénateurs et le gouvernement. 
Christophe Castaner a cependant précisé un point important, en réponse aux interrogations d’un sénateur : les listes pour le second tour qui ont été déposées le 18 mars ne pourront être conservées. Elles seront « écrasées ».
Reste une question : que va-t-il se passer si la situation sanitaire ne permettait pas la tenue du deuxième tour en juin ? Le gouvernement n’a pas communiqué sur ce sujet, mais le Conseil d’État, en examinant le projet de loi, a donné son avis : « Si la crise persiste à cette échéance, contraint à prolonger les mesures d’urgence sanitaire et rend impossible l’organisation du deuxième tour avant l’été, il appartiendra aux pouvoirs publics de reprendre l’ensemble des opérations électorales dans les communes où les conseils municipaux sont incomplets. » 
Le texte va être examiné dès aujourd’hui par l’Assemblée nationale, et pourrait être promulgué dès demain.

Franck Lemarc

Accéder au texte adopté.

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