Maire-info
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Édition du lundi 22 mars 2021
Coronavirus

Relogement des personnes sans domicile pendant l'épidémie : la Cour des comptes appelle à une réflexion de fond

C'est un rapport annuel un peu particulier que la Cour des comptes a rendu cette année. Au lieu de se pencher, comme traditionnellement, sur les finances publiques, la Cour a tenu à adapter ses travaux à « une année particulière » marquée par l'épidémie. 

« Tirer le plus rapidement possible des enseignements des évolutions provoquées par la crise ». C’est l’objectif que se sont fixées, cette année, la Cour des comptes et ses juridictions régionales, afin « d’éclairer les citoyens et les décideurs sur la qualité de la réponse qui a été apportée à la pandémie et ses conséquences pour l’avenir ».
Le rapport annuel de la Cour des comptes consacre donc la totalité de son premier tome (le second étant consacré, comme toujours, à des zooms sur des problématiques spécifiques) à la gestion de la crise épidémique : réanimations, établissements de santé, numérique, mesures économiques… De nombreux aspects liés à la crise sont passés au crible par la Cour. 
Parmi ces sujets, un chapitre est consacré à l’hébergement et le logement des personnes sans domicile pendant la crise sanitaire. 

Les acteurs « pris de court » 

300 000 personnes vivent à la rue en France (chiffres de 2019). Pour ces personnes particulièrement vulnérables, l’application des mesures sanitaires constituait « un véritable défi »  qui a fait l’objet « d’une attention particulière des pouvoirs publics », note la Cour des comptes, qui a analysé de près les mesures prises « entre mars et juillet 2020 ». 
Premier constat : la collectivité n’était « pas préparée »  à cette crise : services de l’État et opérateurs « ont été pris de court, soumis à des injonctions contradictoires ou largement livrés à eux-mêmes ». Ce sont, juge la Cour, les associations qui se sont « ressaisies »  le plus rapidement.
« Cette absence de préparation opérationnelle à la gestion de la crise a fortement pesé sur la capacité de l’État à guider de façon cohérente (…) les acteurs de l’accueil, de l’hébergement et de l’accompagnement ». La situation a été « critique »  pendant les deux premières semaines de l’état d’urgence sanitaire, avant que « des mesures progressives soient mises en place »  avec, en premier lieu, le report de la fin de la trêve hivernale, puis la distribution de masques et d’aides alimentaires. En revanche, notent les magistrats, « les mécanismes d’accès au parc social se sont quasiment interrompus ». 

Un relogement pérenne ?

Au bilan, l’état d’urgence du printemps 2020 s’est traduit par « un effort sans précédent de mise à l’abri des personnes qui étaient à la rue ». Avec à la clé, note en passant la Cour, un coût important pour l’État (autour de 650 millions d’euros), lié en particulier « au niveau relativement élevé des tarifs hôteliers pratiqués dans l’urgence »  et au coût « de la remise en l’état des lieux », pris en charge par l’État. 
À la sortie de la première étape de la crise (juillet 2020), l’État s’est trouvé dans le même dilemme qu’à la fin de toutes les trêves hivernales : soit le retour à la situation antérieure (remise à la rue des personnes ou maintien en hébergement provisoire), soit « une évolution décisive avec l’objectif d’assurer l’accès (des personnes) à un logement ». C’est, note la Cour, la première solution qui a primé, avec pour l’essentiel « la pérennisation de places d’hébergement provisoire ». Ce qui « ne place pas l’État en position favorable pour affronter une crise prolongée ou un nouveau choc ». 
La Cour des comptes recommande donc un changement de stratégie à long terme, en « accélérant l’accès au logement des personnes sans domicile », ce qui supposerait que les acteurs du logement social « soient appelés à davantage ouvrir et adapter leur offre aux ménages les plus précaires ». 
Cette proposition peut-elle rester autre chose qu’un vœu pieu, dans une situation de crise historique de l’offre du logement social – conséquence avérée de la réforme des APL décidée par le gouvernement ? C’est en substance ce que répond l’Union sociale pour l’habitat (USH) à la Cour des comptes : « Une baisse structurelle du volume d’attributions est à craindre dans les mois et les années à venir », en raison notamment « de la baisse de production des logements ». Le parc social ne sera donc en mesure de répondre à ces nouvelles demandes « qu’à la condition d’être soutenu par une politique volontariste de production d’une offre diversifiée. » 
On peut noter également que dans le rapport de la Cour des comptes, les collectivités locales sont quasiment absentes (elles ne sont citées qu’incidemment), bien qu’ayant joué un rôle essentiel dans l’accompagnement des personnes les plus précaires au plus fort de la crise (relogement d’urgence, fourniture de masques et d’aide alimentaire, etc.). Moins oublieux, le Premier ministre, dans sa réponse à ce chapitre du rapport, note « la mobilisation des collectivités locales »  qui, en rapport avec les préfets et les associations, « mérite tout spécialement d’être saluée ». 

F.L.

Télécharger le rapport consacré à l’hébergement d’urgence pendant la crise. 

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