Maire-info
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Édition du lundi 26 juillet 2021
Coronavirus

Projet de loi sanitaire définitivement adopté : ce qui reste dans le texte et ce qui n'y est plus

Députés et sénateurs ont fini par se mettre d'accord, hier soir, sur le texte consacré au pass sanitaire et à l'obligation vaccinale, au terme de cinq jours de marathon parlementaire. Le texte est assez proche de celui qui avait été proposé par le gouvernement, à l'exception d'un certain nombre de points que Maire info détaille. 

Par Franck Lemarc

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© Assemblée nationale

L’époque est décidément aux compromis impossibles entre Assemblée nationale et Sénat. Après la loi Climat et résilience, où les vues des deux assemblées paraissaient irréconciliables avant qu’un accord soit trouvé à l’arraché, c’est sur le projet de loi sanitaire que la commission mixte paritaire (CMP), composée de sept députés et sept sénateurs, a finalement trouvé un compromis. 

Le texte du Sénat

Samedi, les sénateurs avaient rendu leur copie – assez sensiblement différente de celle de l’Assemblée nationale : rétablissement de l’état d’urgence sanitaire, refus d’appliquer le pass sanitaire dans les centres commerciaux, suppression des licenciements pour les salariés ne présentant pas de pass sanitaire dans les secteurs où il est obligatoire et pour les personnels soignants qui refuseraient de se faire vacciner, possibilité pour les jeunes entre 16 et 18 ans de se faire vacciner sans accord parental, remplacement de l’obligation de placement à l’isolement des personnes infectées par un simple « engagement »  de la personne à rester chez elle… Il a donc fallu de longues heures de discussion en CMP – et des concessions des deux côtés – pour parvenir à une version commune, qui a finalement été adoptée par les deux chambres dans la soirée, après une ultime modification du gouvernement. 

Période transitoire et état d’urgence

Le premier compromis trouvé l’a été sur les dates de la période de transition, pendant laquelle le Premier ministre conserve des pouvoirs spéciaux. Le gouvernement souhaitait que celle-ci coure jusqu’à 31 décembre ; les sénateurs voulaient, eux, « appeler un chat un chat »  et rétablir l’état d’urgence sanitaire, arguant, comme beaucoup de parlementaires et d’élus depuis le mois de juin, que cette « période transitoire »  voulue par le gouvernement est en réalité un état d’urgence qui ne dit pas son nom. 

Finalement, il a été acté que la période transitoire serait prolongée, mais jusqu’au 15 novembre seulement au lieu du 31 décembre. Au-delà, le gouvernement devra revenir devant le Parlement s’il souhaite la prolonger.

L’état d’urgence sanitaire est en revanche bien présent dans la loi, puisqu’il est décrété à la Martinique, en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy et Saint-Martin ; le texte anticipe également la possibilité d’une mise en place de l’état d’urgence à Mayotte – ce qui semble surprenant, dans la mesure où Mayotte est, à ce jour, le département où le taux d’incidence (4 pour 100 000) est le plus bas du pays.

Certains centres commerciaux soumis au pass sanitaire

Les plus âpres discussions ont eu lieu sur le pass sanitaire, qui, au final, devrait bien être exigé dès la publication de la loi dans de nombreux lieux, dont les transports longue distance, les restaurants et cafés, les établissements de santé (sauf en cas d’urgence), en plus des lieux de culture et de loisir où il est déjà obligatoire. Le Sénat souhaitait que le pass ne soit pas exigé pour la restauration en extérieur (terrasses), il n’a pas obtenu gain de cause. En revanche, la « vente à emporter de plats préparés »  en sera exemptée. 

À l’issue de la CMP, les centres commerciaux avaient bel et bien été exclus du champ du pass sanitaire. Mais lors de l’ultime lecture de ce texte, lors de laquelle les parlementaires n’ont plus le droit de déposer des amendements, le gouvernement a fait usage de son droit à amender le texte – droit qui n’est utilisé que de façon rarissime. Le gouvernement a déposé un unique amendement, rétablissant le pass sanitaire dans les centres commerciaux, et celui-ci a été adopté par les deux chambres (« au pied du mur », dira même le rapporteur du texte au Sénat, Philippe Bas). Les « grands magasins et centres commerciaux »  pourront donc être concernés, sur « décision motivée »  du préfet, et en tenant compte de l’offre commerciale et de l’offre de transports sur le territoire concerné. Un « seuil »  de surface minimale (on parle de 20 000 mètres carrés) sera défini par décret. 

Ces nouvelles règles sur le pass sanitaire seront mises en place en trois temps : dès la parution de la loi pour le public adulte ; à partir du 30 août pour les personnes qui y travaillent (salariés, agents ou bénévoles) ; et à partir du 30 septembre pour les « mineurs de plus de douze ans ». 

Point important : pour les gérants et exploitants de lieux soumis au pass sanitaire qui ne contrôleraient la présentation de celui-ci, les règles changent. Alors que le gouvernement proposait une amende forfaitaire, le Sénat a obtenu l’adoption d’un autre dispositif : en cas de manquement (c’est-à-dire si, par exemple, un restaurateur ne contrôle par le pass sanitaire pour ses clients), le propriétaire ou gestionnaire reçoit une « mise en demeure »  de « l’autorité administrative ». (Le texte ne précise pas quelle sera cette autorité administrative : le maire ou le préfet ?) Si au bout de 24 h le propriétaire ne s’est pas conformé à la réglementation, il pourra faire l’objet d’une mesure de fermeture administrative de sept jours maximum. Si un même manquement est constaté trois fois sur une période de 45 jours, le propriétaire ou le gestionnaire tombera sous le coup d’une amende de 9 000 euros et d’une peine d’un an de prison.

La définition du pass sanitaire ne change pas, du moins pour l’essentiel du public : il peut s’agir ou d’un certificat de vaccination complète, ou d’un test négatif de moins de 48 h, ou d’un certificat de rétablissement du covid-19, c’est-à-dire un test positif datant de moins de 6 mois et plus de 11 jours. Des règles spécifiques ont été édictées pour les soignants, qui sont décrites plus bas. 

Il a été conservé l’application des circonstances aggravantes pour toute violence contre des personnes chargées de contrôler le pass sanitaire. Pour l’utilisation ou la diffusion de faux pass sanitaires, la peine encourue est une amende de 4e ou 5e classe (135 à 1 500 euros), voire de la prison en cas de récidive. 

Obligation vaccinale

Le chapitre sur l’obligation vaccinale a été quelque peu modifié, non sur la liste des professionnels concernés, qui n’a quasiment pas bougé, mais sur le parcours vaccinal et les sanctions. Sur la liste des personnes concernées, un seul changement à noter : tous « les membres des associations agréées de sécurité civile »  ne seront pas concernés par l’obligation vaccinale, mais seulement ceux qui interviennent sur « des opérations de secours »  ou lors des grands rassemblements. 

Là encore, l’obligation vaccinale se mettra en place par étape, et un délai de grâce d’un mois a été décidé. Première étape : de la publication de la loi jusqu’au 14 septembre, les professionnels concernés n’auront le droit d’exercer que sur présentation d’un pass sanitaire. À partir du 15 septembre, ils devront être vaccinés, mais sans avoir obligatoirement achevé leur « parcours vaccinal »  (deux doses plus sept jours) : « par dérogation », du 15 septembre au 15 octobre, les personnes pourront venir travailler si elles justifient de l’injection d’au moins une dose, sous réserve, dans ce cas, de présenter régulièrement à leur employeur un test négatif. Enfin, à partir du 15 octobre, il sera obligatoire de justifier du schéma vaccinal complet. Cette mesure a été ainsi résumée, en fin de débats, par Olivier Véran, le ministre de la Santé, qui a donné l’accord du gouvernement au dispositif : « Les soignants ayant reçu une première injection avant le 15 septembre disposeront d'un délai supplémentaire pour achever leur parcours vaccinal jusqu'au 15 octobre, pour donner le maximum de chances à la mobilisation collective. » 

Plus de licenciement automatique

Les sénateurs ont également obtenu satisfaction sur un point : il n’y aura pas de licenciement pour les personnes qui refusent l’obligation vaccinale ou le pass sanitaire : les personnes concernées se verront proposer de mobiliser leurs congés, puis seront mises en congé sans solde pendant deux mois (sauf si elles présentent entretemps les justificatifs demandés). Au-delà des deux mois, le congé sans solde sera prolongé, ce qui ne laissera à l’intéressé que deux possibilités : ne plus percevoir aucune rémunération ou démissionner. 

Pour le cas des personnes travaillant dans des ERP où la présentation d’un pass sanitaire est obligatoire, l’employeur privé ou public devra toujours, sous trois jours, convoquer le salarié ou l’agent à un entretien pour discuter de la situation avec lui et lui proposer, si possible, une autre affectation temporaire « à un poste non soumis à cette obligation ». 

En revanche, pour les professionnels de santé soumis à l’obligation vaccinale, le texte final a supprimé l’entretien entre l’employeur et le salarié ou l’agent. La suspension prendra effet, après l’information du salarié ou de l’agent, dès que l’employeur constatera que ce dernier « ne peut plus exercer ses fonctions »  au regard de la loi. 

Isolement

Enfin, dans le texte final, l’obligation d’isolement pour les personnes infectées par le covid-19 a été rétablie. Seul changement : le contrôle de cette obligation reviendra en premier lieu à l’Assurance-maladie. Autrement dit, les forces de l’ordre qui iront visiter une personne malade à son domicile pour vérifier qu’elle y est présente agiront sur réquisition de l’Assurance-maladie. Rappelons que les policiers municipaux seront habilités à procéder à ces contrôles. Plus précisément, en cas de constat ou de suspicion du non-respect de l’isolement, l’Assurance-maladie saisira l’ARS, qui saisira le préfet, qui, à son tour, ordonnera le contrôle domiciliaire. 

***

Il reste à présent une dernière étape à franchir avant la promulgation de la loi : celle de l’avis du Conseil constitutionnel, qui a été saisi à la fois par le gouvernement lui-même et par l’opposition. Tant que le Conseil constitutionnel n’aura pas validé le texte, celui-ci ne pourra être promulgué, et les obligations qu’il contient ne s’appliqueront pas. 

Maire info reviendra sur ce texte au moment de sa promulgation si les Sages censurent des éléments importants de ce texte. 

Accéder au texte adopté.

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