Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 6 mai 2020
Coronavirus

Projet de loi état d'urgence sanitaire : le texte entièrement récrit par le Sénat

Le Sénat a adopté hier le projet de loi « prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions », après l’avoir presque entièrement récrit. Les amendements proposés la veille par la commission des lois ont quasiment tous été adoptés en séance, et les sénateurs ont ajouté quelques dispositions supplémentaires.

Nouveaux débats sur la responsabilité pénale
L’un des aspects essentiels de ces ajouts du Sénat est le nouvel article 1er, sur la responsabilité pénale (lire Maire info d’hier), qui s’applique aussi bien aux maires qu’à d’autres responsables aussi bien publics que privés. Dans la journée d’hier, plusieurs amendements ont conduit à discuter à nouveau de ces questions de responsabilités juridiques. 
C’est le cas notamment d’un amendement du groupe centriste, porté notamment par Françoise Gatel (Ille-et-Vilaine), qui proposait de mentionner explicitement que maires et présidents d’EPCI ont « le pouvoir d’ordonner des mesures de fermetures provisoires »  des établissements scolaires, mais aussi des établissements recevant du public et des lieux de réunion. Argument supplémentaire brandi par les défenseurs de cette disposition : les conseils municipaux issus du scrutin du 15 mars n’étant pas encore entrés en fonction, « ce sont donc les sortants qui prennent des décisions d'ouverture d'école qui engageront leur successeur ». Cet amendement a permis au président de la commission des lois, Philippe Bas, de répéter que la réouverture des écoles ne dépend pas de la décision du maire mais de celle « de l’Éducation nationale ». D’où, selon lui, le caractère contreproductif de cet amendement : « En rendant (les maires) implicitement responsables de cette ouverture, vous élargissez le champ des poursuites pénales dont ils pourraient faire l'objet. » 
Un autre amendement (LR) allait dans le même sens, en demandant que soit confirmée la possibilité pour les maires de prendre localement « des mesures plus protectrices »  que celles adoptées à l’échelle du pays, notamment en maintenant fermées des écoles. Il a également été rejeté.

« Concertation avec les élus locaux » 
Le Sénat a également débattu des agents qui seraient en capacité, après le 11 mai, de verbaliser les usagers ne portant pas de masques dans les transports publics. Le gouvernement souhaitait que, au-delà des contrôleurs habilités des réseaux de transport, les agents des gares de la SNCF puissent procéder à la verbalisation. La commission des lois avait refusé ce point, et les sénateurs, en séance publique, ont confirmé cette position. 
Après un long débat sur la réouverture des plages (lire article ci-dessus), pendant lequel des positions très contradictoires se sont exprimées, les sénateurs ont par ailleurs adopté deux articles additionnels. 
L’un concerne la situation des ménages précaires, et acte l’exonération des frais bancaires des personnes en difficulté financière. Les sénateurs socialistes, qui ont défendu cet amendement (adopté contre l’avis du gouvernement et de la commission des lois) ont argué que certains ménages peuvent payer jusqu’à 500 € de frais bancaires par an pour des incidents de compte, ce qui est « bien supérieur à ce qu’ils peuvent assumer ». 
Enfin, un nouvel article, adopté là encore contre l’avis du gouvernement, traite de la question des fameuses cartes à trois couleurs mises en place depuis le 30 avril. Cet article imposerait, s’il passait le cap de l’Assemblée nationale, que l’établissement de ces cartes classant les départements en rouge, vert ou orange, se fasse « sur la base d'un dialogue à l’échelon départemental entre l’État, ses services sur le terrain, les professionnels et les élus locaux ». Les défenseurs de cette disposition s’appuient sur les « erreurs »  relevées dans les premières cartes présentées par le gouvernement, notamment sur les départements de la Nièvre, du Cher ou du Lot. Cette question a également été abordée hier lors de la séance de questions au gouvernement de l’Assemblée nationale. Ces erreurs, selon l’avis de plusieurs parlementaires, sont le résultat d’un « défaut de concertation et de dialogue »  avec les élus locaux, ce que l’amendement adopté au Sénat vise à réparer. 
Le texte ainsi amendé a été déposé à l’Assemblée nationale, où il est examiné depuis midi par la commission des lois. De façon inhabituelle, à l’heure où nous écrivons – à deux heures des débuts des travaux de la commission – les amendements proposés sur ce texte ne sont toujours pas disponibles. Ce qui laisse à penser que, du côté du gouvernement et de la majorité, des arbitrages sont encore en cours en particulier sur l’article concernant la responsabilité juridique des acteurs du déconfinement.

Franck Lemarc

Accéder au texte adopté par le Sénat.

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